Elle avait tout juste quinze ans
Sur ses lèvres le sourire insouciant
Sa peau dorée comme dans les pays du Soleil
Ses yeux encore ouverts à quelques merveilles

Ce fut un jour d'automne qu'à jamais
Elle perdit les illusions qui lui restaient
Accrochées dans son bas ventre comme une pierre
Une précieuse qui fait vibrer de ses grands mystères

Elle vivait alors un grand amour de jeunesse
Auquel de folie elle s'était promise aux caresses
Celles qui font grandir d'un coup tous les enfants
Mais cette promesse lui fut volée par le pire des amants

Ce sordide jour d'automne, elle devint un jouet
Chose insignifiante, moins encore qu'un vulgaire objet
Aux mains d'un fasciste vomissant sa haine dans une gare
Des êtres humains à la peau dorée qu'il appelait les Bâtards

Quand son regard mauvais se posa sur l'adolescente
Elle ne vit le danger, non pas qu'elle fut inconsciente
Mais, se disait-elle, que pouvait bien lui faire ce con
Au milieu de ces autres gens, dans ce rassurant horizon ?

Elle ne fit pas demi-tour, continua sans hâte son chemin,
S'engouffra dans les lieux dits d'aisance. Antre de sa fin.
Car c'est là que l'ordure l'attendit pour lui dérober son pucelage
Mais l'adolescente avait les dents bien aiguisées et elle était sauvage.

Bien que jetée à terre et prenant des coups, elle le mordit,
Le frappa, lui planta ses griffes tout en rampant vers la sortie,
Arrivés sur son seuil, à la vue de tous, elle ne pensa pas une seconde
Ne pas échapper à la brute, mais c'est alors qu'il usa de l'outil immonde.

Une lame froide comme la mort il appuya vivement sur sa peau,
De terreur, elle s'immobilisa en sentant couler son sang chaud,
" Laisse-toi faire et ferme ta putain de gueule sale chienne,
Lui ordonna-t-il en meurtrissant sa chair, Ou je te saigne ! "

Elle n'osa plus bouger, de mille " Non " le suppliant tout bas,
Appelant au-secours avec ses yeux, chacun de tous ces gens juste là,
Juste là... Regards croisés... A quelques pas, à quelques mètres,
Ils assistèrent, ils se firent complices, ils devinrent des traîtres.

La petite chose fut ainsi déchirée, transpercée, écorchée, limée,
Labourée, baisée, torturée, écartelée, lacérée... en un mot violée.
Mise en pièces, cassée en morceaux, tranchée en lambeaux...
Quand l'ordure fut enfin satisfait, il ne lui fit pas l'attendu cadeau.

Choisissant de ne pas porter le coup fatal sur sa gorge écharpée,
Lui souhaitant longue vie, crachant sur son visage à jamais marqué,
Il s'en retourna tout sourire dans la sienne, traversant tranquille le quai,
Et dans la petite chose il s'insinua encore l'ensemençant d'un terrible regret

Celui d'avoir cédé aux plus grandes lâchetés qu'elle eut connues :
Se soumettre au pire sous la menace et en les Autres avoir naïvement cru.
Celui de n'avoir pas hurlé plus fort, de n'avoir pas résisté à mort,
Car ainsi l'aurait-il égorgée et il n'en serait pas sorti le plus fort.

[Par la Petite Chose, alias ma toute jeune personne en 1989]

C'était pour rire... Ou frémir...