En fait, je rentrais de chez Lobo quand j'ai vu un drapeau de Pizza flotter à l'entrée d'une maison. Intriguée, j'ai ralenti à sa hauteur et là, effectivement, au fond du jardin, il y avait un camion avec un pizzaiolo qui s'affairait à la tâche dedans. C'est tellement rarissime par chez moi et le lieu si incongru que j'ai décidé de m'arrêter, pour discuter un peu avec le type, voir les pizzas proposées sur sa carte et prendre éventuellement son numéro de téléphone. Parce-que c'est toujours utile un jour d'avoir des pizzas à emporter pas loin de chez soi...

On parle un peu, il me raconte un conflit de dingue avec le maire et m'explique que les propriétaires de la maison sont des amis qui lui ont proposé de s'installer dans leur terrain. Des clients arrivent, tout le monde se salue et s'intéresse à l'histoire. C'est alors que la proprio débarque. Il se trouve que c'est une femme que je fréquentais beaucoup quand j'étais journaliste. Elle me reconnaît évidemment et se met à regretter que je ne sois plus là pour faire un papier sur ce sujet. Elle raconte à tout le monde que j'étais une fouille-merde friande des (petites) affaires d'abus de pouvoir du secteur, que je suis l'auteur de certains articles qui ont révélé des choses aux gens et/ou mis à mal certains élus, elle en ramène quelques-uns qu'elle a gardés dont une affaire qui avait fait grand bruit à l'époque et un autre sur un facho que j'ai salement amoché. Certains s'en souviennent...

Son mari débarque avec un voisin que je connais(sais) aussi, décidé à payer une petite tournée aux clients et m'implorant de faire une exception (je ne buvais jamais d'alcool avant, jamais) "au nom de leur résistance", il me donne une larme de vin blanc que j'accepte. Je me retrouve assaillie de questions (sur ce "prestigieux métier"), de remarques très négatives sur ce que devient le journal (les pages du secteur s'entend) depuis que je n'y travaille plus, de révélations croustillantes. Légère angoisse là, quand même, parce-que ça fait trois ans que je ne suis plus là-dedans. Le pizzaiolo me demande quelle pizza je veux qu'il me fasse. Je lui dis que je n'ai pas d'argent là, que je m'étais arrêtée juste à titre informatif. Il me sort qu'il n'est pas question d'argent, qu'il tient à m'en offrir une.

Je lui réponds alors que je suis végé et qu'il n'y en a malheureusement aucune pour moi dans sa carte. Putain !!! Le big silence ! La maîtresse de maison se met à rire et me demande si je me rappelle de la fois où je l'avais jetée avec ses boulettes (de viande). Un peu que je m'en souviens ! Elle se marre et raconte l'anecdote, notamment qu'elle avait insisté en me collant son plat sous le nez plusieurs fois et qu'à un moment donné, je lui avais balancé que "je ne mange pas de cadavre d'animaux" en lui jetant un regard noir. Elle en avait perdu ses moyens... Mais elle rigolait en racontant ça, comme on le fait quand on se remémore un bon souvenir marrant... Le pizzaiolo me demande pourquoi je suis venue à lui puisque je ne mange pas de pizza. Je lui explique que c'est mon plat préféré, qu'on peut très bien faire une excellente pizza sans viande, qu'au minimum une version végétarienne s'impose à lui d'ailleurs, pour peu qu'il y mette au moins un fromage sans présure animale...  Bref. Il était à l'écoute !!! Tant et si bien que du coup, il s'est lancé à m'en faire une, en fonction de mes indications ! Donc hyper chargée en légumes ! *Rire*  

Un des clients s'est intéressé. En la voyant se faire au fur et à mesure, il a annoncé qu'il voudrait la même, si possible.
Et il ne m'a plus lâchée ! Quand le pizzaiolo a sorti ma pizza du four et l'a mise dans la boîte, il était tout fier, clair qu'elle est belle. Tous les gens l'ont regardée et certains ont avoué avoir bien envie d'y goûter, la trouver mieux garnie que les autres, quelques-uns qui n'avaient pas encore commandé (ça picolait dur en fait au salon de jardin) ont demandé la même aussi. Le type a décrété qu'il proposerait cette pizza végé désormais. Il m'a refilé quelques cartes de fidélité qu'il a toutes tamponnées et m'a demandé si j'avais d'autres idées comme ça. Je lui ai répondu par l'affirmative en soulignant quand même qu'elles valaient plus que quelques pizzas gratuites...

Et le client collant qui m'avait dit, un peu avant quand on faisait connaissance, être là pour un mariage demain, m'a invitée à l'y rejoindre pour le bal. Ses copains ont insisté de concert quand j'ai refusé. Enfin, c'était un peu comme dans un film américain... Il a été jusqu'à me cueillir une fleur ! *Rire*

Évidemment, je n'irai pas. Mais la belle, je vais me l'enfiler ce soir !  Bon, petite entorse fromagère (mais sans présure animale dedans, j'ai vérifié moi-même parce-qu'il ne savait même pas ce que c'est le cuistot...).
Et une petite poignée de viandards aussi vont goûter à cette pizza végétarienne !
C'est... Je ne sais pas. J'ai l'impression d'avoir changé/apporté quelque-chose... Même si ce n'est qu'un tout p'tit petit rien, ça me touche énormément.

Voilà. J'avais envie de raconter ça à quelqu'un et comme je n'ai plus que vous...

Moi ça sera un sky