| Auteur | Message | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | When Ice Burns | | Je suis de retour avec mes interminables épopées qui ne semblent jamais avoir de fin ! C'est plus ou moins (plus que moins) la suite de ma précédente histoire, Bridgeport Nights (qui date de... Très bonne question): si vous l'avez lue, tant mieux, sinon, c'est pas grave, vous comprendrez tout aussi bien la suite, et dans le pire des cas, demandez-moi des explications. De toute manière vous asez déjà dû voir les personnages principaux quelque part ! Bon, aussi, juste pour que vous soyez au courant, ils y a quelques jurons qui traînent par-ci par-là, et il y aura peut-être un peu de sang et de olé-olé, mais rien de très méchant ni très explicite. J'ai déjà plusieurs chapitres en stock, mais pour les prochains, il va falloir être un peu patient. J'espère pouvoir poster un nouvel épisode chaque mois Sam 6 Fév 2016 - 18:17 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 1 - Spoiler:
La lumière jaunâtre qui s’infiltrait à travers les nuages cotonneux inondait la pièce. L’air était enfin frais et léger, une libération après la chaleur et l’humidité écrasantes de journée, tout à fait habituelles en Louisiane en plein mois d’août. Mais Ziva ne s’était jamais habituée à cette atmosphère lourde et insupportable. Elle profitait enfin de la fraîcheur ; le jour même, elle avait fini par remettre son travail à plus tard, littéralement collée à sa chaise en faux cuir et s’était installée devant le seul ventilateur du bureau, suivant ses mouvements frénétiques comme s’il agissait du gourou d’une secte dont elle serait une fervente adepte. Comme d’un fait exprès, le climatiseur avait décidé de ne plus assurer ses fonctions. Elle n’avait qu’une seule envie, c’était de retourner dans son lit. A cause de la chaleur et de son esprit toujours occupé, la nuit précédente, elle n’avait pu dormir, narguée par les chiffres verts qui défilaient sur son réveil et par le halo lumineux du lampadaire d’en face qui se diffusait entre les lames du store pourtant fermé. Puis l’orage éclata, déchirant le ciel brouillé par la pollution lumineuse, et la pluie tomba drue, martelant la fenêtre et agitant les eaux du lac d’habitude immobiles. Ziva s’endormit juste après, sûrement par lassitude. Assise devant la table basse du salon, elle consultait vaguement ses mails, cherchant dans la liste un seul nom qui n’apparaissait jamais. A part des publicités sans intérêt ou un supérieur lui demandant un compte-rendu qu’elle ne lui enverrai de toute façon pas aujourd’hui, il n’y avait rien d’autre. Elle regarda l’écran qui formait un rectangle lumineux dans l’obscurité naissante, baissa l’écran son Macbook et attrapa la tasse d’infusion pomme-cannelle qu’elle avait laissée à refroidir à côté d’elle il y avait de cela plusieurs heures. Ziva but une gorgée en regardant machinalement par la fenêtre et grimaça. Rien de choquant dehors ; seulement, en plus d’être glacée, son infusion était maintenant imbuvable. Elle reposa la tasse et regarda les messages sur son téléphone. Le dernier que Lenowe lui avait envoyé datait d’il y a deux mois, disant qu’il était bien arrivé et qu’il l’appellerait bientôt. Sa vision de « bientôt » était certainement différente de celle de Ziva. Son portable sonna alors qu’elle était en train de taper ses dernières constatations à propos du dépeceur de facteurs, un cinglé qui prenait son pied à littéralement réduire en charpie les malheureux facteurs qui croisaient son chemin. Avaient-il perdu un de ses colis ? Était-il mécontent de leurs services ? Elle avait arrêté de chercher à comprendre. Elle décrocha en voyant le nom de Lenowe s’afficher. « Je peux savoir où tu es passé ? Je t’ai demandé de faire quelque chose ce matin, je crois que… -Je suis à l’aéroport, dit-il, et je dois rentrer chez moi. Je n’ai pas le temps de t’expliquer, mais pour faire court, ma sœur a eu un accident et je dois aller la voir. Le seul vol pour Helsinki de la semaine part dans une heure. Je te rappellerai quand je serai arrivé. » Il n’ajouta rien de plus et raccrocha après quelques secondes sans réponse de la part de Ziva qui ne sut pas quoi lui répondre. Depuis, elle ne savait même pas où il était, sans aucun moyen de contacter quelqu’un de sa connaissance. Bon, ce n’est pas comme si elle n’avait pas travaillé pour la police ; elle aurait aisément pu demander de le rechercher. Mais elle aurait eu beaucoup de mal à la justifier. C’était ses affaires, et elle n’avait pas tellement envie d’ébruiter ce qui se passait entre eux. Ziva était à la fois inquiète mais surtout très en colère contre lui. Elle ne lui demandait pas de rendre compte de ses moindres mouvements, mais un quelconque « Je vais bien » lui aurait suffi. A chaque message qu’elle recevait, elle osait espérer que c’était lui. Mais ça n’était jamais le cas. Le temps commençait à devenir long et les enquêtes en cours prenaient du retard à cause de son absence. Elle soupira et se dirigea nonchalamment vers le réfrigérateur qu’elle aurait dû penser à remplir et prit la brique de smoothie qui se trouvait dans la porte de celui-ci. Le repas de ce soir consisterait certainement en un verre de la boisson fruitée et des trois falafels qui restaient de la veille. Elle crut entendre le grésillement étrange de la sonnette, mais ce n’était sans doute que le bruit habituel du vieux frigo ou le murmure de la télévision du voisin qui passait à travers le mur. Puis le bruit recommença à nouveau. Laissant le carton sur le comptoir de la cuisine, elle partit vers la porte, faisant craquer le vieux plancher sous ses pieds nus. Sûrement le propriétaire de l’immeuble qui venait lui rendre une énième visite, même à cette heure-ci. Récemment divorcé, venir s’assurer que sa charmante et jeune voisine n’avait pas besoin de son aide était une distraction de choix. Ou, pendant une fraction de seconde, elle espéra que ce fut Salomée avec une pochette pleine de nourriture indienne du restaurant d’en face dans une main, et une bouteille d’une quelconque boisson alcoolisée dans l’autre. Ziva tourna la clé dans la serrure branlante et tourna la poignée. Levant les yeux, elle discerna dans l’ombre du couloir obscur (ce propriétaire à la con ferait mieux de changer les ampoules plutôt que de venir m’emmerder, pensa-t-elle) un visage qu’elle aurait aimé revoir plutôt. Celui de Lenowe. Il avait les cheveux ébouriffés – encore plus que d’habitude – et son t-shirt froissé lui collait à la peau. Ses deux sacs étaient posés par terre, à ses pieds. Lenowe ne murmura même pas un simple bonsoir à Ziva. Son expression lasse ne permettait même pas de savoir s’il était content de la revoir. Elle recula, le laissant implicitement rentrer, même si elle aurait pu légitimement lui claquer la porte au nez.
Chapitre 2 - Spoiler:
Lenowe jeta ses bagages sur le meuble dans l’entrée et parcourut du regard l’appartement, qu’il n’avait vu qu’une seule fois, et vide. En attendant de recevoir la confirmation qu’elle pouvait quitter Twinbrook, Ziva n’avait pas trouvé mieux que cet appartement étriqué et sombre. Situé juste au-dessus d’une laverie ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, il était bercé par le ronronnement perpétuel des machines à laver, et l’odeur âcre de la lessive remontait par les conduits d’aération. La chambre était juste assez grande pour le lit qui bloquait même la fenêtre et même un placard aurait été plus spacieux que la salle de bain. A part ça, il n’y avait pas de cafards, ni d’autres locataires indésirables, et l’eau ne s’infiltrait pas par le plafond lorsqu’il pleuvait. Il resta droit devant Ziva, qui restait en arrière, résignée. Elle ne le regardait même pas, plus interdite que surprise, éprouvant un mélange de colère, de soulagement, et d’incompréhension peut-être. Elle attendit une quelconque réaction de sa part, mais il alla simplement s’asseoir sur le canapé, sans ouvrir la bouche. Retournant derrière l’ilot de la cuisine, elle le fixa longuement, une pointe de mépris dans son regard, déterminée à ne pas dire un seul mot avant qu’il ne se décide à parler. « Tu veux boire quelque chose ? Lâcha-t-elle. Une question sans intérêt pour embrayer sur la conversation. « Un verre d’eau, ça ira », dit-il. Neutre. Ziva remplit un verre qui séchait au bord de l’évier rempli de vaisselle et le posa doucement sur la table. Hésitante, elle finit par s’asseoir à côté de Lenowe, plus intéressé par la page d’informations qui défilait sur l’écran de l’ordinateur portable en face de lui que par autre chose. Elle le détailla silencieusement. Il avait visiblement quelques heures de sommeil à rattraper, comme en témoignaient les cernes alourdissant son regard indifférent. Il avait maigri ; ses pommettes saillaient sous la peau livide de son visage et ses mains tout aussi pâles étaient veinées de bleu. Ses cheveux vaguement peignés étaient d’un platine terne et sans vigueur. Il faisait presque peur à voir. Les cadavres dont elle s’occupait avaient parfois meilleure tête. Ziva leva les yeux vers lui. « Au fait, comment va ta sœur ? lui demanda-t-elle sur un ton entendu. -Bien, soupira-t-il. Elle pourra bientôt remarcher. -Ah. » Elle hocha la tête et attendit qu’il continue peut-être à parler. Le klaxon d’une voiture se fit entendre à l’extérieur, puis l’appartement redevint silencieux. « Qu’est-ce que tu as fait pendant deux mois entiers ? Tu étais si occupé que ça pour ne pas m’envoyer un seul message ? » La question lui brûlait les lèvres depuis qu’il avait passé le seuil de la porte. Il leva la tête, posant son regard bleu arctique sur elle, et d’un mouvement horizontal de la tête, lui indiqua clairement qu’il ne lui répondrait pas. Pas maintenant. *** Le quartier était particulièrement calme, tellement calme qu’il en était presque inquiétant la nuit tombée, quand les vitrines s’éteignaient une à une, que les bureaux étaient tous désertés et que la lumière rassurante du soleil était remplacée par la lueur jaunâtre des lampadaires qui daignaient encore fonctionner, accompagnée par quelconque néon coloré derrière la vitre d’un bar ou d’un fast-food. Il ne s’était jamais rien passé quoi que ce soit sortant de l’ordinaire dans le bloc, mais Ziva préférât se hâter de rentrer chez elle. Elle ne croisait jamais personne et n’aurait pu dire qui étaient ses voisins, et c’était ça qui rendait l’ambiance encore plus sordide. Elle emmena Lenowe dans un bar au bout de la rue, situé entre une banque et un magasin d’instruments de musique, dont la lumière de la vitrine encore allumée se réfléchissait sur le trottoir humide. Le bar était aussi le seul endroit où elle aperçut d’autres gens à l’intérieur ; elle n’avait aucune envie de se retrouver quasi seule dans un endroit silencieux et austère. La première chose qui les frappa lorsqu’ils rentrèrent à l’intérieur fut l’odeur pesante de friture, mêlée à celle de la bière de mauvaise qualité et de la cire pour bois, continuellement brassée par le ventilateur du plafond. Le bar était éclairé par des néons jaunes, rouges, verts et orange, il faisait trop chaud et la musique qui braillait était étouffée par le brouhaha des discussions et des bruits de verres qui heurtent les tables. Ziva et Lenowe s’assirent à une table près du mur, dans le seul recoin vide, sous un énorme néon multicolore. Les murs en vieille brique étaient ornés d’antiques plaques en métal datant d’une époque révolue, vantant les mérites des poires de Californie ou d’une marque de pneus n’existant même plus. Ils ne purent s’empêcher de tourner la tête pour les observer avec curiosité, puis une serveuse passa leur tendre deux cartes avant de filer s’occuper de la table voisine, sans même les regarder. Ça et leur moue dubitative devant la liste de ce qu’ils proposaient n’annonçait pas la soirée sous de meilleurs auspices. Un autre serveur s’approcha de la table, un bloc-notes froissé dans une main et un crayon rendu ridicule à force d’avoir été taillé dans l’autre. Les cheveux blondasses descendant en vagues molles sur ses épaules, noyant son visage pâle constellé de taches de rousseur éclairé par un regard bleu fade, vide et indifférent, il avait un singulier, quoique lointain, air de ressemblance avec Lenowe, qui ne sembla pas laisser Ziva indifférente. Il prit la commande et s’en alla de la même manière qu’il était arrivé. En marmonnant une poignée de mots incompréhensibles d’une voix qui avait quelque chose de caverneux. Elle prit une part de la seule pizza qui ne paraissait pas être un mélange hasardeux des restes de la semaine au vu de leur garniture, et lui du poulet frit et un cocktail. Ils s’en contenteraient. Lenowe ne manqua pas de remarquer le regard inquisiteur de Ziva fixé sur le serveur par pure provocation, quand bien même elle savait que c’était particulièrement stupide et immature, mais il ne dit rien. Il n’avait pas envie de lui parler. Ni même de la regarder. Et, réciproquement, elle non plus. Lui demander encore et encore des explications, le harceler jusqu’à ce qu’il craque ne servirait à rien. Lenowe resterait impassible, totalement indifférent. Comme d’habitude. La tête baissée, il fixait ses mains posées à plat sur la table collante et bancale, pendant que Ziva, un coude sur la table et le poing serré contre sa joue, elle l’observait avec dédain. Leur commande finit par arriver, après plusieurs embarrassantes minutes sans fin pendant lesquelles aucun des deux n’avait bougé. Le serveur tendit à Ziva une assiette ébréchée et posa devant Lenowe un panier rempli de ce qui ressemblait à des tubercules frits, ou plutôt ce qu’ils appelaient du poulet et un verre ayant subi de (trop) nombreux passages au lave-vaisselle, avec une ridicule ombrelle en papier des plus inutiles. Ils lui murmurèrent un « merci » inaudible et, sans doute affamés, n’attendirent pas pour commencer à manger. Mordant dans sa part de pizza, Ziva grimaça. La pâte était glacée et avait la consistance du carton, et la garniture, brûlante tenait plus du caoutchouc qu’autre chose. Lenowe analysa avec suspicion le morceau de poulet huileux qu’il tenait entre ses doigts. Il commença à la mordiller et s’arrêta soudainement de mâcher. Il leva les yeux et croisa le regard dépité de Ziva. « J’ai l’impression de bouffer une éponge pleine d’huile. C’est dégueulasse » soupira-t-il. Lui non plus n’était pas convaincu que la situation irait en s’arrangeant. « On est d’accord » dit-elle en insistant sur le premier mot de sa phrase. Il retira l’ombrelle de son verre, et, fermant les yeux un instant, avala une gorgée du cocktail orange, attendant la réconfortante brûlure de l’alcool descendant dans sa gorge. A la place, il ne trouva que le goût agressif du sucre. « C’est de la flotte ! Sex on the Beach mon cul, ça devrait plutôt s’appeler Death on the Beach cette saloperie... lança-t-il -Viens, on se casse » dit Ziva en comptant une poignée de billets verts qu’elle déposa sur la table. Lenowe sembla approuver implicitement sa proposition et se leva. Elle avait osé espérer que dans un endroit neutre comme celui-ci, il aurait été plus aisé de mettre les choses au clair avec lui. Raté.
Chapitre 3
- Spoiler:
Les boîtes de My Xao vides s’entassaient sur la table avec les bouteilles de bière vides. Ils mangeaient silencieusement, Ziva assise par terre sur son tapis à franges et Lenowe sur le canapé en face, faisant machinalement tourner les nouilles détrempées par la sauce au bout de ses baguettes. Le traiteur vietnamien finissait toujours par venir à son secours, quand elle avait oublié d’acheter à manger ou qu’elle cherchait un remède contre la solitude. Ziva reposa sa boîte vide sur la table avec les autres et attrapa un biscuit qu’elle brisa pour récupérer le message à l’intérieur. Elle fixa le rectangle de papier un instant, ricana et retira d’un revers de la main les miettes sur ses jambes. Lenowe leva les yeux vers elle. « Ces gâteaux servent à que dalle. Ils sont dégueulasses et c’est qu’un ramassis de conneries. Je te file le mien » lança-t-il avant de ramasser la pochette en papier du restaurant à ses pieds et d’y fourrer toutes les boîtes vides. Ziva se leva pour mettre le sac à côté de la poubelle déjà remplie et jeta un œil rapide à l’heure. « Fais comme chez toi. La chambre est là et la salle de bain au fond. Le code du wifi est sur un post-it dans le plateau dans le coin, si tu veux, t’as qu’à fouiller, tu devrais bien le trouver. Tes clés doivent aussi être là-dedans » dit-elle en désignant un plateau plein d’enveloppes encore fermées et de vieux tickets de caisse froissés. Elle se retourna et partit dans la salle de bain. La lumière électrique forma un rai jaunâtre dans l’encadrement de la porte et le chauffe-eau se mit à ronfler. Lenowe resta immobile à fixer la porte en face de lui, se demandant comment se confronter à Ziva. Devait-il lui fournir de laconiques excuses et passer sous silence où il était, ce qu’il avait fait, ou n’avait pas fait, et pourquoi ? Ou être sincère, et pour une fois, tout lui dire et ne pas faire comme s’il ne s’était rien passé ? Le bourdonnement du chauffe-eau cessa et Ziva insulta copieusement le robinet qui lui avait encore brûlé les mains. Puis Lenowe n’entendit plus que le bruit de l’eau qui coule sans s’arrêter et les voisins du dessus traînant leur chaise sur le parquet en sortant de table. Après deux mois passés dans la solitude et le silence accablants, il était presque soulagé de retrouver les bruits rassurants qui lui rappelaient qu’il n’était pas seul et livré à lui-même. Plusieurs fois, tard dans la nuit, entre le sommeil et la conscience, il s’était demandé si ce grincement ou ce bourdonnement lointain était bien réel ou si ce n’était que les divagations de son esprit embrumé qui l’avaient presque rendu dingue. Il fallait aussi qu’il lui en parle. Elle le regarderait certainement avec un vague air d’incompréhension, sans rien dire, à peine surprise, et passerait à autre chose. Il avait à peine pensé à elle pendant son absence. C’est-à-dire qu’il avait plutôt évité d’y penser. Une fois sa sœur lui avait demandé comment allait sa chère compagne. Il s’était contenté d’un « bien » laconique et d’un haussement d’épaules en espérant que cela lui suffise. Et elle s’était contentée d’un sourire en coin et d’ajouter « Je sais que tu en es dingue. Mais ça ferait trop mal à l’orgueil de mon frère que d’admettre que, malgré tout, il ressent bien quelque chose. Je ne la connais pas assez pour savoir si elle a besoin de toi... Mais je sens que tu as besoin d’elle. Pas seulement émotionnellement, tu vois... ce que je veux dire... » et de lui adresser un clin d’œil complice. Sa tante lui avait aussi demandé comment allaient sa femme et sa fille. Lui adresser un sourire radieux et lui lancer le plus naturellement possible « Elles mangent les pissenlits par la racine depuis longtemps, grand bien m’en fasse » n’aurait pas été correct, après réflexion. Il avait évoqué une infidélité (sans préciser de quel côté), un divorce, un billet d’avion pour un pays suffisamment éloigné, une autre femme qui aspirait à la même chose que lui, cette fois, et il lui avait fait comprendre qu’il était inutile d’insister pour en savoir plus. L’eau s’arrêta de couler, et quelques longues minutes plus tard, la porte de la salle de bain s’ouvrit à nouveau. Ziva verrouilla la porte d’entrée, faisant remuer les clés dans un bruit métallique, débrancha son ordinateur portable, ramassa son livre dont un billet d’avion – ou de train ? – faisant office de marque page, dépassait, et se tourna vers la chambre sans vraiment regarder Lenowe, le dos fermement plaqué contre le coussin du canapé. Il ne sut pas s’il devait considérer qu’elle faisait comme si il n’était pas là, ou bien comme s’il n’était jamais parti. Il attrapa son poignet gauche au passage. Elle se retourna et le fixa, immobile, puis s’assit sur ses genoux, face à lui. Le livre retrouva sa place sur la table basse qui disparaissait sous une tasse vide, un dossier en papier kraft, des feuilles éparpillés et plusieurs cactus assoiffés. Elle releva la tête et détailla longuement ses traits du regard. Ses yeux indolents d’un bleu délavé tellement pâle qu’ils en paraissaient blancs à la lumière, la pupille comme cerclée d’une toile d’araignée givrée et l’iris piqueté de tâches plus foncées à peine discernables. La pointe cartilagineuse asymétrique de son nez qui formait un renflement au-dessus de sa narine droite. Ses oreilles, dont les lobes dépassant sous ses cheveux portaient les cicatrices d’un passé révolu où il portait des piercings et où il s’était fait tatouer. Sa canine supérieure droite légèrement tordue qui dépassait de ses lèvres à peine entrouvertes. Ses lèvres... Elle inclina la tête et approcha son visage du sien. Ses lèvres effleurèrent les siennes, froides, moites, et craquelées. Lenowe passa ses bras autour de sa taille, remontant vers ses épaules, et saisit ses omoplates osseuses entre ses mains, la ramenant vers lui, pressant sa poitrine contre la sienne. « A quoi bon lui faire la gueule... Je n’aurais pas pu résister plus longtemps... » Pensa-t-elle à sa plus grande satisfaction. Elle sentait son buste massif contre le sien... Ses mains traîtresses sur sa peau... L’odeur éventée de son parfum mêlée à celle de la transpiration et à quelque chose d’autre, une odeur boisée, lui rappelant vaguement la cannelle... Elle ne pouvait que céder.
Chapitre 4 - Spoiler:
Lenowe n’en pensait certainement pas moins d’elle. Pourtant, elle n’avait physiquement rien d’hors du commun, un corps plat, sans formes, maigre même ; cela lui sapait toute son estime d’elle-même. Heureusement Lenowe ne lui en avait jamais tenu rigueur ; il n’avait auparavant fréquenté que des femmes plantureuses uniquement parce qu’à défaut de pouvoir établir une relation spirituelle avec elles, il s’était rabattu sur le physique. Son visage était durci par la fatigue et l’austérité de ses journées, bien que ses traits gardaient une finesse et une délicatesse déconcertante par le contraste avec sa personnalité qui n’avait rien de délicat. Elle blessait fréquemment les gens, et ne s’en excusait pas. La plupart de ses collègues préféraient la laisser au sous-sol. Au moins, les cadavres ne risquaient pas de tenter d’entamer une conversation sans le moindre intérêt avec elle. Elle éloigna son visage du sien un instant, reprenant son souffle, et ses doigts effilés se retrouvèrent involontairement à caresser sa joue, et continuèrent en suivant la ligne dure de sa mâchoire. Sa peau avait la texture du papier de verre. Elle suivait sa main du regard, respirant lentement, et soudain, cessa de bouger, fronçant les sourcils. Juste sur le bord de l’os, dissimulée sous une barbe de trois jours à peine visible, elle remarqua une longue cicatrice qui ne devait pas dater de plus d’un mois. « D’où tu sors cette cicatrice ? » lui demanda-t-elle froidement. Pas de « Comment tu t’es fait ça mon chéri ? » ou une quelconque autre mièvrerie du genre. Plutôt mourir. Il retira ses mains de son dos et les passa sur son visage. Lenowe maronna un mot qu’elle ne comprit pas et il la regarda à nouveau droit dans les yeux. « Je suis tombé de mon lit » dit-il le plus honnêtement du monde, haussant les sourcils. Il était bien sincère. « Tu te fous de moi, c’est ça ? » Elle se leva et s’assit de l’autre côté du sofa, le plus loin possible. « Non. J’ai juste... » Il chercha ses mots, avala difficilement sa salive. « Tous les jours je me réveillais trempé, les draps complètement arrachés, et encore plus crevé que la veille. Sauf qu’à un moment, à force de me débattre contre moi-même, je me suis cassé la gueule et je me suis salement amoché. » Il passa sans s’en rendre compte sa main derrière la tête. En l’écoutant attentivement, elle se rendit compte qu’il roulait les r, avait une intonation particulière qui montait et descendait et que amoché ressemblait plutôt à amossé, en contraste dissonant avec son net accent du Midwest qui lui donnait une voix rêche. « Et ensuite tu as passé deux mois dans ta chambre sans bouger ? lui demanda Ziva, dubitative, les bras croisés devant elle. -Non, non... J’avais pas l’intention de rester. Ma sœur allait bien, sa copine et ma tante s’occupaient suffisamment d’elle, j’ai été voir deux trois personnes – c’est pas comme si j’avais encore beaucoup d’amis là-bas ou d’amis tout court – et puis c’est tout, j’avais l’intention de rentrer et... » Il ne finit pas sa phrase. Lenowe soupira et attendit sa réaction, une boule dans la gorge. « Je comprends pas. Ça répond pas à ma question. Mais tu sais quoi ? Je m’en tape complètement. Je ne veux pas en parler plus tard, je ne veux pas... Je m’en fous. Il ne s’est jamais rien passé. Oui, en l’occurrence, il ne s’est rien passé, puisque tu ne peux rien me dire » grogna-t-elle, les dents serrées la voix emplie de mépris. Elle reprit son livre où elle l’avait posé et partit en trombe dans la chambre. Il ne chercha pas à la retenir ou trouver d’autres arguments pour qu’elle le pardonne. Ce mot n’existait pas dans son vocabulaire. *** « Tu veux que je dorme dans le salon ? demanda Lenowe -Fais ce que tu veux » lui répondit une voix étouffée derrière la porte. Il la poussa avec son pied. Seule la lampe de chevet posée par terre éclairait la pièce. Ziva lisait, assise dos au mur, les jambes ramenées vers elle. Elle ne tourna pas la tête lorsqu’il entra. Ses pieds moites collaient au parquet et ses cheveux aplatis ruisselaient encore d’eau. Sans lever les yeux de son livre, elle se poussa à droite pour lui laisser une place. Il se glissa entre les draps froissés et regarda l’attrapeur de rêves qui voletait au-dessus de lui. « Je devrais acheter un million de ces trucs pour qu’ils fonctionnent sur moi » pensa-t-il. Ziva récupéra le billet d’avion marque-page et le remit dans le livre, qu’elle jeta au pied du lit. Lenowe se retourna et frappa son innocent oreiller. Se remit sur le dos. Grogna. Retira la couette. Se retourna à nouveau. Dormir dans le même lit que lui était l’assurance de passer une mauvaise nuit, ou, dans le meilleur des cas, de se prendre un coup et de tomber dudit lit. « A quelle heure tu commences demain ? » demanda-t-il. Sa voix résonna dans la pièce à moitié vide. « J’en sais rien. Salomée vient me chercher vers dix heures je crois. Si t’es pas réveillé à cette heure-là, elle te tirera du lit à coups de pied au cul. -Pas de risque » bâilla-t-il, tendant le bras vers l’interrupteur pour éteindre la lumière. Il était tellement fatigué qu’il sentait ses membres sombrer littéralement dans le matelas et son dos lui faisait comprendre qu’il n’avait guère apprécié la nuit passée sur un banc d’aéroport à espérer que dans l’avion les sièges voisins soient inoccupés, et les douze heures suivantes à essayer de trouver où mettre ses jambes parce que le miracle n’avait pas eu lieu. « Dis, tu vas retourner au travail comme si de rien n’était ? lui demanda Ziva à voix basse, comme si elle craignait de réveiller quelqu’un. -T’inquiète pas pour ça non plus, souffla-t-il en tournant la tête vers elle -Si tu le dis… -Je sais que tu m’en veux vraiment. Je n’ai rien à te dire, si ce n’est que je suis désolé. -Tais-toi, j’en ai rien à faire de tes explications, tu ne m’appartiens pas, tu es libre de faire ce que tu veux. C’est à toi de te faire des reproches, pas à moi. » Lui répondit-elle d’une voix endormie voilée par le ronronnement du climatiseur qui s’était mis en route. Dans le noir, il ne distinguait que son visage pâle et la courbe de son dos qui se prolongeait et disparaissait sous le drap. Pour une fois, il ne mit pas longtemps à s’endormir profondément, lui sembla-t-il.
Le cinquième épisode est en préparation et arrivera prochainement ! Sam 6 Fév 2016 - 18:18 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 5
- Spoiler:
Lorsque Ziva ouvrit les yeux, le lit était vide. Elle jeta un œil à l’heure. Huit heures et quart. Elle mourrait d’envie de rester sous la couette, mais savait bien qu’il lui serait impossible de se lever si elle le faisait. Elle sortit du lit et chercha à un sweat à enfiler mais, ne le trouvant pas, laissa tomber avant qu’elle ne commence à retourner la chambre. Elle avait dû l’oublier dans la salle de bain ou sur le dossier d’une chaise. Lenowe était derrière le comptoir de la cuisine, occupé à lire ce qui était marqué sur une brique de thé glacé, l’air intrigué. « J’ai sorti tout ce que j’ai trouvé à manger… Il y a encore de l’eau dans la bouilloire. Enfin, je crois. -Super, dit-elle d’un ton à demi ironique. T’as pas froid sans t-shirt ? lui demanda-t-elle en croisant les bras, comme si elle avait elle-même froid. -C’est bien la première fois que tu te soucies de savoir si j’ai froid… Ça te gêne de me voir comme ça peut-être ? » Elle lui répondit par un sourire en coin et attrapa une tasse retournée dans l’évier. « A quelle heure vient Salomée déjà ? -Dix heures. Je te l’ai déjà dit » articula-t-elle entre deux bouchées de bagel à la confiture. Ça aussi, elle devrait penser à en racheter. « Tu prenais pas le bus avant ? -Si, même s’il est jamais à l’heure. Aujourd’hui on commence toutes les deux plus tard. J’aimerais que ça soit le cas plus souvent. » Lenowe hocha la tête tout en finissant d’une traite sa tasse de… Elle ne savait pas exactement ce que contenait la tasse en porcelaine turquoise qui semblait minuscule dans ses mains. Peu importe. Il ne sut quoi ajouter et regarda furtivement autour de lui, se pinçant les lèvres, comme embarrassé. Elle ne le remarqua pas, et, finissant son bagel, rapporta la bouteille de sirop d’érable dans le placard et jeta le gobelet en carton vide qui traînaient tous deux sur l’autre table. « Il faut vraiment que j’aille faire les courses » murmura-t-elle à elle même. Elle ignora Lenowe en passant devant lui et analysa le contenu du réfrigérateur toujours aussi vide que la veille afin de voir si elle aurait quelque chose à manger ce midi. Il ne s’était pas miraculeusement rempli pendant la nuit, mais elle finirait bien par trouver une solution. « Hé, où est ma valise ? » Beugla Lenowe de quelque part dans l’appartement. Même les voisins devaient maintenant être au courant et pourraient participer à la recherche de son sac. « Sérieusement ? Elle est là, à côté du lit. C’est toi qui l’a collée ici » répondit Ziva, à peu près au même volume sonore. Elle entendit ses pas lourds se rapprocher et la porte de la chambre grinça. « Est-ce que tu pourrais attacher mon collier au passage ? » Elle lui donna la chaîne dorée sans se préoccuper de sa réponse, et il s’exécuta, balayant ses cheveux carmin sur le côté pour ne pas qu’ils se coincent dans le fermoir. Son souffle chaud lui caressait le cou. A un moment, elle remarqua que sa respiration était devenue courte, saccadée, presque forcée, et parce qu’il avait baissé la tête, la pointe de ses cheveux lui chatouillait l’oreille. Avant qu’elle ne se retourne et lui dise de se dépêcher, ou quelque chose de similaire, il prit le zip de son haut en satin noir entre son pouce et son index droit et le descendit le plus lentement possible. Il avait maintenant le menton posé sur son épaule et son autre main la tenait contre lui. Elle se défit de son étreinte et se tourna face à lui, ne sachant pas sur quoi fixer son regard alors que ses yeux s’agitaient de droite à gauche, puis elle mit ses bras autour de son cou et plaqua ses mains froides sur sa nuque pour le forcer à s’incliner vers elle, cherchant ostensiblement ses lèvres. Il l’aida à les trouver et l’embrassa avec véhémence. Le baiser de la veille paraissait totalement dérisoire ; il avait plus tenu du réflexe que d’autre chose, mais celui-ci gardait toujours un arrière-goût âpre. Ziva aurait voulu résister, lui faire comprendre qu’il ne s’en tirerait pas de cette manière, quand bien même elle le voulait aussi. Elle ne put que capituler lorsqu’il lui mordit la lèvre inférieure et fit descendre sa main droite le long de son flanc, alors que la gauche cherchait l’agrafe de son soutien-gorge Sentant cependant sa mâchoire crispée et les muscles de son dos tendus, il recula. Elle leva son regard à la fois indolent et impétueux vers lui. « Je ne veux pas que tu penses que je cherche à me faire pardonner. Non. Non... » Lui dit-il d’une voix râpeuse, la regardant droit dans les yeux, qui paraissaient s’enflammer à la lumière du soleil passant à travers les stores. Puis elle détourna la tête et la lueur disparut. « Tu es faible, Lenowe... Moi aussi... » Murmura-t-elle en fixant la spirale tatouée sur le haut de sa poitrine, la suivant de son index droit. Il haussa les sourcils en signe d’approbation, mais elle ne le remarqua pas. « Tu attends quelque chose ? » lui demanda-t-elle après un moment de silence, relevant la tête, le défiant du regard, et elle tira son bras vers elle. Il revit l’éclair dans ses yeux - cette fois-ci, il lui sembla qu’il ne s’agissait pas seulement d’un rayon de soleil - et se laissa basculer sur le lit derrière eux, l’emportant avec lui. « Tu es vicieuse » lui murmura-t-il doucement, son visage à deux centimètres du sien « Vraiment ? » demanda-t-elle placidement, bien qu’elle n’attendait pas de réponse. Sa main se faufila main dans les cheveux hirsutes de Lenowe et l’embrassa à nouveau. Ensuite, il fit lentement dévier ses lèvres et longea sa mâchoire, avant de descendre le long de son cou et de sa clavicule gauche, celle barrée d’une cicatrice, envoûté par le parfum de sa peau. Arrivé au creux de sa poitrine, il fit glisser sa main dans son dos et remonta sa colonne vertébrale, sentant une à une ses vertèbres du bout des doigts, sachant que sa partenaire se cambrerait de manière incontrôlable et rejetterait la tête en arrière, déployant sa chevelure mousseuse sur l’oreiller, pendant que ses mains à elles lui pinçaient le haut du dos, comme tentant de dompter le serpent encré dans sa peau. Il se redressa, laissant une longueur de bras entre eux deux. Elle le dévisageait avec insistance et l’affrontait du regard. Même s’il n’aurait jamais osé l’avouer, elle était la seule personne qui lui faisait perdre ses moyens. Elle ne se laisserait jamais soumettre. Lenowe inclina la tête, la regardant par-dessus ses cils blonds, les narines dilatées et la bouche entrouverte laissant apparaître sa canine tordue. Elle n’avait jamais vu la glace brûler. Sauf dans ses yeux, celle qui mord avec ardeur et engourdit sans qu’on s’en rende compte. Il ferma les yeux et baissa la tête. La rancœur pourrait attendre. Jeu 18 Fév 2016 - 19:17 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 6- Spoiler:
« Ziva, bouge ton cul ! Je suis garée au mauvais endroit et je vais me payer une prune ! » Salomée cessa de martyriser la sonnette déjà agonisante et posa son front sur la porte, grognant intérieurement. Elle faillit basculer en avant lorsque Lenowe ouvrit brusquement. Il recula instinctivement et ne tenta même pas de la rattraper. « Oui? » lui demanda-t-il calmement. Salomée se demanda un instant s'il était sarcastique ou non. Puis, après une seconde de réflexion, elle laissa échapper un cri d'étonnement et resta bouche bée, les yeux écarquillés. « Mais... Je croyais que tu étais mort ! J'ai même pense à te trouver un remplaçant, mais ta copine n'avait pas l’air d'accord. Nan, en fait, elle en avait rien à faire. Je... -Moi aussi je suis très content de savoir que tu vas bien. » Cette fois il était bien sarcastique, ponctuant sa phrase d’une moue tordue et d’un hochement de la tête. Il ne réagit pas à la dernière phrase de Salomée et l’interrompit en soupirant bruyamment. Heureusement, elle n'avait pas remarqué sa ceinture défaite et sa chemise froissée à moitié dans son jean alors qu'elle n’aurait pas dû l'être. « Je me dépêche, j'arrive tout de suite » dit Ziva en sortant de a salle de bain, une brosse à la main. « Lui aussi aurait besoin d'un coup de peigne » dit Salomée en pointant Lenowe du doigt. Il ne dit rien non plus et se retourna pour se rhabiller. Le trajet jusqu'au commissariat fut particulièrement silencieux. Pour une fois, Salomée, sentant la tension palpable dans l’air, avait judicieusement décidé de ne rien dire et s’était contentée de manger les donuts collants de sucre qu’elle venait d’acheter. Ziva, assise à l’avant, n’avait pas osé converser avec son amie non plus, ne commentant même pas, contrairement à d’habitude, la conduite de Salomée. Lenowe, installé derrière, n’aurait même pas répondu si on lui avait posé une question. Arrivés devant l’ascenseur du parking, ils furent bousculés par un homme qui en sortit en trombe. Le teint mat, les yeux d’un vert olivâtre, toujours souriant et portant toujours un pull quand bien même on dépassait les trente degrés, il leur était plus que familier. Lenowe, apercevant son équipier, lui adressa un bref sourire, qui disparut presque immédiatement. « Comme ça fait du bien de te revoir ! Ne refais plus jamais ça, ok ? » S’exclama Elin. Il allait le prendre dans ses bras mais se rappela qu’il n’aurait guère apprécié. « Ce n’est pas à moi qu’il faut le dire » marmonna Lenowe. Il ne le remercia pas et ne lui suggéra même pas qu’il était également content d’être revenu ; mais cela ne surprit personne. « Demi-tour, dit Elin en barrant le chemin. Une femme vient de nous appeler pour nous dire qu’elle avait retrouvé son mari mort dans sa cuisine. Pas de manière naturelle. Je pense que vous devriez aussi venir, Madame, ajouta-t-il en s’adressant à Ziva. -Elin, s’il te plaît, ne m’appelle pas Madame. A tout à l’heure Salomée » dit-elle avant de retourner à la voiture. Elin et Lenowe ne lui laissèrent pas le choix ; elle monta à l’arrière. A cette heure, le trafic était plutôt fluide. Ils empruntèrent la voie rapide et commencèrent à s’éloigner du centre-ville. Elin tenta de poser quelques questions à Lenowe. Il n’obtint que des « oui » et « non » peu enthousiastes et abandonna rapidement. Ziva commençait à se demander si elle n’allait pas sauter hors de la voiture à cause du silence de mort qui régnait, seulement dérangé par le ronronnement de la voiture et la radio qui crachotait, quand ils s’arrêtèrent dans un quartier visiblement neuf. Des maisons géorgiennes en brique rouge et à colonnes blanches longeaient une avenue sans fin. Ils n’eurent pas de mal à trouver la bonne, puisque c’était la seule entourée de voitures de police et de voisins curieux. Deux agents en uniforme discutaient devant la porte alors qu’un autre contenait les badauds à l’écart. Les autres devaient déjà être à l’intérieur. Ils furent surpris par la propreté de la maison lorsqu'ils pénétrèrent dans l’entrée. Il n’y avait pas la moindre trace de poussière nulle part et les chaussures étaient parfaitement alignées sur une étagère. C’était digne d’un magazine de décoration dans lesquels on ne trouve jamais de bouteille vide sur une table ou de cadre bancal au mur. Une femme parlait à un officier, se triturant nerveusement les doigts. Ce dernier se retourna en apercevant Lenowe et Elin dans le reflet d’un miroir impeccablement nettoyé qui trônait sur un meuble et les salua. « Voici la femme de la victime. J’ai noté ce qu’elle m’a dit, mais je pense que tu pourrais réécouter, Lenowe. Vous voulez bien recommencer, Madame Martino ? -Etes-vous obligé de m’infliger ça ? » demanda la petite femme au teint basané et aux longs cheveux noirs ; elle ne devait pas avoir plus de trente-cinq ans. Elle attendit que Lenowe l'écoute avant de continuer à parler. « Ce matin, je suis partie à huit heures moins vingt emmener mon fils à l’école. Mon mari se levait tout juste quand je suis sortie. Il était bien vivant. D’habitude, après l’avoir déposé à l’école, je pars directement au travail, mais aujourd’hui, j’avais oublié mes papiers à la maison. Donc vers huit heures dix, je suis de retour chez moi. Je suis sûre de l’heure puisque je l’ai entendue à la radio. Je suis retournée dans la cuisine chercher mes papiers qui étaient sur la table, et là… ». La femme se mit à hésiter et sa voix tremblait, mais elle ne pleurait pas. « J’ai découvert mon mari, assis à sa place, son petit déjeuner préparé sur la table. Sauf qu’il…il... enfin... ». Elle avait cette fois l’air terriblement dégoûté et ne put continuer « On a retrouvé la victime assise sur sa chaise, avec ses yeux dans ses œufs au plat. Des… yeux au plat », chuchota à Lenowe l’officier qui s’était occupée d’elle en premier. « Vous avez une idée de qui aurait pu faire ça ? Il y a quelqu’un d’autre qui vit avec vous ? lui demanda Lenowe en ordonnant à l’officier de cesser de s'amuser de la situation d’un geste de la main. -Seulement mon fils, moi et… lui, enfin, plus maintenant. Je n’ai aucune idée de qui a pu faire ça. -Où travaillait votre mari ? Il était en congé aujourd’hui ? -Dans l’administration. Au service des permis. Oui, il était en congé aujourd’hui. C’est tellement rare… Je sais que vous allez me le demander, donc : non, je n’ai rien remarqué d’étrange ces derniers temps, ni dans son comportement, ni autour de la maison, ni rien. Et non, je ne crois pas que des gens lui veuillent du mal. Enfin il ne parlait pas trop de son travail à la maison. Ça devait déjà être assez ennuyant comme ça. ». Lenowe distingua une pointe d'énervement dans sa voix, ce qui lui parut quelque peu surprenant. Il finit de l’interroger et partit au fond, où se trouvait la cuisine. Personne ne fit de remarque au sujet de son retour. Il trouva Elin qui fouillait les placards et la poubelle, un technicien qui prenait des photos pendant qu’un lieutenant discutait avec lui, et Ziva qui tournait autour de la table, examinant le mort. La cuisine était tout aussi impeccable que l’entrée. Pas une boîte de céréales mal rangée, à part sur la table, et pas de placard mal fermé non plus. C’était aussi bien rangé que chez lui, à la seule différence que lui ne dérangeait jamais rien et que les meubles étaient couverts de poussière. « J’ai rarement vu quelque chose d’aussi tordu, et pourtant… dit l’assistante du médecin légiste. Apparemment, on lui a retiré les yeux et on les a fait frire… Comme des œufs, et on a accompagné tout ça de bacon et de café. Un super petit déjeuner pour bien commencer la journée. Ha, ha" ricana-t-elle cyniquement. "Non, plus sérieusement, je ne sais pas encore comment on lui a fait ça, ni comment on l’a tué. En tout cas, je pense que la femme dit vrai, pour ce qui est de l’heure à laquelle elle l’a découvert. -Elle m’a dit que personne n’était rentré par effraction. La porte était toujours fermée quand elle est repassée ici et il n’y avait rien qui ait changé de place, lui dit Lenowe. Et où est Dimitri ? Il n’est pas encore arrivé ? - Il est soi-disant malade ». Elle mima des guillemets avec ses deux index gantés de bleu et regarda en l'air. Le médecin légiste du comté de Twinbrook n’était pas réputé pour sa ponctualité. Ni pour rien d’autre d’ailleurs. C’était donc Ziva qui devait se charger de tout en son absence, ce qui n'était pas pour lui déplaire; non pas qu'elle appréciât travailler seule, mais plutôt que ledit légiste était particulièrement détestable. « Bon, je pense qu’on va pouvoir l’emmener, dès que les photos auront été prises. Elin, tu as trouvé quelque chose ? » Il était perché sur une chaise, fouillant le contenu d’un placard. Il avait déjà retourné tous les tiroirs. « Quel genre de choses je suis supposé chercher ou trouver ? Une cuillère à glace ? Une spatule ? Impossible de savoir s’ils en avaient une avant. Ici ils fournissent pas d’inventaires. » Mer 16 Mar 2016 - 9:15 |
| | | LadawanSim mutin Messages : 26 Remerciements : 9 Date d'inscription : 06/10/2015 Age : 25 Localisation : Sur le dos d'un éléphant | Re: When Ice Burns | | Coucou !
Malheureusement je n'ai pas (encore) eu la chance de lire Bridgeport Nights, mais j'ai été agréablement surprise par cette suite que tu lui as donné ! Je me suis dévorée tes six chapitres en à peine une heure haha ! Déjà tes personnages sortent de l'ordinaire (du moins par rapport à toutes les autres histoires sims que j'ai pu lire), ils ne sont pas physiquement parfaits et leurs personnalités sont assez complexes. L'histoire n'est pas une histoire d'amour banale et ça ne tourne pas qu'autour de cela puisqu'il y a aussi cette histoire de meurtre liée à leur travail et je trouve ça intéressant. Ton écriture est très prenante et j'ai franchement adhéré. Tes photos sont elles aussi très belles (je suis admirative parce que les miennes c'est pas ça du tout malheureusement).
Hâte de lire la suite et de voir comment l'histoire va évoluer. J'espère que ça ne te dérange pas que je commente ton histoire car je n'ai vu aucun autre commentaire. Lun 21 Mar 2016 - 10:01 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Oh, comme je suis désolée ! Je n'avais pas vu ton commentaire ! Merci beaucoup, cela me fait vraiment plaisir, et non, ça ne me dérange pas que tu commentes, au contraire ! Au passage, voilà la suite ! (je crois que je ne pourrai faire mieux qu'un chapitre tous les mois environ, enfin jusqu'à cet été ...) Chapitre 7
- Spoiler:
« Un manque de communication pose beaucoup de problèmes, et veut déjà dire qu’il y a un problème quelque part. Ça va être compliqué si tu l’ignores, murmura Salomée. -Ouais, mais... tu sais bien qu’on avance dans le noir, ou dans le vide, enfin bref, on s’en fout, ce que je veux dire, c’est qu’aucun de nous n’a une idée de ce qu’il en sera dans trois jours. C’est juste… J’arrive pas à trouver le bon mot. Et c’est pas que je l’ignore, c’est simplement qu’il ne veut pas parler » lui répondit Ziva "Et moi non plus", pensa-t-elle. Elle était peu encline à déblatérer sur sa vie sentimentale plus ou moins chaotique. D'autant plus que Salomée ne paraissait pas la mieux placée pour prétendre pouvoir lui donner les conseils les plus éclairés. Lenowe débarqua à ce moment-là, poussant la porte de la salle de repos d'un coup de pied. Ziva et Salomée s’arrêtèrent net. Il détestait qu’elles parlent en français entre elles, d'abord parce qu’il ne comprenait rien, quoiqu’il réussisse parfois à deviner le sujet de la conversation à en juger par leur ton, et surtout quand il arrivait à distinguer son prénom qui sonnait très étrange en plein milieu d’une phrase. Elles se remirent à parler en anglais avec une aisance déconcertante. « Ça va ? lui demanda Salomée, l’air entendu. -J’ai faim. » Lui répondit sèchement Lenowe en examinant le contenu du réfrigérateur afin de trouver quelque chose à son goût. Quelqu’un dans le service n’aurait pas son sandwich ce midi. Et ce ne serait pas la première fois. Ni la dernière. Il se retourna, adressant un regard furtif à Ziva, avant de repartir comme il était venu. Salomée posa sa fourchette sur son assiette contenant un chausson surgelé réchauffé au micro-ondes qui avait l'air aussi appétissant que diététique, croisant ses mains devant elle, les coudes sur la table, et observa son amie, dont le visage ne montrait aucune émotion particulière. Elle croisa le regard de Salomée et son expression changea. "Oui?" Lui demanda-t-elle, la fusillant du regard "Rien, rien", marmonna Salomée, la bouche pleine.. « Tu as vu la cicatrice sur son bras ? demanda Salomée, l’appareil photo à la main -Accident de bricolage, avec un taille-haie ou un truc du genre. C’est écrit dans son dossier. -Je ne comprends pas. Ce type ne semble rien avoir à se reprocher. » Salomée se baissa à nouveau pour prendre un cliché. La porte métallique de la morgue grinça soudain, et Ziva fut surprise de voir Lenowe apparaître (à nouveau) dans l’encadrement et s’approcher, alors que la plupart seraient restés à distance de la table d’autopsie. Il fut accueilli par la familière odeur de désinfectant, et l'autre, plus ténue, de chair en décomposition, qui ne lui avaient pas tellement manqué. « Qu’est-ce que tu fais ici ? » lui demanda-t-elle, sur un ton qui ne se voulait pas amical. -Je venais voir si tu avais quelque chose de nouveau. -Je serais venue dans ton bureau. Autrement, tu n’es pas supposé entrer ici, alors retourne d’où tu viens. Je ne fais d’exception pour personne. » Elle reposa la paire de ciseaux qu’elle tenait fermement dans sa main droite. Lenowe suivit le mouvement de son bras, suspicieux. « Quand est-ce que tu auras des hypothèses à me fournir? lui demanda-t-il sans quitter le plateau d’instruments tranchants des yeux. -Je ne sais pas. » Ziva se retourna et partit chercher une bassine en métal sur une étagère. Ses cheveux, rassemblés en une queue de cheval négligemment attachée, se balançaient doucement dans son dos. La lumière crue du plafonnier creusait ses traits et lui donnait un teint blafard, qui n’était que renforcé par le blanc des murs et de sa blouse, et ses cheveux paraissaient rouge vif. Elle n’avait rien de désirable, surtout compte tenu de ce qu'elle s'apprêtait à faire. « D’accord. » marmonna Lenowe. Il resta immobile un instant, observant Salomée qui faisait tant bien que mal semblant d’ignorer la scène, continuant à prendre des photos, et s’en alla en silence. « Tu es la meilleure pour envoyer les gens se faire foutre gentiment, Ziva » lui glissa Salomée en français, alors qu’il n’avait même pas quitté la pièce. L’intéressée lui fit comprendre par son silence qu’elle n’approuvait pas sa remarque. « Tu as tout pris en photo ? Il reste ses yeux là-bas, sur la paillasse. Vas les prendre en photo et rapporte les échantillons de sang au labo. » Ziva attendait sous l’arrêt de bus alors qu’il se mit à pleuvoir à verse. Il ne devait pourtant pas pleuvoir avant la fin de soirée; l'éventualité que l'orage revienne, accompagné par une autre insomnie, la désespérait d'avance. Une voix qui ne lui était pas inconnue, enrouée, avec un fort accent, l’interpella de manière inattendue. C’était la femme de l’homme qu’elle avait autopsié aujourd’hui, mais elle était incapable d'associer un nom à son visage. Elle avait les yeux rouges et gonflés de quelqu’un qui s’empêchait de pleurer quand bien même les larmes lui brûlaient les paupières, et les coins de sa bouche se contractaient nerveusement. La femme sortait très certainement du commissariat situé juste en face. « Bonsoir, lui dit-elle très courtoisement. -Bonne soirée à vous aussi… Dans la mesure où ce serait possible »répliqua Ziva, condescendante, tout en essayant de se souvenir de son nom. Elle continua à la regarder, attendant peut-être qu’elle continue à parler, quand un gamin sur une trottinette lui percuta le mollet. Il s’excusa à peine et rejoint sa mère, se cachant derrière elle. Son nom lui revient : Laurel Martino. « Excusez mon fils, dit Laurel. Pour l’instant, je lui ai dit que son père était en voyage d’affaires, et je vais l’emmener chez sa tante. Je ne sais pas quoi faire d’autre, chuchota-t-elle à Ziva. Elle baissa les yeux vers le gamin qui tournait insouciamment autour des jambes de sa mère. Il avait le visage bouffi et poisseux, des miettes de gâteau au chocolat sur le menton et une égratignure sur la joue. « Gabriel, arrête tout de suite! Vous avez des enfants ? lui demanda Laurel, intriguée par le regard qu’elle portait à son fils, trahissant sa répulsion pour le gamin. -Non. » Elle hésita à rajouter « et ça ne risque pas d’arriver de sitôt » mais se ravisa. Elle soupira de soulagement en apercevant le bus 23 tourner au coin de la rue. La dernière chose qu'elle avait bien envie de faire était de parler à quelqu'un en tâchant au mieux de faire semblant de s'intéresser à la conversation et de compatir hypocritement à sa peine. "Au revoir, Madame Martino", lui lança-t-elle en s'approchant du bus qui s'arrêta devant elle. Personne ne descendit, et elle fut la seule à monter. Il était quasiment vide; elle n'eut pas de mal à trouver une place libre. Elle sortit son portable de son sac pour vérifier que personne ne lui avait envoyé de message – le contraire l'aurait étonné - quand celui-ci se mit à vibrer, affichant le nom de Lenowe sur l'écran. Elle ne l'avait pas croisé depuis son irruption à la morgue plus tôt dans la journée. Elle balaya une mèche de cheveux invisibles de devant ses yeux et appuya sur le petit téléphone vert. Ven 15 Avr 2016 - 18:33 |
| | | LobaAnar à crocs Messages : 5492 Remerciements : 773 Date d'inscription : 19/12/2014
| Re: When Ice Burns | | Une plume qui s'ancre dans l'excellence... Un œil photographique qui s'affine... Un talent d'auteur qui mûrit...
C'est ce que m'inspire la découverte de ces sept premiers chapitres, Ziva. Je les ai dévorés là et quel immense plaisir de lire une histoire de si haute qualité !
Il y a deux ou trois petites fautes qui traînent et si j'avais une critique de forme à émettre, je dirais qu'il manque une ou deux photos par chapitre. Notamment pour mieux équilibrer les volumes de texte. Un paragraphe moyen / une illustration, ça serait l'idéal (pour moi, du moins).
M'enfin, je dis ça, c'est juste pour te pousser vers la perfection... Mais, j'abuse (parce-que c'est toi), c'est déjà vraiment très très très très très bien tel quel !
Et maintenant que je suis à jour, il me tarde que le mystère soit levé, non pas tant sur le meurtre... 'Fin si mais il est encore secondaire dans l'intrigue. Ce qui me travaille surtout là, c'est ce pesant non-dit de Lenowe !
Le titre in french, c'est bien : Quand la glace brule ? Lun 18 Avr 2016 - 11:45 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Merci beaucoup Loba, j'en prends bonne note (pour les images) ! Oui, pour le titre, c'est bien ça Lun 18 Avr 2016 - 18:32 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 8
- Spoiler:
« Tu rentres bientôt chez toi ? -Tu ne n’avais pas dit que tu retournais chez toi ? répliqua-t-elle en insistant sur « toi » -J’ai oublié mes clés ce matin. Et je dois récupérer ma valise aussi.". Il n'était pourtant pas du genre tête en l'air, mais elle avait bien une idée de la raison pour laquelle il les avait oubliées. "Je suis devant ta porte et je suis passé à la taqueria d’en face acheter à manger." Il avait marqué un point: Ziva ne dirait jamais non à des tacos, quoiqu'elle aurait été capable de lui arracher le sac des mains et de fermer la porte devant lui, le laissant sur le palier, seul et sans rien à manger. -Je viens seulement de monter dans le bus. Tu vas devoir attendre un peu, dit-elle sur un ton qui se voulait faussement désolé. -Ok, ok, haleta-t-il, à tout de suite. » Il raccrocha et se laissa glisser par terre, adossé à la porte. Se lancer à la poursuite d’un suspect après deux mois passés à ne rien faire n’avait pas été un choix judicieux. Et le plaquer au sol pour que ce dernier en profite pour lui labourer les côtes à coups de coude non plus. Ses jambes courbaturées ne le portaient plus et seulement respirer était une véritable torture. Il entendit des pas provenant de la cage d’escalier. Il soupira de soulagement et tenta de se relever, mais ce n’était qu’un voisin de l’étage supérieur qui lui adressa un regard méfiant, tout en continuant de monter les marches, un sac de courses à la main. Lenowe savait lui-même qu’il devait avoir l’air pitoyable ainsi assis sur le paillasson, les jambes à l’horizontale devant lui, mais à quoi bon. Cette fois, il entendit la porte du bas se refermer, une boîte aux lettres s'ouvrir, suivi du toc-toc régulier des escarpins d’une femme. Cette fois, il ne prit pas la peine de se relever. Ziva arriva sur le palier du premier étage, cherchant ses clés dans son sac sans le regarder. « Lève toi si tu veux que j’ouvre. Je ne t'aiderai pas à te relever. » Il se remit péniblement debout et ramassa le sachet en papier marron tâché de gras qui contenait leur repas. "Ils n'avaient plus de chimichangas, alors j'ai pris des tacos" dit Lenowe, déçu. Ziva ne réagit pas. Tant qu'elle aurait quelque chose à manger et quelque chose qui l'occuperait suffisamment pour réduire au minimum la conversation, elle s'en contenterait. Une fois rentré, Lenowe déballa les boîtes en polystyrène et saisit une canette de limonade, qui s'ouvrit dans un "pop" et qu'il vida à moitié d'une seule gorgée. Il la reposa sur le comptoir et ouvrit un à un les placards pour trouver des assiettes. S'il n'en tenait qu'à lui, il aurait directement mangé à même la boîte. Inattentif, il grogna de douleur en prenant le coin d'une porte dans le front. "Il faut reculer avant d'ouvrir la porte", lança Ziva en se débarrassant de ses chaussures. Elle désigna du doigt le placard d'à côté. "Les assiettes sont là-dedans, si c'est ça que tu cherches. Je peux pas les attraper, de toute façon. -Ouais, au moins tu ne risques pas de te prendre la porte dans la gueule, toi" marmonna Lenowe avec un petit rictus. Ziva ne lui demanderait pas comment s'était passé sa journée. Elle ne le ferait jamais. Lui non plus, inversement. La seule phrase qu'ils obtiendraient de l'autre serait un regard désabusé et un "A ton avis?" sous-entendant un non catégorique. Ils commencèrent à manger sans échanger un mot, Ziva essayant de manger son taco d'une manière peu distinguée, n'essayant même pas d'empêcher la garniture de tomber par l'autre côté. Elle fulmina en épongeant la sauce de son assiette avec un morceau de galette. "Dis-moi, cette sauce va m'arracher la gueule si j'en prends?" Lui demanda-t-il en désignant le pot de sauce au chili qu'elle avait sorti du placard. "J'en sais rien. Essaie, on verra bien" "Je ne vais pas prendre de risque". Il ne prit pas non plus le risque de continuer la conversation et reprit un taco tiède. Le repas s'acheva dans un silence qui n'avait rien d'inhabituel, ni de tendu. Leur présence l'un en face de l'autre se suffisait à elle-même. Non pas qu'il était impatient de rentrer chez lui, Lenowe voulait se débarrasser au plus vite de cette désagréable sensation que ses vêtements lui collaient à la peau. Après avoir posé les assiettes sales dans l'évier, il revint s'asseoir et regarda distraitement son portable. "Je crois que je vais y aller" dit-il. Ziva n'objecta pas et hocha la tête avec un "Mhh" d'approbation. Il fila chercher ses valises dans la chambre. Lorsqu'il revint, elle s'était levée de sa chaise et tournait autour de la fenêtre qui donnait sur un bâtiment qui n'était que la parfaite copie de celui-ci. "A demain" lui dit-il en tortillant entre son index et son majeur une mèche de ses épais cheveux grenat. Elle entrouvrit la bouche, pour répondre ou pour quelque chose d'autre, et le laissa partir, sans même l'accompagner jusqu'à la porte. Il connaissait le chemin. La sonnerie par défaut de son portable, qu'elle n'avait jamais songé à changer, tira Ziva de sa lecture, un insipide roman que Salomée lui avait conseillé. Elle chercha son téléphone à tâtons sur la table et décrocha sans regarder qui l’appelait. Vu l'heure, le nombre de personnes qui chercherait éventuellement à l'appeler était assez restreint. « C’est encore moi. Tu pourrais venir me rapporter le chargeur de mon téléphone mais surtout le dossier que je devais ramener chez moi mais que j’ai aussi oublié ? » Ziva regarda à sa gauche et vit une boîte en carton aux pieds de la table. C’était sûrement ce dont il parlait. Cependant elle n'avait aucune idée de l'endroit où se trouvait le chargeur. Elle jeta un œil à l’heure. Vingt-deux heures et douze minutes. Si elle se dépêchait, elle pourrait sûrement être de retour chez elle dans trois quarts d’heure. « La boîte grise à moitié défoncée que tu as laissé sous la table ?" Elle n'avait aucune idée de quand il avait bien pu sortir ce carton, ni d'où il venait. "Oui." Elle n’entendit pas sa réponse, masquée par des voix étouffées qu’elle entendant dans le fond. Elle ne saisit pas quelle langue ces voix parlaient, mais peu importe. Il était trop tard pour que sa curiosité soit piquée par quelque chose d'aussi insignifiant. -Tu peux répéter ? Il coupa le son de son ordinateur et se redressa, renversant le bol de nouilles instantanées - vide – qui se trouvait à côté de lui. Les tacos de tout à l'heure ne lui avaient visiblement pas suffi. -Oui, c’est celle-là. -J’arrive tout de suite » dit-elle à contrecœur. ***
Lenowe habitait au deuxième étage d’un immeuble du centre-ville, à une quinzainee de minutes à pied de chez elle, mais elle avait préféré y aller en voiture. Arrivée au bout du couloir, elle vérifia qu’elle était devant le bon appartement et appuya sur la sonnette du numéro 24, dont le numéro négligemment peint au pochoir sur le mur commençait à s'effacer. Il ouvrit non sans difficulté la porte récalcitrante, et recula pour la laisser passer. Il avait la marque d’un oreiller imprimée sur le bras et portait un t-shirt Black Sabbath troué et délavé ainsi qu’un short à carreaux suffisamment court pour révéler les cicatrices qui couturaient sa cuisse gauche. Il débarrassa Ziva de la boîte et des deux gobelets de café fumants qu’elle avait pris en passant – parce qu’elle se doutait qu’elle ne rentrerait pas tout de suite – et l’invita à rentrer. Au fond, elle aperçut son ordinateur portable posé sur son lit, qui formait un halo bleuté dans l’obscurité. Autrement, l’appartement était totalement plongé dans le noir. "C'est l'affaire sur le gars qui est tombé de son balcon en étendant le linge? L'interrogea Ziva -Ouais, c'est ça. J'avais pas fini de travailler dessus... Elin m'a dit qu'ils avaient bouclé l'affaire, que c'était un accident comme il en arrive souvent, mais bon, je préférais vérifier." Absolument rien d'urgent là-dedans. Ziva ferma les yeux et inspira profondément pour garder son calme. Elle regretta d'avoir même répondu à son appel. "Au fait, mon chargeur était au fond de ma valise, dit-il en lâchant la boîte en carton au-dessus du lit. -Ça je m'en étais doutée quand je ne l'ai trouvé nulle part." Elle ne l'avait même pas cherché, à vrai dire. Il déplaça l'ordinateur portable sur la table de chevet et, assis sur son lit, étala les dossiers en papier kraft sur la couette. Ziva resta debout, à trois mètres de lui, les bras croisés. Elle hésita à rentrer chez elle, et dormir. Lenowe répondit à sa question. "Reste ici, j'ai besoin de toi." Insista-t-il Dim 15 Mai 2016 - 17:32 |
| | | LobaAnar à crocs Messages : 5492 Remerciements : 773 Date d'inscription : 19/12/2014
| Re: When Ice Burns | | Ça y est... Un mois est passé... Donc la suite est imminente ! *Sourire taquin* (J'espère qu'on en saura plus sur ce pesant secret de Lenowe ?) Ven 17 Juin 2016 - 19:10 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Et bien, la voilà la suite ! Et ça va arriver, tu vas bientôt le savoir. Chapitre 9
- Spoiler:
Soulevant une autre question: "Comment dois-je l'interpréter?". Elle s'assit sur le bord du lit, les jambes tournées vers la porte, le buste tourné vers lui. Il tendit le bras pour poser son portable sur le clavier de l'ordinateur, lui effleurant l'épaule, renversant au passage un tube de comprimés ouvert qui se trouvait à côté, et grommela soudain, comme il en avait l'habitude. "Qu'est-ce qu'il y a? Soupira Ziva -...Salopard qui m'a labouré les côtes avec ses coudes pour m'exprimer son désaccord quand j'ai essayé de le coffrer. -Et alors? Lui demanda-t-elle, un peu acerbe. Bon, fais-voir ça." Elle savait qu'il n'était pas du genre à se plaindre pour un rien ou pour attirer son attention; il était plutôt tout le contraire, gardant tout pour lui jusqu'à ce que cela devienne intenable. Lenowe releva son t-shirt et regarda ailleurs. Il sentit sur sa peau les mains moites de Ziva, rendues sèches à force d'être passées au désinfectant, qu'il voyait parfaitement bien découper minutieusement et avec un détachement déroutant des corps putréfiés. Il trouvait cette idée particulièrement troublante, et, en même temps, électrisante, l'un ayant peut-être un lien avec l'autre. Les dents serrées, il chassa cette idée de son esprit. "Je suis désolée, mais à part te dire que tu as effectivement un bleu, je ne vois rien" dit-elle. Il tourna la tête et croisa son regard blasé. Inopinément, il la serra contre lui et lova sa tête sous son menton, fermant les yeux. Il n'avait jamais réussi à comprendre comment elle avait la capacité à rester parfaitement placide et impassable alors qu'elle bouillait intérieurement, il le savait très bien. Elle resta pétrifiée un instant, et finit par libérer ses bras pour les mettre autour de ses larges épaules. Ils restèrent sans bouger un moment qui parut comme de longues minutes. Il ne voulait rien de plus que la sentir contre lui, sentir sa poitrine, qu'il devinait nue sous le t-shirt qu'elle avait enfilé à la hâte, se soulever doucement au rythme de sa respiration. "Tu me tires les cheveux, lâche-moi s'il te plait." dit-elle d'une manière lapidaire Il la lâcha, à peine surpris, et se baissa pour attraper une pochette en carton aux coins cornés, portant la mention "Résolu" inscrit au marqueur noir d'une écriture bancale, celle d'Elin. "Retournons à ce pourquoi je t'ai demandé de venir." Il feuilleta rapidement le contenu du dossier et s'adressa à elle sans détourner le regard de la liasse de feuilles. "La conclusion officielle est que la victime est tombée de son balcon du troisième en étendant son linge, parce qu'elle a perdu l'équilibre. Cependant, tu as tenu à ajouter qu'elle avait des hématomes aux poignets. Il y a un quelconque rapport? -La dernière personne à avoir vu cet homme en vie, un de ses amis, a dit s'être disputée assez violemment avec lui pour des conneries. Elin est sûr et certain que ce n'est pas un meurtre et que ce n'est pas cet ami l'assassin. L'ami l'a peut-être juste empoigné un peu trop fort. Ou c'est un adepte de petits jeux coquins, je sais pas... -Elin a aussi noté dans un coin que la porte fenêtre du balcon était fermée de l'intérieur, lut Lenowe sans réagir à sa dernière suggestion. Je m'en rappelle de ça. -Un coup de vent l'a peut-être claquée" rétorqua Ziva, qui le voyait bien venir. Pour lui, ça n'était pas qu'un accident. "Son dossier médical précisait qu'il avait des problèmes d'oreille interne. Il a basculé par-dessus la rambarde, et rien n'indique qu'on l'ait poussé." Il étira ses bras et lui tendit une enveloppe en papier kraft remplie de photos qu'elle-même ou Salomée avait prises. "Raconte-moi ce que j'ai loupé." Elle ne sortit même pas les clichés de l'enveloppe, qu'elle reposa sur ses genoux. Assise en tailleur sur le coin du lit, elle commençait à sentir des fourmis dans ses pieds. "Ses blessures correspondent parfaitement à une chute du troisième étage. Cause de la mort probable: fracture du crâne ou diverses lésions internes. Pas de blessures défensives, à part des griffures de chat sur ses avant-bras." La précision n'était peut-être pas nécessaire. "Et s'il avait sauté du balcon? Suggéra Lenowe -Ça, je n'aurai pas pu le savoir. Si tu veux plus de détails, tu devrais demander directement à Elin. -Mouais." Il continua à lire en diagonale les rapports raturés de son coéquipier et les compte-rendu signés par Ziva. Elle fut brutalement tirée de son demi-sommeil par une chemise en carton pleine à craquer qui s'écrasa sur le parquet, rencontrant un gobelet vide qui s'était retrouvé là lui aussi. La tête du lit lui faisait une barre douloureuse entre les omoplates, et alors que sa jambe droite pendait sur le côté, la gauche était totalement engourdie. Lenowe était profondément endormi sur elle, le visage contre sa cuisse. Elle passa sa main dans ses cheveux et le secoua mollement. Il grogna et tourna la tête vers elle, ouvrant à peine les yeux. La lumière blanchâtre de la lampe de chevet, qui était restée allumée, les aveuglait tous les deux. "Merde, quelle heure il est?" demanda-t-il, encore somnolent. Aucune lumière ne passait à travers les épais rideaux. Elle prit son téléphone sur la table de chevet et plissa les yeux à cause de la lumière agressive que projeta l'écran lorsqu'elle le déverrouilla. "Quatre heures sept. Il faut que je rentre, dit-elle -Tu peux rester, il ne reste que quatre heures avant que je ne me lève." Il était toujours affalé sur elle. "Je ne peux pas aller bosser habillée comme ça, et en tongs" dit-elle en se désignant d'un geste des deux mains. Elle se débarrassa de lui et se dépêcha de récupérer ses chaussures. "Claque la porte en partant" lui lança-t-il de manière quasi-incohérente avant de sombrer à nouveau. You know you're at your wit's end Downbeat, feckless, there's no fucking way out Above the void you bend Rowdy boy, no matter how loud you scream and shout You're gonna spend another day in hell... Yeah, 'nother day in hell... *
La voix gutturale de la chanteuse du groupe dans lequel il avait joué il y a de cela une éternité le tira de sa léthargie. Il se demandait encore pourquoi il avait choisi cette chanson comme alarme, mis à part le fait que le blastbeat convulsif de l'intro à la batterie le mettait dans une fébrilité indicible. Pas besoin d'entendre répéter qu'il allait encore devoir affronter la même journée que la veille et qui serait le même enfer le lendemain, et ainsi de suite. Il se rappela aussi qu'il devrait penser à appeler Jana, ou à lui envoyer un message, histoire de savoir comment elle s'en sortait avec le groupe. Lenowe saisit le téléphone et le lança sous son oreiller. Il avait la bouche sèche et les cervicales douloureuses. Il fallait qu'il arrête de dormir dans des positions inconfortablement improbables. Lenowe se leva laborieusement et partit dans la cuisine. Il n'eut pas le privilège de ne pas savoir quoi préparer pour le petit déjeuner: il ne restait qu'une boîte de préparation pour pancakes au fond d'un placard et un sachet de petits pois surgelés dans le freezer. Il versa mécaniquement de l'eau dans un bol et ajouta la pâte à pancakes. Une nuée de gens s'affairait sur l'avenue en-dessous de sa fenêtre, se dirigeant hâtivement pour les uns, tranquillement pour les autres vers la gare à deux pas de là. Il se demanda s'ils étaient satisfaits de leur routine quotidienne, tous les jours surpris par quelque chose de nouveau, ou bien si eux aussi avaient l'impression que tous les jours se ressemblaient résolument trop. C'était le principe même de la routine, songea-t-il. Lenowe déversa une louche de pâte dans la poêle et repartit dans la chambre récupérer son téléphone, pour envoyer un mot à Jana avant qu'il n'oublie. Il avait déjà oublié son anniversaire; de toute façon, Jana avait aussi oublié le sien. "Saloperie de pancakes!" Maugréa-t-il entre ses dents en sentant l'odeur de beurre roussi. Il rattrapa son erreur en retournant la crêpe et mit une capsule dans la machine à café. Il s'assit enfin devant une assiette de pancakes fades sans consistance et d'une tasse de café fumante. L'écran de son portable indiquait un appel en absence provenant de sa sœur, à cinq heures du matin. Il fit un rapide calcul: cela donnait quelque chose comme midi chez elle. Ellika – qui préférait, pour une raison au choix très simple ou très complexe qu'elle et son frère n'évoqueraient pas, qu'on l'appelle Elisha - lui avait laissé un message. Un sobre "Il faut qu'on parle, c'est important". L'impersonnalité et la froideur du message ne lui permettaient pas de savoir ce dont il en retournait. Il l'appellerait quand il aurait le temps, après avoir été piller le supermarché le plus proche. La liste des choses qu'il fallait qu'il fasse ne cessait de se rallonger. * Traduction qui veut plus rien dire: Tu sais que tu es au bout du rouleau Abattu, bon à rien, il n'y a pas d'issue Tu te penches au-dessus du vide Bagarreur, peu importe comment tu te débats Tu vas passer encore un autre jour en enfer, oui, encore un...
Maintenant que je vais avoir un peu plus de temps je vais essayer de poster plus souvent ! Mar 21 Juin 2016 - 8:42 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 10- Spoiler:
Elin entendit quelqu'un frapper contre la porte vitrée de son bureau, occultée par un store aux lames jaunies par la poussière. Il eut à peine le temps de réagir qu'elle s'entrouvrit. Les cheveux bordeaux de Ziva apparurent dans l'espace; n'y voyant pas d'inconvénient, elle ouvrit la porte en grand et se glissa dans le bureau. Elle fut très surprise de voir Elin assis derrière le bureau de Lenowe, puis se dit qu'il devait y avoir une explication logique. "Bonjour Elin, est-ce que Lenowe est là? J'ai quelque chose pour vous, dit-elle posément. Elle savait très bien qu'il n'était pas encore arrivé. -Non, non, il n'est pas là. Je pense qu'il va arriver bientôt. Vous..." Il se corrigea immédiatement avant qu'elle ne le reprenne à nouveau. "Tu veux que je lui fasse passer le message quand il arrivera? -Ce qui serait bien, c'est que vous veniez me voir tous les deux quand il sera là. C'est bien vous deux qui êtes en charge de cette affaire? -Ouaip, affirma-t-il en souriant poliment. Pas de problème, je lui dirai. Bonne journée, et à tout à l'heure" Elin n'avait pas éloigné les yeux de son écran. Le jeune lieutenant devait avouer qu'il n'arrivait pas à éprouver une quelconque sympathie pour l'assistante du légiste, peut-être parce que ses manières abruptes, qui témoignaient certes d'une grande civilité, son manque de tact, son flegme et sa visible maladresse à communiquer ne lui inspiraient rien, ou surtout parce qu'il était écœuré par ce en quoi consistait sa profession. Un jour, malaisé comme il était, Elin avait sorti à Lenowe qu'il se demandait qui pourrait la supporter, et qui pourrait se laisser manipuler comme elle manipulait les cadavres. Lenowe avait retenu son sourire et ravalé le "Mon vieux, tu n'as même pas idée" qui lui grattait la gorge. Lorsqu'il vit Lenowe arriver à travers la porte restée entrouverte, Elin se remit à taper le rapport qu'il aurait déjà dû rendre la veille. Il n'était que neuf heures et demie, pourtant il lui semblait qu'il était assis à son bureau depuis des heures. "Salut"dit-il en lançant un dossier sur le bureau de son collègue au passage. "Apparemment ce truc qu'on vient de me filer est pour toi, ajouta-t-il. -Verrai ça plus tard, dit Elin. L'assistante du légiste est passée tout à l'heure. Elle a quelque chose à nous montrer." Il n'appelait jamais Ziva par son prénom. "On n'a qu'à y aller, alors" proposa Lenowe Elin finit de rédiger sa phrase et se leva de sa chaise, retirant son épais sweat au passage. "Au fait, je t'invite au restaurant ce midi. J'ai quelques épisodes à rattraper." dit-il. Lenowe en était désespéré d'avance, mais par pure politesse, il accepta. Il n'avait pas le temps d'élaborer un mensonge pour esquiver. En les apercevant tous les deux à travers la partie vitrée de la porte de la morgue, Ziva leur fit signe d'entrer. Lenowe passa en premier, suivi par Elin qui traînait des pieds. Elle salua Lenowe d'un indiscernable hochement de la tête, et s'approcha d'eux en se frottant les mains. "Je n'ai pas encore grand-chose, mais ce que je peux vous affirmer, c'est qu'il était probablement mort avant qu'on lui arrache les yeux, et ce parce que... -Non, ça ira comme ça, la coupa Elin, mal à l'aise. -Très bien. En attendant, je ne connais pas la cause de la mort, mais ses analyses sanguines devraient bientôt arriver. On l'a peut-être drogué, ou alors il prenait lui-même des médicaments, mais ce n'est pas noté dans son dossier. Aussi je ne pense pas que le meurtrier ait de grandes connaissances en anatomie, ni qu'il ne soit quelqu'un de particulièrement délicat. Et c'est tout ce que j'avais à dire." Elle ne voulut pas en infliger plus à Elin qui était devenu blême et croisa le regard dépité de Lenowe, qui, à la demande implicite d'Elin, fit demi-tour et retourna à l'étage s'occuper de la paperasse qui l'arasse qui l'attendait ce matin. En termes de choix de restaurant, Elin ne s'était pas montré très subtil, mais peu importe, celui de l'autre côté de la rue faisait parfaitement l'affaire. Il se remplissait de plus en plus, et entre le bruit ambiant et la voix basse de Lenowe, il avait du mal à suivre la conversation. "Tout va bien pour toi ? Je ne veux pas paraître intrusif, je veux juste m'assurer que tout va bien, autrement, dis-le moi, je pourrais éventuellement t'aider.". En lui demandant cela, il faisait exactement ce que Lenowe détestait: qu'on prenne un intérêt faussement désintéressé pour lui, et qu'on s'intéresse à sa vie privée tout court. "J'ai eu quelques problèmes familiaux, et si tu veux bien, j'aimerais éviter d'en parler, et je n'ai pas besoin d'aide, ni d'un quelconque soutien, merci. -Ah, je comprends, dit Elin – non, tu comprends que dalle, pensa Lenowe. Il planta sa fourchette dans un quartier de tomate à moitié gelé tout juste sorti du réfrigérateur et le fit tourner dans la salade qui baignait dans la sauce ranch, accompagnée de quelques croutons esseulés. Elin baissa la tête vers son assiette et mordit dans son hamburger. Agacé par ses bruits de mastication, Lenowe serra les poings. Son coéquipier reposa le hamburger et prit une poignée de frites flasques détrempées de fromage fondu. Lenowe regarda d'un œil suspicieux l'assiette de son collègue, puis la sienne, qui ne lui sembla guère plus appétissante. "Honnêtement, on était inquiets pour toi. Le chef nous a juste dit que tu l'avais appelé pour le prévenir, il n'a jamais voulu nous en dire plus, et comme tu ne répondais à personne... Dit-il, la bouche pleine. J'ai senti que quelque chose n'allait vraiment pas, parce que justement il ne paraissait pas plus irrité que ça par rapport à ton absence, alors que d'habitude il pète son câble quand quelqu'un n'est pas là. -J'avais autre chose à penser qu'au boulot, Elin, d'accord? Maintenant, je suis revenu, prêt à me consacrer à mon travail, on passe à autre chose." Il essaya de se montrer le moins agressif possible. Ziva attendait dans la salle des photocopieuses. Salomée lui avait dit qu'elle la rejoindrait, parce qu'elle avait quelque chose pour elle. Pourquoi l'avoir amenée ici en plein milieu de la pause déjeuner, elle n'en savait rien, et quand Salomée annonçait "J'ai un truc pour toi, tu vas voir", ça n'augurait généralement rien de bon. Elle entendit des pas dans le couloir et fit semblant de s'intéresser à une étagère remplie de fournitures de bureau, au cas où quelqu'un rentrerait. C'était seulement Salomée, qui tenait une feuille déjà cornée et pliée dans la main. Elle paraissait animée et fit le grand sourire qu'elle réservait pour ses fameuses surprises. "Tiens, c'est pour toi. J'ai demandé à une amie de faire quelques recherches, qui, je pense, t'intéresseront. Mais t'inquiète, personne n'en saura rien" chuchota-t-elle, enthousiaste. Elle déplia la feuille, la retourna car elle était à l'envers, et commença à lire. "Lenowe Rikhard Letnara, naturalisé américain, né le dix février mille neuf cent soixante dix-neuf à... -Salomée. -Bon, ok, pour faire simple, le trois juillet, Lenowe a pris un avion pour New York, puis pour Helsinki. Ensuite, le vingt-sept août, il est revenu ici. Si tu veux, je peux aussi la rappeler pour qu'elle vérifie son compte en banque. Je peux aussi te donner son troisième prénom, complètement imprononçable. Je pense que c'est le genre de trucs dont il ne doit pas être bien fier. Elle jeta un regard réprobateur à son amie. "Ça ira, merci. D'autant plus que je ne t'avais rien demandé. -Mais tu allais le faire, de toute façon." Salomée la prit de court. Effectivement, elle l'aurait fait. "Bon, je retourne bosser moi. Et arrête de piquer des stylos, vu !" Plaisanta Salomée. Avant qu'elle ne retourne à son laboratoire, Ziva lui attrapa le bras. "Finalement, je veux bien le relevé de son compte en banque. Uniquement s'il n'y a aucune chance qu'il ne s'en rende compte." Sur l'instant, elle le regretta déjà. Elle ne comprit pas ce qu'il avait pris. Elle avait une confiance totale, mais pas aveugle, en Lenowe, et inversement. Elle était bien trop honnête. "Ok, je te fais ça dans la journée." Rien ne parut choquer Salomée. Son côté moral n'était pas ce qu'il y avait de plus développé chez elle. "Honnêtement, je ne te pensais pas comme ça. Tu arrives encore à me surprendre" Elle ricana gentiment et sourit. "T'inquiètes, j'aurai fait la même chose... Voire pire." Dim 3 Juil 2016 - 16:01 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 11- Spoiler:
L'horloge du micro-ondes indiquait dix-neuf heures et quarante sept minutes. Il rangea précipitamment les courses qu'il restait, mit de côté les sacs en papier vides et sortit son portable qui s'agitait du fond de sa poche depuis tout à l'heure. Elisha n'aurait pas essayé de l'appeler à plusieurs reprises alors qu'il était près de deux heures du matin chez elle seulement pour lui demander de ses nouvelles et entamer une conversation sur la météo. Il la rappela, et elle décrocha presque immédiatement. "Enfin, j'arrive à te joindre" dit-elle, la voix pleine de reproche. Elle parlait en anglais; d'un commun accord, ils ne parlaient plus leur langue maternelle entre eux. -Parle, je t'écoute" Elisha soupira. Il entendit sa sœur respirer bruyamment et la vit très bien se mordiller les lèvres et regarder ses pieds qu'elle tortillait sur le sol, nerveuse et inquiète. "Il faut qu'on parle de... Maman. Elle ne va pas bien, je crois. Enfin, non, pas je crois. C'est sûr." Il lâcha un "Oh" plus ou moins indifférent et posa le téléphone sur la table, mettant le haut-parleur. Il allait devoir faire réchauffer son assiette qui allait attendre un peu et arracha un morceau du seul pain rassis qu'il avait trouvé à la supérette. "Elle a encore fait des conneries, et Matti a dû la ramener de force chez elle avant que les voisins n'appellent la police. C'est pour ça que je t'appelle à cette heure. -Elisha, si tu m'avais dit plus tôt qu'elle était en train de dérailler, si tu n'avais pas "oublié" de me le dire quand on a enfin eu l'occasion de se voir, ça aurait rendu les choses plus faciles. Je ne pense vraiment pas pouvoir t'aider de là où je suis. -Oui, je sais, bailla-t-elle. Excuse-moi, mais c'était pas vraiment le moment, elle n'était pas la priorité, enfin c'est-ce que je pensais. Je... -Elisha, s'il te plaît, va te coucher, et on en parlera demain matin. C'est pas l'heure, et je pense que quelques heures de plus ou de moins ne changeront pas la situation -Je dois me rendre à New York pour régler quelques affaires administratives la semaine prochaine. Je ferai un crochet par chez toi pendant que j'y serai, parce que sais très bien que tu ne me rappelleras pas demain et que je veux vraiment te parler. Il faut que..." Il l'entendit poser brusquement le téléphone sur une table au milieu de sa phrase, et il entendit quelqu'un beugler dans le fond – une voix masculine qu'il identifia comme celle de leur oncle, puis par-dessus, une autre, plus criarde et inconnue, certainement une femme – puis elle reprit son portable. "Il faut que j'y aille. A bientôt, et bonne nuit" dit-elle précipitamment, sa voix trahissant son agitation. Sa sœur raccrocha, le laissant bouche bée; elle ne lui laissait pas le choix, et il n'avait pas non plus compris ce qui venait de se passer. S'il y avait une chose qu'il aurait aimé ne plus jamais évoquer, c'était bien le sujet de sa mère. Il n'avait jamais fait allusion à ses parents à Ziva, et elle avait immédiatement compris qu'il ne fallait pas lui en parler. Lenowe souffla et mit son pavé de poisson encore à moitié congelé au micro-ondes. Il était justement parti d'où il venait pour ne plus rien à voir avec ces histoires, mais ça n'était pas suffisant. Alors qu'il finissait de manger, il reçut un message d'Elisha. "Matti a du appeler la police, et ils sont venus la chercher." Il jura et balança littéralement son assiette vide dans l'évier. Après avoir pris une douche, Lenowe essaya de continuer la série passablement intéressante qu'il avait entamée pour s'occuper dans l'avion, mais ne suivait pas, absent et dispersé. Il laissa tomber, ferma son ordinateur, éteint la lumière et se coucha, incapable de se concentrer sur quoi que ce soit d'autre que le plafond de sa chambre, dont la peinture s'écaillait. Il remarqua sans y prêter plus d'intérêt une toile d'araignée dans un coin et se retourna vers le mur, son oreiller serré contre lui. A quelques pâtés de maison de là, Ziva écoutait sérieusement ce que Salomée lui exposait, c'est-à-dire pas grand-chose. Elle était en train de lui lire le relevé bancaire qu'elle avait reçu plus tôt dans la soirée d'une source qu'elle ne citerait pas, même si Ziva supposait qu'il s'agissait d'une des connaissances peu scrupuleuses de Salomée qui travaillait pour une quelconque agence gouvernementale. Comme à chaque fois, elle ne s'en préoccuperait pas. "Il a acheté un billet d'avion pour l'aller, il a retiré une centaine d'euros à son arrivée, a loué une voiture pour environ deux semaines je pense, à en voir le prix, mais je n'ai pas la date de restitution de la voiture; ensuite il a été faire les courses deux ou trois fois, il a aussi été faire le plein, et il a repris un billet d'avion pour son retour. Rien d'autre. -Merci, Salomée. -Pas de problème. On se voit demain." Salomée mit fin à l'appel, aucune des deux n'ayant l'envie de discuter plus longtemps. Ziva éteint elle aussi son ordinateur et le posa sur le canapé. Elle avait envie de disparaître sous sa couette et de ne plus jamais en ressortir. Elle n'avait pas spécialement envie de revoir Lenowe, et encore moins le médecin légiste titulaire qui était supposé revenir et qui allait encore la talonner et l'agacer toute la journée. Encore un an avant qu'il ne parte à la retraite. Ou vivement que je me casse d'ici, se dit-elle. Le week-end arriva et l'enquête n'avait guère avancé. Les seuls éléments qui avaient été relevés ne semblaient pas s'inscrire dans une quelconque continuité, ni indiquer une direction à suivre. La victime avait été droguée avec le genre de médicaments que n'importe qui aurait pu acheter à la pharmacie du coin pour que son ou ses meurtriers le maîtrisent plus facilement. Pas de témoin, pas de suspect, pas de mobile. La femme de la victime devait repasser en début de semaine pour que plusieurs points soient approfondis avec elle. Les collègues de ce dernier avaient aussi été questionnés; tout ce qui en était ressorti était que Paul Martino était un employé réservé, discret, pas tout à fait exemplaire, mais qui faisait ce qu'on lui demandait d'une manière tout à fait convenable. Le service des permis n'était pas exactement le genre d'endroit où il aurait pu s'attirer des ennemis de taille, enfin pas en apparences. Une équipe de techniciens était toujours en train d'éplucher ses mails, ses comptes et autres diverses données le concernant. La question n'était pas tellement de savoir qui l'avait assassiné et pourquoi, il s'agissait surtout de savoir pourquoi une telle mise en scène pour un homme à l'intérêt aussi minime. Restait encore à savoir s'il était aussi insignifiant qu'il n'y paraissait. Lenowe s'endormait devant des rediffusions de seconde partie de soirée quand l'écran de son téléphone s'éclaira, indiquant un nouveau message. Il tendit paresseusement le bras vers la table basse pour l'attraper. C'était Jana, qui lui avait finalement répondu. "Tout va bien pour moi. Si tu veux qu'on discute, c'est maintenant, demain je pars en tournée." Il s'accorda deux secondes pour se réveiller entièrement et l'appela. Jana était du genre qui écoutait quand on lui parlait, sans poser de questions, ou du genre à parler sans se préoccuper de si son interlocuteur l'écoutait ou pas, parce qu'elle voulait juste déblatérer, c'était selon. Il aurait encore droit à une des ses histoires improbables qui ne pouvaient arriver à personne d'autre qu'à elle et dont on pouvait parfois douter de la véracité de tous les détails, mais cela faisait partie de son charme. "Ça fait combien de temps depuis la dernière fois qu'on s'est réellement parlé? La dernière fois qu'on s'est vus, je crois que c'était à Bridgeport l'année dernière, dit-elle. Etonnamment, il n'y avait personne qui braillait derrière elle, pour une fois. -C'est ça. -Dis voir, on passe par chez toi vendredi prochain, ça te dirait de venir? Je peux t'avoir des places sans même que tu me les demande. Et la bière sera gratuite, ça va de soi. -Ouais, ça devrait pouvoir se faire. Tu t'en sors bien, on dirait? -J'ai pas à me plaindre, admit-elle. Faut que tu rencontre nos nouveaux gars, ils devraient te plaire." Leur conversation fut interrompue une seconde. -Jana, a qui tu parles? A Lenowe? Salut, comment ça va?" C'était Blackie, la bassiste du groupe de Jana. Il n'avait jamais su comment elle arrivait toujours à être surexcitée et bruyante, jamais fatiguée, mais particulièrement éreintante, même lassante à la fin. "Ça peut aller" dit-il Jana ricana nerveusement. Il savait qu'il avait toujours eu du mal avec elle. "C'est grâce à elle que le groupe est toujours debout, et même si elle est chiante, faut admettre que c'est une putain de bassiste" ajouta-elle quand son amie se fut éloignée. "Sinon, tu as fait quoi récemment? J'ai essayé de t'appeler il y a un petit moment, mais ça me disait que ton numéro ne pouvait pas être joint, un truc du genre. -J'étais de l'autre côté de l'océan, avec Elisha, ma sœur. Elle a eu quelques petits problèmes. Mais ça va mieux, maintenant. Si on veut, ajouta-t-il à voix basse. -Oh. Si tu veux parler, je suis là -Je sais, Jana". En quinze ans, il avait vu des amis venir et repartir, à cause de différents majeurs ou contre son gré, mais Jana était la seule qui était restée. Contrairement à ce que leur entourage avait parfois pu à tort penser, il n'y avait rien d'autre que de la sincère amitié entre eux, une amitié simple et saine. Il leur était arrivé de ne pas se parler pendant de longues périodes, par manque de temps surtout, mais aucun des deux n'en tenait jamais rigueur à l'autre. Cependant, une fois qu'il se retrouvaient, ils constataient que leurs discussions restaient toujours lamentablement limitées, peut-être parce qu'ils étaient tous les deux constamment pressés ou plus absorbés par autre chose sur le moment. Ils n'avaient pas apprécié un simple moment assis autour d'un verre depuis trop longtemps. "Bon. Je dois y aller, je t'envoie des invitations par mail dès que j'ai cinq minutes pour tranquillement poser mon cul quelque part demain. Ziva sera de la partie? Se renseigna Jana -Ouais, ça devrait pouvoir se faire. A vendredi prochain, conclut-il -Salut, Lenowe. Prends soin de toi." Mar 19 Juil 2016 - 17:55 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 12- Spoiler:
Mardi. La semaine était à peine commencée, et le tant redouté lundi matin dont tout le monde serait d'accord pour dire qu'il aurait fallu le supprimer était presque aussi loin que le vendredi soir. S'ils avaient un peu de chance, Lenowe comme Ziva seraient obligés de venir travailler samedi matin alors que d'autres se prélasseraient encore dans leur lit, regrettant pour certains leur soirée de la veille. A neuf heures moins trois minutes, Madame Laurel Martino se présenta accompagnée d'un agent en uniforme au bureau de Lenowe. Il semblait à ce dernier ne jamais avoir croisé ledit officier au détour d'un couloir, ni nulle part ailleurs, et il lui fallut quelques secondes pour se rappeler qu'il avait effectivement convoqué la femme de la victime du meurtre sur lequel il travaillait depuis un peu plus d'une semaine, et ce sans grand résultats. Lenowe remercia l'agent, qui se retira sans un mot, et proposa une boisson à la petite femme brune qui attendait dans l'encadrement de la porte, les bras croisés, attendant qu'il lui indique un siège, ce à quoi elle répondit par la négative. Il l'invita à s'asseoir sur la chaise en plastique blanche qu'il tira d'un coin de la pièce et déterra le téléphone de quelque part sous la montagne de dossiers et de feuilles agrafées qui traînaient sur le bureau pour demander à Ziva de venir les rejoindre. En attendant, il en profita pour chercher son bloc-notes aux trois quarts rempli de bribes de phrases et de numéros de téléphone dont il avait certainement oublié l'intérêt et un stylo-bille sans bouchon et mâchonné au bout qu'il trouva dans la tasse à café sans anse qui lui servait de pot à crayons. Il n'était même pas sûr que la moitié d'entre eux fonctionnait encore. "Ma collègue arrive dans une minute, dit-il. Vous-êtes sûre de ne pas vouloir un café ou un verre d'eau, Madame Martino? -Non, merci." A part les cernes que le font de teint orange n'avait pas réussi à camoufler, rien n'indiquait que la femme se trouvant en face de Lenowe était particulièrement affectée par le meurtre de son mari. Elle portait un haut un peu trop large pour elle aux motifs bariolés et un jean évasé, une simple tenue d'été qui ne ressemblait ni de près ou de loin à une tenue de deuil. Lenowe l'interpréta comme une façon pour elle de ne rien laisser paraître et passa à autre chose. Elle se pencha pour rattacher sa sandale défaite et adressa un discret sourire à Lenowe, qui lui rendit la moue tordue qu'il appelait "sourire". Puis il vit un visage apparaître derrière la persienne de la porte, et à la seconde suivante, Ziva entra sans même frapper. Il ne l'avait même pas ne serait-ce qu'aperçue depuis le samedi d'avant. "Bonjour Madame, dit-elle en s'asseyant sur la chaise d'Elin qu'elle fit rouler jusque derrière le bureau de Lenowe, qu'elle ne regarda pas. On vous l'a déjà dit, mais on aimerait éclaircir quelques points avec vous en ce qui concerne... l'affaire." Laurel Martino hocha la tête, les mains croisées sur les genoux, légèrement penchée en avant, disposée à apporter son aide. "Est-ce que votre mari prenait des médicaments du genre que n'importe qui peut se procurer? On n'a pas trouvé d'ordonnances à son nom; en tout cas ce qui est sûr est qu'on l'a drogué, je ne sais pas encore exactement avec quoi, mais ce qui est certain est que c'était avec quelque chose qu'il y avait donc à disposition." Ziva ne laissa pas le temps à Lenowe de dire quoique ce soit pour débuter leur entretien. "Attendez... Il s'est fait mal au genou en jouant au foot avec notre fils il y a une semaine. Il prenait je sais pas trop quel médicament qu'il restait au fond de l'armoire à pharmacie, je lui ai bien dit que ça n'était pas une bonne idée mais il... Peu importe. Je ne sais pas s'il en restait beaucoup, et je ne me souviens pas ce que c'était exactement. -Ce serait bien si on savait, justement, intervint Lenowe. Entre temps, vous avez repensé à un ou des éventuels ennemis, ou a quelque chose d'anormal? Il rentrait plus tard du travail? -Non. C'était toujours le dernier parti de la maison et le premier arrivé. Il s'était disputé avec le voisin parce qu'il faisait du bruit, mais c'est tout, et je ne crois pas que ce voisin soit physiquement capable de faire du mal à qui que ce soit. -Ok" murmura Lenowe, inscrivant "Médicaments" et "Voisin" sur sa feuille. "Que faisait-il en dehors de la maison, à part travailler? -Ça lui arrivait de sortir avec d'autres papas du quartier jouer avec les enfants ou aller boire un verre chez l'un d'entre eux. Je ne connais pas tous leur nom, mais je connais le nom de leurs femmes parce que je... -Vous pourriez nous faire une petite liste, juste au cas où? Demanda Lenowe, jetant un regard furtif à Ziva qui observait la femme assise en face, l'air contrarié. -Oui, bien sûr. -Je ne peux m'empêcher de remarquer que vous ne semblez pas très... bouleversée. Non pas que j'aie des soupçons sur vous, je voudrais juste m'assurer que vous allez bien. Elle ferma les yeux et soupira. -Ça va, ça va, j'ai connu des jours meilleurs, c'est sûr, mais ma famille n'aimait pas vraiment Andreas donc ils ne me sont pas d'un très grand soutien et je me trouve livrée à moi-même. -Comment ça? Demanda Ziva, interloquée -Rien à voir avec tout ça. Une vieille histoire complètement absurde qui remonte à il y a bien longtemps. Mais je vous assure que ce n'est pas le mobile du meurtre, c'est bien trop futile." Ils firent une brève pause lorsqu'Elin rentra dans le bureau pour récupérer sa veste oubliée sur le portemanteau et fila aussi vite qu'il était venu, saluant Lenowe et Ziva d'un mouvement de la tête. Ils reprirent l'interrogatoire, qu'ils ne souhaitaient pas désigner comme tel. Rien ne soupçonnait la femme de la victime – jusque là. Lenowe lui demanda d'autres détails et la laissa partir en lui donnant une carte de visite cornée qu'il échangea contre la liste des noms des amis et voisins de son mari. "J'ai pas vraiment l'impression que ça a été très utile, dit Lenowe lorsque Laurel Martino eut refermé la porte derrière elle. -Non. Merde, c'est vraiment trop tordu pour qu'il y ait une quelconque explication claire et logique, dit Ziva. Et en plus de ça, Elias commence à me faire royalement chier. J'essaie de lui demander son avis et ses réflexions sur l'autopsie, sur des détails qu'on aurait pu manquer, et il me parle de lui. J'en ai rien à foutre du week-end de ce vieux dégueulasse. -Ah." Lenowe était au courant de ses plans de quitter l'endroit pour s'éloigner de ses collègues de la morgue. Plans avec lesquels il n'était pas spécialement d'accord, même s'il n'avait pas osé lui dire, pourtant l'échéance s'approchait de plus en plus. Elle lui aurait certainement répondu "Ok, pas de problèmes" sans que la distance ne soit un obstacle, ni qu'elle se lamente de ne plus pouvoir le voir, ayant appris à pouvoir se passer des gens. Il aurait pu dire de même pour une grande partie de son entourage qui regroupait un grand cercle d'individus dont il ne se sentait finalement pas proche, mais elle n'en faisait pas partie, et elle représentait la personne la moins instable du lot. "Je dois y retourner. A plus tard" râla-t-elle. Le médecin légiste du comté de Twinbrook entendit frapper à la porte. Il releva la tête de la table, reposa sa pince ensanglantée sur un plateau et retira ses gants. Il fit le tour de la pièce et ouvrit. "Oh, bonjour lieutenant" fit-il. Il n'avait l'air que peu surpris de la visite de Lenowe. Le médecin avait constaté qu'il passait plus souvent par le sous-sol que son collègue de bureau qui frissonnait rien que lorsque son doigt passait au-dessus du bouton –1 de l'ascenseur, ou que tout autre personne travaillait au-dessus. "Bonjour docteur". Aux dires de Ziva, le docteur Elias Barrows n'avait de docteur que le nom, et considérait que si celui-ci avait obtenu son diplôme et l'autorisation d'exercer, n'importe quel autre abruti aurait pu faire de même. Lenowe se fit une note mentale, penser à vérifier si ce mec avait un dossier, ce qu'il n'avait jamais fait, juste par pure curiosité. "Je cherche votre collègue. J'ai des données concernant l'affaire en cours qui devraient l'intéresser. Enfin, je ne dis pas que ça ne vous intéressera pas, mais... -Elle est partie voir cette technicienne du laboratoire, la petite demoiselle aux cheveux violets, c'était aussi au sujet de l'enquête, à ce que j'ai compris – mais ce n'est pas comme si tout ici avait un rapport avec une enquête, hein ?" S'amusa le docteur Barrows. Sa tentative de faire dans l'humoristique était aussi ratée que sa tentative de faire croire que ses lunettes en équilibre sur sa tête n'étaient là que pour le style. Il plissait les yeux pour regarder Lenowe et ce dernier constata que le docteur avait un léger strabisme divergent. Et appeler "petite" une demoiselle qui le dépassait largement en taille ne faisait qu'ajouter à son ridicule. "Dites-lui quand elle reviendra que je l'attends avec un dossier sur mon bureau, qu'elle passe le prendre. -Très bien. Je ne manquerai pas de lui dire." Lenowe fit demi-tour sans plus un mot et retourna dans le couloir. Il eut l'impression que l'odeur rance fétide de café et de tabac froids, avec un soupçon de putréfaction, que trimballait le docteur le suivrait toute la journée, et ce même après une douche. L'horloge accrochée au mur au-dessus de la photocopieuse dans le bureau de Salomée indiquait cinq heures et quart. La journée n'aurait pas été remarquablement productive. Pendant que son amie attendait patiemment en grignotant un donut esseulé de la veille, Ziva s'agaçait après une bouteille thermos qui rechignait à s'ouvrir. Elle avait dû mal à garder les yeux ouverts et redoutait le moment où elle se glisserait dans son lit et celui où l'envie irrésistible de dormir disparaîtrait comme par hasard. "Nuit agitée?" Demanda Salomée en levant les sourcils d'un air entendu. "Si tu penses à ce à quoi je crois que tu penses, c'est pas ça. C'était plutôt un tête à tête avec un cadavre qui a passé deux semaines dans la flotte. -Oui, effectivement." Salomée regretta son indiscrétion et baissa les yeux. "J'ai les résultats des analyses que tu attendais tant. Je n'ai pas ouvert l'enveloppe, pour avoir la surprise en même temps que toi" dit-elle en tendant devant elle, victorieuse, l'épaisse enveloppe qui était posée sur la table et qui contenait très probablement une information capitale pour la suite de l'enquête. Jeu 11 Aoû 2016 - 10:01 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 13- Spoiler:
Ziva abandonna l'idée de prendre un thé, reposant la bouteille, et s'assit en face de son amie, qui défit la petite ficelle gardant l'enveloppe fermée. Elle sortit entièrement la pile de feuilles et fit défiler les premières jusqu'à trouver celle contenant la conclusion. Salomée analysa rapidement le paragraphe, fronça les sourcils et releva la tête de la feuille. Ziva la regardait, impatiente. "Notre victime a été shootée avec le genre de trucs que tu prends quand tu as choppé une sale crève, le truc qui t'endort immédiatement. -Sa femme nous a bien parlé de quelque chose, mais pas de ça. Je suis à peu près sûre que si je l'appelle pour lui demander, elle me dira qu'elle possède effectivement des médicaments contre le rhume dans son armoire à pharmacie, comme à peu près tout le monde. -Bon, comme ça on est pas avancés. Je sais pas pour toi, mais je ne crois pas que je finirai quoique ce soit aujourd'hui. Je rentre chez moi, et je décortiquerai ça demain. Je te laisse le rapport si tu veux un peu de lecture ce soir." Le lendemain matin, Lenowe prit la liste de noms que lui avait communiquée Laurel Martino et retourna dans son quartier. Il allait interroger les voisins un à un, ce qui avait déjà été fait, mais il considérait que les questions n'avaient peut-être pas été orientées dans la bonne direction. Le premier nom sur la liste n'était pas chez lui, et l'absence de voiture dans l'allée ainsi que les volets fermés indiquaient peut-être un week-end prolongé, ou quelque chose à se reprocher. Lenowe avait vu la deuxième monter dans sa voiture accompagnée de ses deux enfants qui traînaient leur sac à dos par terre. Elle reviendrait certainement de l'école plus tard. Le troisième l'accueillit avec un couteau à la main. Instinctivement, Lenowe recula et glissa sa main à l'arrière de son jean, où se trouvait son arme. L'homme d'une quarantaine d'années vit l'insigne à sa ceinture, et un instant parut sur le point de faire une syncope lorsqu'il comprit qu'il avait toujours son couteau à pain dans la main. "Non, non... J'étais en train de préparer le repas de ce midi! S'exclama-t-il, confus. Excusez-moi, je... je crois qu'il vaut mieux que je le repose. Entrez." Bafouilla-t-il après que Lenowe se soit présenté. Celui qu'il avait identifié comme Martin Wang, professeur remplaçant actuellement sans emploi, reposa immédiatement le couteau sur la table de la cuisine et mena Lenowe dans le salon. "Je devine que c'est au sujet d'Andreas, l'information passe très vite dans le quartier. Un de vos collègues m'a déjà posé des questions. Je lui ai dit tout ce que je savais. Mais, après réflexion, je me suis souvenu avoir vu fréquemment ces dernières semaines un camion de livraison et un autre d'un magasin de fournitures de construction. Ça m'a un peu surpris, parce que ma femme connaît bien Laurel, la femme d'Andreas, et apparemment ils ne sont pas du genre à tout le temps acheter des trucs, et Andreas ne m'a jamais parlé de rénovation dans sa maison ou de quelque chose comme ça. Je suis du genre bricoleur, lui un peu moins, alors il m'aurait demandé conseil. -Vous pouvez me donner le nom du magasin en question? -Laissez-moi deux secondes." Martin Wang sortit une tablette de sous la table basse et tapota sur l'écran. Lenowe détailla le salon des yeux. La décoration de ce qu'avait aperçu Lenowe de la maison n'avait absolument rien de personnel. Tous les meubles étaient directement tirés du catalogue Ikea. Il y avait une caisse débordant de jouets dans un coin et une peluche sur le canapé, mais bizarrement pas de chaussures ou de manteau de femme dans l'entrée. En tout cas, les Wang ne demandaient pas de conseils de rangement aux Martino, constata-t-il. Il y avait une pile de vieux magazines dans le coin entre le canapé et le mur et le plateau du meuble télé servait de vide-poches. "Build It Yourself. Il y a un magasin à la sortie de l'autoroute. Je passe presque tous les jours devant, je connais le logo par coeur, mais je ne me souvenais pas du nom exact. -Merci beaucoup. Donc vous dites que Monsieur Martino faisait fréquemment ses courses chez Build It Yourself. Ou qu'il leur a loué un camion plusieurs fois. -Oui, certainement. Je suis navré de ne pas pouvoir vous aider plus. Andreas et moi n'étions pas les meilleurs amis du monde, mais c'était un voisin proche, et nos enfants jouent ensemble. Enfin, mon fils jouait avec le petit Martino jusqu'à ce qu'il revienne un soir en me disant que Laurel l'avait un peu grondé. Là n'est pas la question, ce sont juste des gamins, si elle a un peu haussé la voix sur mon fils, c'est qu'il devait le mériter, et Laurel est très gentille, quoiqu'un peu distante parfois. Elle va souvent aux barbecues chez les autres voisins, mais n'invite jamais chez elle." Lenowe se dit qu'il ferait mieux de trouver une autre question ou de conclure l'échange avant que Martin Wang ne continue à déblatérer sur les potins du quartier. "Très bien, merci. Je vous laisse ma carte, si jamais quelque chose vous revient, à vous ou a votre femme. Bonne journée, conclut-il en se relevant du canapé couleur taupe. -Encore désolé de vous avoir fait peur avec mon couteau. Je ne vous aurait rien fait, la vue du sang me met très mal à l'aise. Je vous raccompagne à la porte." Monsieur Wang s'excusa à nouveau et referma la porte. Lenowe raya son nom de la liste et posa son doigt sur le suivant. C'était le voisin de gauche, juste en face d'où il était, le fameux voisin avec lequel Andreas se serait disputé au sujet d'une tronçonneuse. Il traversa la rue et monta sur le perron embarrassé par des pots de fleurs vides et des sacs de terreau entamés qui avaient répandu une partie de leur contenu sur le sol. A peine eut il appuyé sur la sonnette qu'une femme d'un âge relativement avancé lui ouvrit. Elle avait un brushing impeccable et la peau du visage sans une imperfection, et même si Lenowe estima que cette femme et son mari étaient certainement à la retraite, il n'aurait pu estimer son âge avec exactitude. Il se présenta gentiment comme lieutenant de police, indiquant qu'il enquêtait sur le meurtre du voisin, et lui montra à deux reprises son insigne lorsqu'elle lui demanda si ce n'était pas un imposteur venu s'en prendre à elle ou venue la cambrioler. "Il y a eu beaucoup de vols ces derniers temps, dans le quartier. Ça doit être ces sales mômes." Lenowe releva l'information sans toutefois savoir si ce n'était que pure exagération ou s'il y avait réellement eu une vague d'effractions dans le quartier. "Oui, mon mari a eu une petite altercation avec ce Monsieur Martino parce que selon lui, la tronçonneuse faisait trop de bruit et qu'il voulait profiter de son barbecue tranquillement. Mon mari a ensuite arrêté la tronçonneuse et il est rentré bougonner à la maison." Elle sortit une chaise de sous la table de la cuisine sur laquelle trônait un plat de gaufres. Le chat tigré qui dormait sur la banquette calée contre le mur du fond leva la tête, importuné par le visiteur, puis se rendormit. "Vous avez remarqué quelque chose de différent par rapport à vos voisins ces derniers temps? -Non, il ne me semble pas." Lenowe voyait bien Madame Anderson comme la commère du quartier, toujours assise devant sa fenêtre, relevant légèrement le rideau, une tasse de camomille à la main, à l'affut du moindre mouvement et friande de ragots en tout genre. Sa réponse lui parut insuffisante, mais il ne parvint pas à obtenir plus d'elle. Lorsqu'il sortit de chez elle, il était presque onze heures. La voisine partie emmener ses enfants à l'école n'était pas revenue, et Lenowe n'avait pas l'intention de camper devant sa porte. La dernière personne de la liste fournie par Laurel Martino n'était pas là le jour du meurtre à cause d'un accident de bateau le jour d'avant, et les deux bras dans le plâtre étaient suffisants pour le disculper. Sa femme, elle, proposa toute son aide à Lenowe, quand bien même elle ne savait rien, et il sentit qu'elle cherchait à user de ses charmes auxquels il restait insensible pour faire enrager son mari cloitré dans le canapé, incapable de bouger. Lenowe abandonna la possibilité qu'un des enfants du quartier puisse avoir quelque chose à voir avec les meurtres, même si l'un d'entre eux, fut-il assez âgé, ait pu voir quelque chose. Il avait à chaque fois indiqué aux parents d'être attentifs au comportement de leur progéniture. Le lieutenant de police remonta dans sa voiture qu'il avait laissée en plein soleil, à l'entrée du quartier. Il attendit un moment avant que le cuir du volant ne refroidisse et reprit le chemin du commissariat, avec en tête deux nouvelles pistes qui méritaient d'être éclairées. Ziva ne lui avait apporté que peu d'informations théoriques, mais il lui fallait maintenant plus d'informations pratiques, et il se félicita d'être sur la bonne voie. En retournant dans son bureau, il surprit Elin affalé dans sa chaise, les pieds posés sur le bureau, et au téléphone. La seule chose qu'il saisit de la conversation avant qu'il ne repose brutalement son portable sur la table fut "Oui, moi aussi je t'adore, on se voit bientôt". Il ne lui demanderait pas à qui il parlait. "Elin, enlève tes pieds de là et cherche-moi des infos sur Build It Yourself et je veux savoir si Andreas Martino a passé commande chez eux. Rappelle-moi d'appeler sa femme pour lui redemander des infos. Je vais aller encore réclamer leurs relevés bancaires pour voir ce qu'ils ont acheté récemment. Un des voisins m'a dit qu'ils avaient eu beaucoup de livraisons récemment. Ah, et aussi, appelle le deuxième mec de la liste, Tyler Marsh, jusqu'à ce que lui ou sa femme réponde, et essaie de contacter le premier. Il n'est pas chez lui." Lenowe remit son arme dans un tiroir et monta au deuxième étage chercher les relevés bancaires qui auraient dû arriver en premier. Dans le couloir rempli de boîtes d'archives et entravé par un chariot en métal rempli de verrerie de laboratoire, il tomba sur Salomée. C'est à croire qu'il n'y a que les mêmes trois foutues personnes qui travaillent ici, se dit-il. "Ziva n'est pas là, lui dit-elle en continuant son chemin vers son espace de travail. -Non, c'est pas elle que je cherche. Qui je dois engueuler pour avoir des relevés bancaires que j'attend depuis une semaine? -Le service des geek est au bout du couloir. C'est pas ici. -Merci de ta précieuse aide" ironisa Lenowe. Il ne referma pas la porte vitrée derrière lui et traversa à nouveau le couloir. Le service des geek, comme l'appelait Salomée, était à l'opposé de l'ascenseur. Il y avait sur la porte un post-il vert fluo et une blague supposément amusante qu'il ne comprit pas inscrite dessus. Il frappa et la poussa doucement. Lenowe constata que la budget climatisation devait profiter largement au grand open-space sur lequel il déboucha. Thinlay, la dernière recrue, vêtu d'un sweat à capuche et à manche longues, détourna la tête de son écran une mili-seconde et lui demanda ce en quoi il pourrait lui être utile, dans un accent londonien mêlé d'un peu d'exotisme, celui du Bouthan. Son bureau, sur lequel trônaient deux ordinateurs et une imprimante, étaient parfaitement ordonnés. Dans le fond de la pièce, Lenowe aperçut d'autres ordinateurs alignés contre la fenêtre qui donnait sur le parc du centre-ville. Il n'y avait personne d'autre qu'eux deux. Tous les autres devaient sûrement être partis en vacances, en déduisit-il. "J'attends depuis un moment des relevés bancaire. Martino, Andreas et Laurel. -Ah, ils sont là, sur l'étagère. Personne n'est venu les chercher, et je ne savais pas à qui les donner, donc je les ai mis dans un coin. -Thinlay... C'est bien Thinlay? -Oui. -Thinlay, il y a mon nom écrit sur l'en-tête de cette feuille que tu as dû imprimer toi-même. -Oui, oui, mais je n'avais pas le temps de descendre te les donner, et j'ai sûrement oublié. Maintenant, tu les as tes relevés. Content?" Lenowe hocha la tête et retraversa à nouveau le couloir pour rejoindre son bureau. Il décida que ce serait la dernière balade de la journée à travers l'hôtel de police de Twinbrook et que dorénavant il demanderait à Thinlay de lui envoyer les documents par mail. Au milieu de l'après-midi, il avait fini d'éplucher les relevés des comptes des Martino. Il y avait des commandes de pizzas, un peu de shopping sur internet, des courses, et un bon nombre d'achats chez Build It Yourself, fournitures de chantier, mais il n'y avait pas le détail exact des produits achetés. Elin n'était pas encore parvenu à soutirer des informations au magasin sur les factures, et aucun des deux voisins de la liste n'avait répondu au téléphone. Il devraient attendre un peu, d'autant plus qu'il n'était pas certain que Laurel Martino ait conservé des tickets de caisse, encore fallait-il qu'elle soit au courant des achats de son mari, si tel était le cas. Lenowe resta pensif quelques minutes et décrocha le téléphone, composant le numéro de Madame Martino. Il tomba sur la messagerie et commença à laisser un message. "Bonjour, Madame Martino. Ici le lieutenant Letnara... J'aurais besoin de quelques détails complémentaires. Tout d'abord: votre mari est passé beaucoup de fois par un magasin de fournitures de chantier; qu'a-t-il acheté? Ensuite, un de vos voisins, Monsieur Wang, m'a dit que vous aviez disputé leur fils, suffisamment pour qu'il ne retourne plus chez vous. Y-a-t-il une raison, ou un rapport avec votre mari? Ce n'est peut-être rien, mais au point où nous en sommes, nous cherchons dans toutes les directions. Merci, et rappelez-moi au plus vite." Ven 19 Aoû 2016 - 11:30 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 14- Spoiler:
La lumière commençait à changer et le soleil baissait lentement à l'horizon; le vent s'était levé, faisant baisser la température à un niveau plus acceptable, mais l'air restait immuablement lourd et orageux. Les terrasses des restaurants et des bars se remplissaient peu à peu, même en plein milieu de la semaine, et malgré la présence de menaçant nuages au-dessus des têtes. S'il devait pleuvoir, il pleuvrait – et cela arriverait certainement d'ici la fin de la semaine. Lenowe sortit de sa chambre, les cheveux encore humides après sa douche, et se planta au milieu du salon, surpris par la visiteuse encore installée chez lui. "Je croyais que tu avais dit que tu rentrais? -Non, je me suis d'un coup souvenue d'un truc que je devais vérifier, alors j'ai emprunté ton ordinateur. J'espère que tu ne m'en voudras pas." Ziva était installée sur le fauteuil pliant dans le salon de Lenowe, son ordinateur brûlant sur les genoux, et un paquet de chips entamé sous le bras. Si la table basse n'avait pas été si loin pour ses jambes trop courtes, elle aurait sûrement déjà posé ses pieds dessus. "Pour l'ordinateur non, pour les chips oui. -Je te les laisse, elles sont dégueulasses." Il allait prendre le paquet de chips qu'elle lui tendait et secouait devant lui pour vérifier ses dires quand il entendit frapper à a la porte. "Et merde. C'est Elisha." Elle resta assise sur le fauteuil, interdite, et le vit partir dans l'entrée. Il n'avait pas mentionné la venue de sa sœur, et, sachant qu'il avait cependant bien mentionné son récent accident, elle ne sembla pas comprendre. "Qu'est-ce que tu fais ici Elisha? Je pense pas que ça soit une bonne idée de faire un tel détour alors que tu as déjà du mal a marcher." Il aurait été difficile de déterminer s'il s'agissait d'une marque d'attention fraternelle ou d'une preuve qu'il n'était pas vraiment enthousiaste de voir sa sœur débarquer chez lui. -Ça va, arrête." Elle se fraya un chemin et traîna sa valise à l'intérieur. Celle de Lenowe était toujours dans l'entrée, encombrant le passage, et Ziva s'était même demandée s'il l'avait au moins vidée. "J'ai pris une chambre d'hôtel, et j'ai deux jours avant de rentrer. Ça devrait suffire pour qu'on discute" dit Elisha en accentuant les derniers mots de sa phrase, levant les yeux vers son frère avec insistance. -Ouais, marmonna-t-il. Entre" ajouta-t-il en lui indiquant la pièce principale d'un geste de la main. Ziva s'était levée et regardait Elisha avec un sourire poli. Elle eut un moment de perplexité: il lui semblait qu'Elisha était rousse la dernière fois qu'elle l'avait vue, et elle ne sut pas si ses cheveux étaient naturellement couleur amande. La petite femme blonde retira ses chaussures et s'avança vers Ziva, la sortant de sa réflexion. "Bonsoir" lui dit-elle avant de s'avancer vers elle pour la serrer dans ses bras. Puis elle crut se rappeler que sa belle-sœur n'appréciait pas ça. Elle reprit ses distances. "Comment ça va? -Ça va." Une réponse purement rhétorique. "Elisha, je suis désolé, mais on a rien préparé à manger, tu as déjà mangé? L'interrogea Lenowe -Non, et je sais pas si on peut appeler ce qu'on m'a servi dans l'avion comme un repas. -Y'a un restau chinois en bas de la rue." Sous-entendu: il n'avait ni l'envie, ni la motivation pour faire la cuisine. Elisha, Ziva et Lenowe s'installèrent à la table la plus proche du comptoir, même si le restaurant était quasiment vide. C'était ce genre de restaurant-cantine qui sentait la friture de mauvaise qualité, aux tables et aux sols collants, qui ne garantissait pas une nourriture authentique, et de qualité généralement médiocre, mais qui faisait l'affaire. Ils commandèrent au serveur qui ne comprenait visiblement pas tout ce que leurs demandait ses trois clients, puis restèrent silencieux, cherchant quelque chose pour engager la discussion. Lenowe ne semblait pas enthousiasmé par ce diner avec sa sœur, enfin surtout par la présence de sa sœur. Ziva ne savait pas vraiment pourquoi Elisha avait soudainement débarqué, mais allait faire semblant d'être contente. Elisha, quand à elle, essayait par tous les moyens à entamer la conversation. Assise en face de son frère, elle épiait ses moindres gestes, le moindre changement dans son expression, repoussant de temps à autre derrière son oreille une mèche de cheveux échappée de sa queue de cheval qui la dérangeait. La ressemblance entre Lenowe et Elisha était loin d'être évidente. Mis à part les cheveux fins et clairs et le teint pâle qui donnait une impression souffreteuse, une expression lasse continuellement imprimée sur leur visage, leur liens de parenté ne sautaient pas aux yeux. Elisha avait le visage plus replet, un nez rond et des tâches de rousseur sur les pommettes qui lui donnaient un air presque ingénu, et bien qu'elle allait bientôt fêter ses trente ans, on aurait pu lui en donner dix de moins. Ses yeux étaient d'un vert glauque, qui paraissaient vitreux derrière ses lentilles de contact. La différence de taille était le plus frappant; Elisha ne faisait qu'un mètre soixante-deux, dépassant à peine Ziva, ce qui pour Lenowe et son mètre quatre-vingt treize était relativement ridicule. "Comment s'est passé ton voyage à New York? Demanda Lenowe à sa sœur, remuant sa soupe de nouilles avec ses baguettes. -Je devais signer des papiers sans importance pour nos associés. Apparemment il fallait que je me déplace juste pour ça, et évidemment ça ne pouvait pas attendre. Mais j'en profite pour faire d'une pierre deux coups." Elisha piocha un morceau de poulet sauce aigre-douce dans son assiette. Ziva écoutait attentivement la conversation, son regard passant de Lenowe à Elisha, n'ayant pas pu deviner les raisons de la venue d'Elisha ici. Elle poserait la question à Lenowe quand ils ne seraient que tous les deux. Sa sœur n'avait pas l'intention d'orienter la conversation de ce soir autour de leurs affaires familiales. "Et comment ça va, vous deux? enchaîna Elisha sans regarder aucun d'entre deux, trempant cette fois une boulette de riz dans son assiette. Ziva reposa sa canette de soda et regarda Lenowe. -Je suppose que si on est là tous les deux, c'est qu'on se supporte plus ou moins, non ? Dit Lenowe, un peu gêné -Je crois que ton frère ne perdrait pas son temps à rester avec quelqu'un s'il ne se sentait pas bien avec, et moi non plus d'ailleurs." Elisha fut décontenancée par leurs réponses, auxquelles elle ne s'attendait pas. Elle ne voyait pas son frère tomber dans la mièvrerie, mais elle comprit immédiatement qu'ils n'aimaient pas les questions sur leur couple, si l'on pouvait réellement l'appeler ainsi. "Oui, c'est pas con" marmonna Elisha, la bouche pleine. Ziva plongea sa tête dans son assiette d'œuf frit qui avait une étrange texture gélatineuse. La sœur de Lenowe fit le tour des sujets de discussion qu'elle pourrait aborder. Ziva et Lenowe. Non. Leur travail? Pas le plus adapté à l'heure de manger. La météo? Non, et puis quoi encore? Elle se dit que ni son frère ni Ziva ne lui en voudraient si elle parlait d'elle. Elisha leur raconta que son voisin de siège dans l'avion avait passé tout le vol à faire des cocottes en papier avec les emballages de tous les bonbons qu'il avait mangés, tous ceux d'un paquet, puis que les cocottes avaient repris leur liberté quand l'avion traversa une zone de turbulences. L'histoire n'était pas franchement intéressante, et Elisha obtint seulement un gloussement timide de la part de Ziva. "A quelle heure je pourrais passer te voir demain? Demanda Elisha après un long moment de silence qui n'avait cependant rien d'hostile. -Si tout se passe bien, je devrais être rentré chez moi vers six heures, si celui qui prend ma relève n'est pas en retard. Je t'appellerai pour te dire quand je sors du travail. -Et vendredi? Je dois être à l'aéroport à onze heures du soir. Au cas où tu aurais un imprévu demain. -Non, pas vendredi." Il n'avait pas oublié l'invitation de Jana, qui lui avait envoyé deux tickets pour son concert, mais il avait oublié d'en faire part à Ziva. Il se tourna vers elle. "Jana nous invite tous les deux vendredi soir. -Oh". Elle parut sincèrement intéressée, quoique un peu prise de court. Elisha visualisa immédiatement de qui son frère parlait. Elle avait rencontré Jana à plusieurs reprises, mais n'avait jamais réellement eu envie de réellement sympathiser avec elle. Les deux femmes étaient bien trop différentes, aux yeux d'Elisha. "Demain. Six heures" répéta Elisha en hochant la tête, tant pour elle que pour redemander une confirmation implicite à son frère. Elisha choisit de rentrer à l'hôtel en taxi, ce qu'elle avait prévu de faire puisqu'elle avait baladé sa valise avec elle jusqu'au restaurant. Lenowe reconduisit Ziva chez elle et décida au dernier moment, alors qu'elle s'éloignait de la voiture vers la porte de l'immeuble, de la raccompagner jusqu'à sa porte. "En quelle occasion ta sœur est-elle venue jusqu'ici? Lui demanda-t-elle. -Comme elle l'a dit à table, elle s'est rendue à New York pour son travail et en a profité pour venir ici, vu que c'était presque sur le chemin. -C'est pas très économique comme détour. Elle voulait voir si tu allais... Bien ? Ou mieux? -Ouais, peut-être. Mais c'est surtout que..." Il stoppa sa phrase. Devait-il lui dire la vérité? Il n'y avait pas avec Ziva de réplique qui permettait de la contenter et de l'arrêter de poser des questions. "Bon, ok, dit-il en écartant les bras. Il y a un problème avec notre mère, et pas un problème récent. Elisha me l'a appris il y a quelques jours, alors qu'elle avait tout le temps de m'en faire part avant. Sauf que là, c'est devenu trop problématique pour qu'elle se contente de l'ignorer." Il lui mit la main sur l'épaule. "Je sais. Tu vas me demander autre chose après. Ça attendra. Je te raconterai ça... Un autre jour. Plus tard. Pas tout de suite." Elle lui répondit par son habituel "Oh" et lui souhaita bonne nuit, l'incitant à rentrer. Elle voulait se retrouver seule. La journée du jeudi avait été la plus productive de la semaine. Elin était parvenu, avec l'insistance de Lenowe, à obtenir plus de détails sur les fréquentes visites de Andreas Martino au magasin de bricolage. Sa femme avait rappelé Lenowe dans la matinée. Elle lui avait indiqué qu'elle n'avait pas eu vent de quelconques projets de construction ou de bricolage de la part de son mari, à part deux trois bricoles impliquant un robinet qui fuyait ou une porte grinçante. Cependant, elle resta plus évasive sur la raison de son embrouille avec le fils des Wang. Il s'était aventuré un peu trop près de la cabane de jardin de Andreas, et bien qu'il eut pu comprendre qu'elle voulait peut-être l'empêcher de se blesser avec des outils ou de tomber sur une bouteille de désherbant mal fermée, il trouva sa réaction un peu exagérée, et se demanda si lors de l'enquête, les techniciens s'étaient intéressés à cette fameuse cabane. C'était un point à éclaircir; au point où ils en étaient, tout était bon à prendre, même le mauvais. Andreas Martino avait fait une dizaine de commandes chez Build It Yourself au cours des six derniers mois, et à chaque fois, il avait acheté une grande quantité de plaques en métal. Son travail de bureau et son désintérêt pour les travaux de la maison n'expliquaient pas logiquement ces achats. Lenowe s'interrogea longuement sur les potentielles utilisations d'un si grand nombre de plaques en métal, et appela Ziva pour lui demander si au cas où il pourrait y avoir un lien entre celles-ci et la mort de Monsieur Martino. Il allait raccrocher quand elle décrocha au bout de la dixième sonnerie. "Ici la morgue, puis-je vous être utile? -Si je te parle de plaques en métal, ça te dit quelque chose? Elle reconnut immédiatement la voix de son interlocuteur, légèrement voilée, marquée par un accent dont il n'avait jamais vraiment réussi à se débarrasser, et elle réfléchit un instant, passant en revue tous les éléments qu'elle avait listés jusque-là. "Andreas Martino n'a pas de plaques, ni de vis, ni quoique ce soit qui aurait résulté d'une opération à la suite d'une fracture ou... -Non, je te parle pas de ça Il a acheté trois tonnes de plaques en métal. Je ne sais pas ce qu'il a bien pu fabriquer avec. Il aurait pu se couper avec, ou un truc comme ça, je sais pas. Simple idée. -Je n'ai pas relevé de coupures suspectes, mais je peux y rejeter un œil avec ça en tête, ça vaut le coup d'essayer. Si j'ai fini avant ce soir, ce qui m'étonnerait franchement, je te rappelle." Le docteur Barrows, occupé à récurer une table en inox aux tâches récalcitrantes, leva la tête vers son assistante et porta attention à la conversation, dont il n'entendait que la moitié. "Non, non, je... S'il te plaît Lenowe, deux secondes." Elle raccrocha et ouvrit la porte du tiroir dans lequel se trouvait Andreas Martino pour compléter les pièces manquantes. "Nous devons voir s'il y a quelque chose sur lui prouvant qu'il se servait de plaques en métal. Je pense que c'est inutile mais... -Tu parlais avec le lieutenant Letnara, n'est-ce pas? Lui demanda le docteur Barrows en s'attaquant à une nouvelle tâche avec son éponge. -Euh... Oui." Elle ne savait pas dans quelle direction il allait partir et décida judicieusement de ne pas essayer de se justifier, ou de se défendre avant de savoir ce dont il retournait. -Je le trouve très familier avec vous. Un peu trop entreprenant, peut-être. Cela te dérange? Tu as l'air peinée. -Non." Elle fut irritée par le fait qu'il la tutoyait. Ziva reprenait constamment Elin et quelques uns des collègues de Salomée, mais aurait préféré que lui ne l'appelle pas par son prénom et la vouvoie. Elle attendit qu'il ait fini son nettoyage pour lui demander de l'aider à sortir Andreas Martino de son sac. Ses yeux avaient été nettoyés et placés dans une jarre bien en évidence sur la paillasse. Une fois le cadavre sorti, elle continua son travail et ignora le docteur Barrows pendant qu'il vaquait à ses occupations et s'occupait de leur autre invité cette semaine, un type qui était tombé dans l'eau après une soirée un peu trop arrosée et qui avait au moins eu, dans sa mésaventure, la chance de ne pas avoir servi de quatre heures aux crocodiles ou aux poissons. Dim 4 Sep 2016 - 10:17 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 15- Spoiler:
A six heures moins le quart, Lenowe éteint son ordinateur et récupéra ses affaires. Elin était déjà parti depuis un moment, alors il éteint la lumière et quitta leur bureau. Il allait être en retard, et Elisha allait encore le regarder de travers. On ne plaisantait pas avec la ponctualité. Lorsqu'il arriva devant son appartement, sa sœur l'attendait patiemment avec une boîte en carton sous le bras. Elle était passée derrière un habitant de l'immeuble peu soucieux qui avait oublié de claquer la porte derrière lui. "Bon, tu es enfin arrivé. J'ai apporté quelque chose pour toi" dit-elle avec un sourire à peine retenu. Il fut surpris de ne pas l'entendre lui reprocher son retard, d'autant plus qu'il ne l'avait pas prévenue. Elle sortit la boîte de roulés à la cannelle de sous son bras et l'agita devant lui. "Il est trop tard pour manger ça. -Non mais tu te fous de moi? Dit celui qui s'endort à des heures pas possibles, mange n'importe quand et se plaint d'être en permanence crevé? -File-moi ça." Il saisit la boîte et déverrouilla la porte. Il emmena Elisha dans le salon et poussa le magazine qui traînait sur la table pour faire un peu de place. "Installe-toi. Fais comme chez toi. Enfin bref. On a tout le temps pour parler." Il allait s'asseoir aux côtés d'Elisha quand son téléphone lui indiqua qu'il venait de recevoir un nouveau message. "J'ai trouvé quelque chose. Je passerai chez toi tout à l'heure. Avec à manger." Il reposa le téléphone et se frotta les yeux. La soirée promettait d'être bien longue. Lenowe se laissa tomber dans le canapé laissa Elisha parler. "Maman a recommencé à boire. Elle est incontrôlable. Je ne peux pas m'occuper d'elle, je n'ai ni le temps, ni les compétences nécessaires. Je ne veux pas impliquer Sigrid là-dedans. Tonton Matti est trop vieux pour s'occuper des conneries de sa belle-sœur." Il ne parut pas étonné. Les problèmes de leur mère étaient malheureusement une constante, et ce depuis leur enfance à tous les deux, et jusqu'à ce que sa sœur soit assez âgée pour s'en rendre compte, il avait été tout seul. Au fond de lui, il avait l'impression que la situatio ne s'était guère améliorée. "Ok. Tu veux l'envoyer quelque part où on s'occupera d'elle? Demanda-t-il -J'aimerais bien. Mais elle ne voudra pas, et même si l'argent n'est pas le principal problème, aucun de nous n'est millionnaire et on doit s'occuper de nos vies aussi. -Elle ne voudra pas... Elle n'aura pas le choix, merde!" Elisha ne répondit pas. "Tout ça pour ça? Je veux dire, c'est pas nouveau. -Elle a agressé le voisin avec une pelle. Elle l'a bien amoché, et il porte plainte. Tout le quartier est au courant". Par "tout le quartier", elle voulait dire la quinzaine de personnes qui vivait disséminés dans un cercle de dix kilomètres autour de chez eux. "Elisha." Il prit son menton dans sa main et tourna sa tête vers lui. Elle resta le bras en l'air avec un roulé à la cannelle à moitié mangé dans la main. "Tu as réussi à te débrouiller sans moi depuis que je suis parti, tu devrais pouvoir décider de quelque chose pour elle certes avec mon avis, mais sans moi pour t'épauler." Sa sœur était beaucoup plus sentimentale que lui, alors que sa mère ne lui inspirait que de la rancune. Elisha l'appelait toujours "Maman" lorsqu'elle parlait d'elle. Pas lui. C'était une étrangère. Et leur père avait abandonné Lenowe et sa toute petite sœur. Il était au courant de tout. Aurait pu les prendre avec lui et les éloigner de leur mère. Aucun d'entre eux n'avait eu de nouvelles de lui depuis un soir où il n'était jamais revenu à la maison pour les mettre au lit. Leur mère leur avait raconté qu'il avait eu un accident, qu'il était mort, et avait cru bon d'ajouter des détails sordides avec le plus de naturel possible. Lenowe et Elisha savaient par intuition que c'était faux. Et il n'y avait jamais eu d'informations concernant un tel accident, avaient-ils découvert après de rapides recherches; leur dire la vérité n'aurait certes peut-être pas été plus bénéfique, mais pour une fois dans sa vie, leur mère aurait fait quelque chose d'honnête. Lenowe avait abandonné l'idée de retrouver son père, et il lui importait peu. "Tu es donc d'accord pour que je la place quelque part. -Absolument." Il n'en avait rien à faire. Ne voulait pas avoir quelque chose à faire dans l'histoire. A part Elisha, et sa famille du côté paternel qui avait eu la bonté de prendre soin d'eux, il reniait tout le reste de sa famille, sa mère en tête du classement. Il tournait le dos à tout ce qu'elle représentait. "D'accord. Je m'en occuperai en rentrant à la maison." Ils discutèrent encore un peu de la situation. Lenowe laissa sa sœur parler, agréant de temps à autre avec sa sœur par un "Hmm hmm" à peine audible. Elle regarda l'heure et se dit qu'il était temps de rentrer. Il ne lui proposa pas de rester manger; elle se dit qu'il ne valait mieux pas qu'elle s'invite chez lui. Lenowe ne pouvait arrêter de se répéter "Quelle perte de temps. Elisha aussi déconne complètement." Il s'endormait dans son canapé lorsqu'on frappa à la porte. C'était Ziva. Après la discussion avec sa sœur, il n'avait pas spécialement envie de la voir, mais parler de l'enquête le ferait penser à autre chose, et si elle lui réclamait ce qu'il lui avait promis, il pourrait passer rapidement à autre chose. Elle l'accueillit avec un sac en papier portant l'adresse d'un restaurant japonais en bas de sa rue. "Pour ce qui est du repas diététique et fait maison, on s'en passera pour ce soir" dit-il en souriant. Il partit dans la cuisine et alla chercher des assiettes. Ziva s'installa dans le canapé, là où il était installé depuis tout à l'heure. Les oreillers étaient encore tous chauds. Elle ne put s'empêcher de remarquer la carte d'embarquement et la poignée d'euros qui se baladaient sur la table, à côté de la boîte de roulés à la cannelle semi-industriels qu'avait apporté Elisha. Elle se leva pour voir la carte plus près. Il portait effectivement le nom de Lenowe. Elle se rassit brusquement en voyant le revenir de la cuisine. "Tu as trouvé du nouveau?" Lui demanda-t-il en déballant les gyoza aux légumes de leur sachet. Parler de l'enquête en cours, en n'omettant pas de mentionner les détails les plus croustillants, alors qu'ils étaient en train de manger ne les dérangeait plus. "Oui. J'allais laisser tomber quand j'ai revu l'analyse de ses yeux qu'on a gardés précieusement dans un bocal. Il y avait de minuscules particules de métal dedans. C'est le docteur Barrows qui s'en est occupé, et il a supposé que la profession de cet homme impliquait manipuler du métal. Ça m'a sauté aux yeux après que tu m'en aies parlé. Il bricolait bien du métal pendant son temps libre. Ne me fais pas de blagues foireuses, s'il te plait." Il faillit s'étouffer en avalant son gyoza. "Pour résumer: les voisins n'y sont pour rien. Les collègues non plus. Pour la femme, ce n'est pas sûr, mais je ne pense pas. Le mystère du magasin de bricolage n'est qu'à moitié résolu. Il faut trouver ce qu'il foutait avec tout ce métal. L'histoire des yeux au plat reste incompréhensible. La cabane à jardin n'a rien donné. Elle est vide, mais on dirait que quelqu'un a fait un peu de ménage récemment, il y a une grande table de travail totalement vide alors que le reste des étagères est un foutoir complet. -Ton bureau est un foutoir complet, et ton appartement est tellement bien rangé que ça en fait flipper. Je dis ça, je dis rien... le taquina-t-elle -Et pourquoi les médicaments contre le rhume alors qu'il n'avait pas de rhume? -Je suppose que le ou les meurtriers ont pris ce qui leur tombait sous la main. -Ils ont eu le temps de rentrer dans la maison, fouiller, maîtriser Martino et le tuer tout ça entre le moment où sa femme est partie à l'école et celui où elle est revenue à la maison? S'enquit Lenowe, perplexe. D'autant plus que s'ils ont pris ce qui leur tombait sous la main, ça souligne un gros manque d'organisation. -Je ne vois pas d'autre explication." Le sachet de gyoza était maintenant vide. Ils s'attaquèrent aux pâtisseries qui restaient sur la table. "Il serait dommage de les gâcher, non?" Soutint Lenowe. "Tu devais aussi m'expliquer pourquoi Elisha est venue." Il perdit son enthousiasme à dévorer les roulés à la cannelle et changea de ton. "Oui, oui... Je reviens dans dix secondes." Il se leva et partit dans la cuisine, emportant avec lui les assiettes sales et les sachets en papier vides. Ziva entendit une porte de placard s'ouvrir et un bruit de verre qui en cogne un autre. Lenowe revint avec deux verres dans une main et une bouteille de whiskey dans l'autre. "Je présume que ce que tu t'apprêtes à raconter est tellement énorme que tu as besoin d'un petit remontant ou de quelque chose pour oublier que tu m'auras parlé. -Exact" marmonna-t-il entre ses dents. Il déboucha la bouteille neuve et servit deux verres. "Elisha est venue me voir parce que notre mère a fait des conneries." Il prit une gorgée de whiskey. "Elle a agressé un voisin, et Elisha veut la faire soigner. Elle a quelques problèmes de boisson, rien de nouveau (Ziva le vit avec son verre à la main et eut un rire nerveux), mais Elisha n'a rien voulu me dire plus tôt parce qu'elle savait très bien comment je réagirais. J'en ai rien à foutre. Je ne veux plus entendre parler de ma mère. Encore moins la revoir. Je crois que c'est-ce qu'Elisha veut. Que je revienne à la maison pour lui parler. Elle l'a pardonné de trucs qu'elle nous a fait et que moi je ne lui ai certainement pas pardonnés." Il reprit une lampée et laissa le goût imprégner sa bouche avant de continuer à parler. "Notre mère ne s'occupait jamais de nous, pour faire simple. Je veux pas raconter une histoire larmoyante, ni qu'on me regarde avec pitié. Elle était jamais à la maison, elle était toujours à droite, à gauche, je sais pas trop où, mais elle était pas à la maison. Elle ne bossait pas, en plus. C'est moi, le gamin de six ans, qui me suis occupée d'Elisha. Avant sa naissance, il y avait mon père, qui s'occupait très bien de moi. Il savait ce qui se passait avec ma mère, il savait qu'elle m'ignorait complètement. Je lui en ai voulu de ne pas m'avoir pris avec lui et de s'être barré, plus tard. Peu après qu'Elisha soit née, il s'est évaporé. Ma mère m'a dit qu'il avait eu un accident de voiture, qu'il avait eu les membres arrachés, et j'en passe. C'est des conneries. Je sais pas où il est. Heureusement, sa sœur, ma tante donc, a pris soin de nous, même si elle ne voulait pas se mêler des affaires de notre mère qui considérait qu'elle était tout à fait exemplaire et qui s'en est plus d'une fois prise à sa belle-sœur parce qu'elle s'occupait de ce qui ne la regardait pas." Lenowe finit le verre d'une traite alors que Ziva avait juste entamé le sien, et s'en resservit un autre. "Je n'ai rien à voir avec elle. Tout ce qui représente son côté de la famille ne représente rien pour moi. Je ne veux rien savoir. C'est pour ça que j'ai décidé de partir loin, très loin (il écarta à nouveau les bras). Ma mère est finno-suédoise, et juste à cause d'elle, j'ai ce pays en horreur. C'est pour ça qu'Elisha et moi parlons anglais tout le temps. Mon père est... était... suédois, et quand j'en ai eu assez de ma mère et de ses conneries et que j'étais assez grand, je suis parti chez ma tante et mon oncle qui habitaient de l'autre côté du golfe de Botnie. Je me suis rendu compte que ce n'était toujours pas assez loin, après avoir envisagé de partir chez une autre partie lointaine de la famille, en Suisse, alors je suis venu ici. Mais apparemment, nulle part n'est assez loin, on dirait. J'en ai aussi profité pour barrer tout ce qui avait attrait à la famille alors que j'avais pensé, à un moment donné, que c'était ça qui comptait. 'Fin, pas pour tout le monde, visiblement. " Il avait déjà fini son deuxième verre, et Ziva était restée à l'écouter religieusement. "Merci" souffla-t-elle. Son histoire lui parut légèrement cousue de fil blanc sur les bords, et il n'expliquait toujours pas ce qu'il avait fait depuis la fin du mois de juin, mais elle n'était plus à une incohérence près. Ils se tinrent tranquilles pendant un long moment, contemplant le silence seulement dérangé par le bourdonnement du lave-vaisselle en marche dans la pièce derrière le mur. Lenowe descendit encore un ou deux verres alors que le niveau de la bouteille baissait sérieusement. Il se pencha vers Ziva, qui s'occupait les mains avec le bouchon de la bouteille de whiskey qu'elle faisait tourner entre ses doigts. "Ta chemise est mal fermée. Je vais t'aider... A la rattacher." Les boutons de sa chemise étaient parfaitement bien mis. Elle ne s'affligea pas de son flagrant manque de subtilité – la finesse et la délicatesse n'étaient pas dans ses habitudes non plus – et le laissa faire. Constatant qu'elle ne réagissait pas, il détacha un à un les boutons d'une main, en partant du bas. A mesure qu'il montait, Ziva remarqua que l'odeur entêtante de cannelle et de whiskey se faisait plus forte. Elle souriait, les sourcils froncés. "Je crois que ta ceinture aussi est mal attachée. Laisse-moi arranger ça." Elle ouvrit doucement les yeux et se retourna sur le lit. Il faisait déjà jour: l'agréable lumière orangée de l'aube avait été remplacée par la clarté aveuglante du jour, et la chaleur agressive du soleil se faisait déjà ressentir dehors. Ziva constata qu'elle n'avait pas eu une nuit de sommeil complète depuis longtemps; elle ne s'était pas réveillée alors qu'il restait à peine une heure avant qu'il soit l'heure de se lever. Le matelas de Lenowe était décidément plus confortable que le sien. Il faisait presque froid dans la chambre climatisée, et tout l'appartement était silencieux. Elle n'entendait que le bruit de sa propre respiration et le froissement des draps. Elle enfila le sweat deux fois trop grand pour elle enroulé autour de ses épaules et s'assit sur le lit. "Lenowe?" Pas de réponse. Pas un seul bruit. Ziva se leva et se dirigea vers la cuisine, seulement vêtue du sweat trop grand de Lenowe et de ses sous-vêtements dépareillés. Alors qu'elle approchait, on recula une chaise sur le carrelage. "Oh, je... -Qu'est-ce que... bondit elle en serrant contre elle le sweat qui ne descendait pas plus bas que la moitié de ses cuisses nues. C'est quoi ce bordel?" Ven 23 Sep 2016 - 16:13 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 16- Spoiler:
Ziva ne s'attendait pas à tomber nez à nez avec quelqu'un d'autre que Lenowe, surtout à une heure si matinale. Elin mit les mains en l'air et se confondit en excuses, la voyant particulièrement embarrassée. Sur l'instant, elle ne chercha même pas à se demander ce qu'il faisait là. "Pardon pardon pardon... Lenowe est parti chercher quelque chose dans sa voiture. J'ai trouvé un élément déterminant pour l'enquête, je passais juste voir si... begaya-t-il -Ça fait rien" assura-t-elle. Elle retourna dans la chambre à reculons et se rhabilla en vitesse. Elin n'était pas complètement stupide; elle ne pourrait pas lui faire croire que les oreillers du canapé étaient éparpillés dans le salon parce que Lenowe et elle avaient fait une innocente bataille de polochons avant de s'écrouler de fatigue sur le lit. La porte d'entrée s'ouvrit et Lenowe passa devant la chambre avec une caisse en carton sous le bras. Elin s'excusa à nouveau auprès de lui et Lenowe comprit en voyant Ziva, habillée cette fois, debout sur une chaise en train de chercher quelque chose dans un placard. "Que les choses soient bien claires, tu ne l'as jamais vue ici, d'accord? Lui demanda très sérieusement Lenowe. -Oui." Elin hocha la tête, gêné, et s'éclaircit la voix. "J'ai découvert tard hier soir que Mr Martino possédait un box de stockage juste à côté du magasin de bricolage. Je pense qu'il serait plus qu'intéressant d'aller y jeter un œil, d'où ma visite un peu matinale." Quand Elin avait décidé qu'il voulait quelque chose, rien n'aurait pu l'en empêcher. Et le plus tôt possible était préférable. Lenowe se frotta les yeux. "Ouais, on ira tout à l'heure, marmonna-t-il. Les deux lieutenants de police ne passèrent à leur bureau que pour récupérer d'autres collègues au passage avant de partir en direction du magasin de bricolage. Après avoir tourné autour du pâté de maison, ils trouvèrent l'entrée de l'entrepôt de stockage chez qui Andreas Martino louait un box. Lenowe, Elin et un officier en uniforme avec qui ils avaient déjà travaillé à un moment donné allèrent tout droit vers le bâtiment au toit en tôle alors que les deux autres qui les accompagnaient cherchaient le responsable des lieux afin qu'il leur donne une clé. Encore une idée d'Elin; Lenowe avait insisté pour aller chercher une clé en premier. "On cherche le 217" dit Elin. Sa voix résonna dans le hangar. Au fond, un panneau indiquait la direction à suivre. Ils déambulèrent dans des couloirs à n'en plus finir, firent demi-tour plusieurs fois, et trouvèrent finalement le box de Mr Martino. Un collègue qui avait trouvé le chemin plus rapidement leur passa la clé accrochée à un anneau sans porte-clés, et repartit. Ce fut Elin qui se chargea d'ouvrir la porte peinte en rouge qui ressemblait à toutes les autres qui longeaient le mur en enfilade. La lumière s'alluma automatiquement lorsqu'ils passèrent le seuil. Au fond, un empilement de boîtes en carton, toutes fermées. Vides ou pas, c'était à déterminer. Sur le côté gauche, les pieds d'une table dépassaient de sous une bâche verte dissimulant un objet volumineux. En face, un diable couché sur le sol en ciment poussiéreux, quelques bidons vides, et plusieurs rouleaux de papier-bulle. Lenowe rejoignit le fond de la pièce en deux enjambées et retira la bâche, en ayant pris soin d'enfiler des gants. Il se figea, ahuri. Il ne savait pas à quoi s'attendre, mais il aurait plus imaginé de banals outils de bricolage. "Qu'est-ce que c'est? Lui demanda Elin -On dirait une machine pour fabriquer des plaques d'immatriculation." Il attrapa une plaque en métal sur le dessus d'une pile et l'examina. "Des fausses, bien entendu. -Qui s'amuserait à fabriquer autant de fausses plaques? Regarde la quantité de cartons prêts à être envoyés autour de nous. -Ça explique les achats de plaques en métal chez Build It Yourself. Il aurait au moins pu prendre une carte de fidélité. -Il faut qu'on aille récupérer les caméras de surveillance. J'espère qu'il y en a, et s'il y en a, qu'elles marchent". Lenowe n'avait pas l'impression que cette entreprise faisait dans le haut de gamme et apportait un grand soin à leurs prestations; il n'aurait pas été surpris d'apprendre que la télésurveillance n'en faisait pas partie. "Je continue à fouiller, voir s'il y a autre chose. Sors et va demander aux autres de se ramener, et d'appeler une équipe compétente" dit Elin, qui avait sorti des gants en cuir de sa poche et commença à ouvrir un des cartons. A l'intérieur du box planait une odeur de renfermé, mais il y faisait relativement frais, comparé à l'air extérieur étouffant. Lenowe eut à peine fait cinq mètres vers la sortie qu'il sentait déjà son t-shirt lui coller désagréablement à la peau du dos. Il stoppa net en entendant la voix de l'officier qui les accompagnait résonner dans le couloir. "Lenowe! Elin! Venez ici, il y a un problème" Lenowe râla. Il n'avait aucune idée de la direction qu'il avait prise, et n'avait aucune idée du problème dont il était question. Il courut dans la direction inverse et croisa Elin, l'air penaud, qui regardait à droite et à gauche devant la porte du box encore ouverte. "Jimmy est parti par là. Il a vu quelqu'un qui s'est enfui lorsqu'il l'a aperçu. -Ce mec se fout de nous, ou il est sérieux? -Je vais aller le chercher, va dans l'autre sens. C'est un foutu labyrinthe ici. -Mais merde, qui viendrait ici à neuf heures du matin nous emmerder le jour où on a décidé de venir?" Lenowe grogna et revint sur ses pas. La section du couloir dans laquelle il passa était plongée dans le noir. La seule lumière qui fonctionnait encore était la loupiote verte qui indiquait la sortie de secours. Il erra dans le passage et tomba dans un cul-de sac. Il jura et s'adossa au mur, sortant son téléphone de sa poche. Pas de réseau. Il n'avait pas apprécié sa dernière chute dans les escaliers et ne tarderait pas à rendre l'âme. Lenowe reprit son calme et essaya de retrouver le chemin. Il se souvenait bien avoir passé cette porte coupe-feu avec une grande éraflure sur la peinture du battant gauche. Il lui sembla apercevoir par la lucarne une tête de l'autre côté de la porte, puis plus rien, et la lumière automatique s'éteint, signifiant qu'il n'y avait personne. Il continua à marcher vers la porte et s'immobilisa en entendant du bruit. "Elin?" Pas de réponse. Il n'avait croisé absolument personne, et jugea que rares étaient ceux qui viendraient un vendredi matin si tôt faire du rangement. Et d'après lui, l'emplacement de Mr Martino n'était même pas de ce côté. Il tendit l'oreille, attentif. Non, il était bien seul. Et il était surtout passablement irrité d'être à moitié perdu dans un entrepôt qui se transformait peu à peu en fournaise. Il essuya ses mains moites sur son jean et releva la tête. Il aurait juré avoir entendu un son bien familier. Celui du cran de sécurité d'une arme semblable à celle qu'il portait à la ceinture. Il était improbable qu'il s'agisse de quelqu'un d'autre que Elin ou Jimmy, se dit-il. "S'il te plaît, arrête tes conneries !" S'écria-t-il suffisamment fort pour être entendu. La lumière de l'autre côté de la porte se ralluma et il vit réellement par la partie vitrée de la porte une touffe de cheveux filer sur le côté pour se cacher. Cheveux qui n'appartenaient ni à Elin, ni a Jimmy. Et aucun des deux, ni aucun des autres collègues qui les accompagnaient, ne se serait amusé à faire ce genre de blagues, surtout avec lui qui n'était pas réputé au commissariat pour son sens de l'humour, mais plutôt pour son aridité. Il attendit deux minutes, statique. Il respirait de la manière la moins discrète qui soit, mais son dos et ses cheveux étaient maintenant trempés, et il sentait la sueur dégouliner sur ses sourcils. La lumière ne s'éteignit toujours pas en face. Il y avait donc quelqu'un qui activait le détecteur de mouvement de l'autre côté de la porte. Il n'avait entendu aucun box être ouvert ou fermé, et si quelqu'un était entré ou sorti, il aurait été mis au courant par le vacarme. Lenowe jeta un œil furtif par la vitre. Il ne vit rien à part le couloir et une porte donnant sur l'extérieur, verrouillée par un cadenas et une chaîne, allant à l'encontre même de la définition de "sortie de secours". Il patienta encore un peu, dissimulé dans l'angle entre le mur et la porte, et sortit son arme de son étui, la pointant devant lui, prêt à presser doucement le battant de la porte. Il se dit qu'il se sentirait particulièrement stupide lorsqu'il se rendrait compte qu'il n'y avait personne avec lui et qu'il devrait probablement cesser de céder à ses accès de paranoïa. Il allait compter jusqu'à trois et pousser la porte lorsque la porte s'ouvrit brutalement sur lui, le projetant dos au mur. Sam 22 Oct 2016 - 11:33 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 17
- Spoiler:
Lenowe avait le vague souvenir d'avoir vu l'officier Jimmy Hayes penché au-dessus de lui, répétant "Je suis désolé, désolé, désolé" et d'avoir été conduit jusqu'à la sortie par un autre officier qu'il n'avait jamais vu. La lumière éblouissante lui fit retrouver ses esprits. Il se rendit compte en passant le dos de sa main sur son visage qu'il saignait copieusement du nez et qu'il sentait pouls sur le haut de sa joue gauche. Lenowe constata avec étonnement qu'une autre voiture de patrouille, un fourgon et une ambulance s'étaient ajoutés au véhicules sur le parking. Un ambulancier l'examina malgré ses protestations, lui recommanda à deux reprises de ne pas trop s'agiter et de rester au calme pendant un petit moment, et le laissa avec un pain de glace qui n'allait pas être efficace très longtemps compte tenu de la température extérieure. L'officier Jimmy Hayes s'approcha de lui. "J'ai cru que tu étais ce mec qui s'est enfui dans le couloir en me voyant tourner autour du box de Martino. Je suis sincèrement désolé de t'avoir foutu un coup de porte. Je... -Ça arrive, Jimmy" dit Lenowe. Il prit sur lui se retint de lui faire savoir ce qu'il pensait réellement en l'insultant. "Où est-il passé? -Il s'est taillé, avoua Jimmy." Lenowe ne répondit pas et retourna le pain de glace sur son visage. Une femme fluette vêtue d'un jean et d'une chemise à carreaux marcha vers l'ambulance à petits pas quand Jimmy se fut éloigné pour parler au capitaine. "Bravo, lui dit-elle. -Qu'est-ce que tu fais ici, Ziva? Lui demanda-t-il sans la regarder. -Elin a trouvé quelque chose dans un carton. Des yeux, dans un bocal. Je dois aller voir s'il y en a d'autres, et les ramener pour voir combien il y en a. -Ah, je vois. Il fronça les sourcils. -Ça fait mal, hein, dit-elle avec un sourire narquois. Lenowe fut peu amusé par sa remarque. Elle le regarda d'un air navré et partit chercher une combinaison et des gants dans la camionnette garée derrière. Elle passa un peu plus d'une heure à déballer les cartons, assistée par un autre technicien un peu trop bavard à son goût, qu'elle laissa parler sans l'écouter. Ils alignèrent au total quatre vieux bocaux à conserve, relativement petits, contenantchacun une paire d'yeux, qui avaient été conservés avec soin; il était donc impossible de dire à vue d'œil depuis quand ils étaient là. Les autres caisses ne contenaient que des fausses plaques d'immatriculation de Louisiane et d'autres états voisins uniquement. Ils ne les avaient pas comptées, mais il devait très certainement y en avoir plus de deux cent. Une fois que toutes les boîtes eurent été ouvertes et que Ziva eut vérifié qu'il n'y avait pas d'autres restes humains ici, elle laissa ses collègues tout sortir et emmener jusqu'au camion. Sur le parking, Lenowe se disputait vivement avec Elin et le chef de la police du comté de Twinbrook qui lui avaient gentiment proposé de rentrer chez lui. Il était parti en titubant vers sa voiture, et Elin l'avait attrapé par le col pour l'empêcher de conduire. "Eh, tu t'es pris un sacré coup à la tête. C'est pas du tout une bonne idée de conduire. -J'ai connu pire. Laisse-moi, Elin ! Brailla-t-il -Non, certainement pas. Descends de là, je te ramène chez toi." Elin fut désespéré par l'obstination de son collègue, qui finit par accepter de le laisser prendre le volant, mais qui insista pour retourner au bureau. Les quatre bocaux découverts dans le box ainsi que la cinquième paire appartenant à Andreas Martino étaient disposés côte à côte sur la paillasse de la morgue. Le docteur Barrows avait chargé Ziva de les examiner pendant que lui rédigeait le rapport sur leur autre invité de la semaine, le noyé: ils en avaient tiré la conclusion qu'il était tombé dans le canal après une soirée un peu trop arrosée. Ils avaient repêché un portefeuille dans les berges qui avaient permis de l'identifier. C'était un étudiant en dernière année à l'université de Twinbrook, qui recevait des notes plutôt passables mais acceptables, et un type qui ne faisait pas parler de lui aux dires de ses camarades. Le genre de tragédie qui n'avait rien d'exceptionnel ici. Ses parents pourraient venir le récupérer très bientôt. Ziva ne se pencha sur les quatre paires d'yeux qu'après la pause déjeuner. Elle avait croisé Salomée qui avait eu vent de la mésaventure de Lenowe, et lui avait dit en toute sincérité qu'il avait une part de responsabilité et qu'il ferait bien de réfléchir avant d'agir afin d'éviter que cela ne se reproduise. Et elle avait mis fin à la conversation en allant mettre son assiette vide au lave-vaisselle et en redescendant au sous-sol. L'assistante du médecin légiste ne put en apprendre beaucoup sur les yeux du bocal numéro un. Elle fit quelques prélèvements qu'elle ferait déposer au laboratoire. Cependant, elle remarqua qu'un des yeux qui flottaient dans le bocal numéro deux était un œil de verre. Ziva jugea qu'il y avait suffisamment peu de gens qui portaient ce genre de prothèses pour que retrouver son propriétaire ne soit pas une tâche trop difficile. A cinq heures et demie, elle remarqua que la blouse du docteur Barrows était accrochée au portemanteau et que l'ordinateur du bureau était éteint. Elle remis les yeux dans leur bocaux, les referma, puis se prépara à rentrer chez elle. Au milieu du chemin, elle reçut un message de Lenowe lui rappelant leur concert de ce soir. Il était tout de même déterminé à y aller malgré les recommandations qu'on lui avait faites de rester tranquille. Il lui restait une heure avant qu'il ne passe la chercher, juste le temps qu'il lui fallait pour rentrer et prendre une douche. Jana et son groupe les attendraient dans un bar à deux pas de la salle de concert, en centre-ville. Ziva vivait dans cette ville depuis presque quatre ans, mais elle aurait été tout à fait incapable d'y aller sans vérifier un plan avant. Elle sortait à peine de la salle de bains qu'elle entendit l'interphone. Lenowe n'avait pas l'intention de monter, mais plutôt d'attendre dans la voiture, garé devant la porte, devant le panneau "Parking interdit". Il était en train de tourner les boutons de l'autoradio quand elle ouvrit la portière et s'installa. "Oh, encore toi" ironisa-t-il. Il jeta un œil dans le rétroviseur et s'engagea sur la route. Il avait le visage tourné vers la fenêtre mais elle devinait son œil gauche boursouflé et sa joue d'un bleu violacé. Si cela n'avait tenu que d'elle, elle l'aurait emmené de force voir un médecin. Mais même s'il s'était coupé une phalange en épluchant des légumes, il aurait persisté à dire que tout allait bien. La radio ne captait plus rien et n'émettait qu'un bruit de friture. Il appuya impulsivement sur le bouton OFF. "Tu as écouté la chanson que je t'ai envoyé?" Demanda Lenowe -J'ai écouté l'album entier. -Et ?" Elle rassembla ses pensées un moment. "Quelques riffs accrocheurs, Jana se démerde pas mal du tout. Il n'y a que quelques chansons dans le lot qui se démarquent réellement. Solos assez modestes mais qui tiennent la route et qui ont le mérite de ne pas être pompeux – leur guitariste tient quelque chose. Par contre, la basse manque clairement d'inventivité et il n'y a rien de plus que deux accords balancés par-ci par-là. Les rythmiques sont trop répétitives et n'exploitent pas assez les compétences de leur batteur qui a pourtant l'air de bien cacher son jeu." Il n'attendait pas d'elle qu'elle se lance dans une analyse détaillée et la stoppa avant qu'elle ne continue. Un simple "Ouais, pas mal du tout" ou juste "C'est pas mon truc" lui auraient amplement suffi et il ignorait qu'elle était si calée sur le sujet; à vrai dire, il lui avait toujours semblé que Ziva ne portait pas un grand intérêt à la musique en général, mais il l'avait parfois surprise fredonnant le refrain aux paroles peu élégantes de la chanson qu'il écoutait sur le moment et que d'autres non-initiés auraient considéré comme une véritable agression auditive. Un discret sourire de satisfaction se dessina sur son visage meurtri. Après avoir redémarré au feu vert, Lenowe prit une rue à droite et se gara sur le côté d'un gros cube en béton, derrière deux camionnettes noires qui portaient des plaques d'un autre état. Juste en face, une pancarte indiquait un bar-restaurant qui se targuait d'élaborer les meilleures hamburgers de la ville. Ziva en déduisit à la longue file d'attente devant le bâtiment gris qu'il s'agissait de la salle de concert. Lenowe sourit à nouveau en apercevant le défilé de vestes en cuir et de longues tignasses et rentra dans le restaurant sans trop regarder devant lui. Une grande femme aux cheveux châtain méchés de blanc coupés au carré s'avança à grandes enjambées vers eux. Elle s'arrêta net devant Lenowe et le dévisagea. "Qu'est-ce qu'il t'est arrivé? Lui demanda Jana -Je me suis pris une porte. Fin de l'histoire. -Ouch... Venez, on est assis au fond." Elle salua chaleureusement Ziva et les invita à la suivre jusqu'au fond du restaurant bondé. Le délicieux arôme des épices et de la viande grillée flottait dans l'air. Les trois autres membres du groupe installés sur les fauteuils du fond avaient déjà attaqué leur pinte de bière, mais n'avaient pas touché aux nachos et aux ailes de poulet qui trônaient sur la table. "Je vous présente Ziva et Lenowe, nos deux special guests de ce soir." Ils se firent tous les quatre un grand plaisir à les accueillir, et Jana les fit s'asseoir. Elle les consulta rapidement et demanda au serveur deux bières supplémentaires. "Ils sont déjà au courant de qui vous êtes" assura Jana en riant. Elle fit le tour de la tablée. "Je ne vous présente pas Blackie, ricana-t-elle. Au bout, il y a Hauni, guitariste, et juste à ma droite, Daven, batteur." Elle s'adressa maintenant à Lenowe. "Je pense que vous deux avez plus d'une chose en commun. C'est même certain." L'abondante chevelure dorée du batteur était plus longue que celle de tous les autres membres du groupe, même féminins, et aurait fait plus d'une jalouse. Ses yeux et ses pommettes marquées rendaient vaine toute tentative de renier ses origines. Il adressa un grand sourire à Lenowe et lui tendit la main. "Je suis très content de rencontrer mon prédécesseur dont Jana m'a raconté tant de bien -Je suis également content de rencontrer mon successeur que Jana a plutôt bien choisi" dit-il en regardant sa vieille amie d'un œil complice. Daven eut l'oreille assez aiguisée pour discerner son accent. "Svensk?" Lui demanda-t-il Lenowe eut l'air surpris. "Finnsvensk -Åh. Mycket intressant." Blackie ne put s'empêcher d'interrompre soudainement la conversation en demandant à Lenowe pourquoi la moitié de son visage avait doublé de volume. Il lui raconta rapidement l'histoire de la porte et répondit à une question de Jana. Hauni, assis dans son coin, avait commencé à dévorer les nachos au fromage un par un et n'avait guère dit un seul mot, la tête baissée et ses cheveux lui tombant devant les yeux. Il était visiblement très intéressé par l'étiquette de sa bouteille de bière qu'il essayait de décoller avec un ongle cassé. Ziva, assise à côté, remarqua les os tatoués sur ses mains, dont la couleur s'estompait légèrement, et qui n'étaient pas vraiment anatomiquement corrects. Les discussions mêlées allaient de bon train – seulement interrompues à un moment lorsque Blackie eut la fantastique idée de voir quelle quantité de sauce au piment habanero elle pouvait mettre sur une aile de poulet, puis qu'elle s'étouffa et devint écarlate. Jana était bien trop curieuse pour ne pas demander à Lenowe ce sur quoi il travaillait en ce moment. Elle fut émerveillée par l'histoire des yeux au plat, et plaisanta en disant que ce serait une super idée de chanson. Daven n'avait pas cru Ziva lorsqu'elle lui avait annoncé qu'elle était médecin légiste, mais il trouvait cela sincèrement intéressant. Hauni avait cessé de dévorer les nachos, dégoûté, et il l'avait gentiment suppliée de parler d'autre chose. Le batteur parlait trop vite et les bruits de fond la dérangeaient, ce qui fit qu'elle ne comprit pas tout ce qu'il lui disait, mais il lui parut très charmant. Ensuite, Blackie fit (à nouveau) dévier la conversation en demandant à Ziva son secret pour empêcher que la couleur de ses cheveux ne ternisse. Elle fut très embarrassée et esquissa un début de réponse très vague, mais la sonnerie du téléphone de Jana la sauva. La chanteuse avait passé la soirée à regarder discrètement son téléphone, au cas où un membre de leur équipe aurait essayé de la contacter. Elle ordonna à Blackie de se taire immédiatement et lui chuchota un mot avant de répondre. "Je t'écoute, Yuri." A sa voix, son interlocuteur semblait préoccupé. Un masque tomba sur le visage de Jana qui perdit immédiatement son sourire. "Quoi? C'est quoi ces conneries? Yuri, qu'est-ce qui est arrivé?" Jana resta au téléphone encore quelques minutes, puis le reposa, l'écran face à la table. Elle parla à voix basse. "Un des techniciens du groupe qui devait faire la première partie a été retrouvé mort sur la scène. Le concert est annulé, et la police est en chemin. Yuri veut qu'on aille le rejoindre tout de suite. Il y eut un moment de confusion. Chacun regardait son voisin, incertain d'avoir bien compris ou non. Lenowe rompit le silence. "Comment ça? -Je suppose que tu vas venir avec nous." Jana soupira et jura. Ils sortirent sans un mot du restaurant après avoir payé - et après que Hauni et Blackie aient avalé cul sec le fond de leur verre. En face, devant la sortie de secours du cube en béton, deux hommes vêtus d'un t-shirt "Band crew" discutaient, l'air grave. Jana partit devant, traversant la rue sans regarder, et marcha vers eux. Ziva et Lenowe étaient restés sur le trottoir, entre la terrasse du restaurant et le bitume. Elle allait lui demander s'il comptait rester immobile ici ou agir lorsque son téléphone sonna. Un numéro qu'elle n'avait pas enregistré s'afficha sur l'écran. "Bonsoir Ziva, dit une voix masculine qui était celle d'un autre employé de la morgue. Le docteur Barrows est déjà parti en week-end, donc je t'appelle parce qu'il y a du boulot au 734 Birch Avenue, à l'intersection de la 3eme avenue." Elle leva la tête et chercha le panneau indiquant la rue. "Adrian, je suis juste en face. Je présume que tu vas toi aussi te déplacer, alors récupère ma boîte sur l'étagère derrière le bureau et on se voit tout de suite -Pas de problème". Le technicien ne lui posa pas plus de questions et raccrocha. Une longue dizaine de minutes plus tard, deux voitures de police se garèrent juste derrière la voiture de Lenowe, sur des places normalement réservées aux pompiers. Quant à lui, personne ne l'avait appelé. Il reconnut les deux officiers qui sortirent de la voiture et leur fit signe. Il leur expliqua rapidement qu'il était dans le restaurant d'en face avec le groupe qui était censé jouer lorsque la chanteuse de celui-ci avait reçu un coup de fil. Ils plaisantèrent en lui disant que ce n'était décidément pas son jour et reprirent leur sérieux. "Le pyrotechnicien ou quelque chose comme ça a été retrouvé mort. Sérieusement brûlé. Personne n'a rien vu, les seules autres techniciens présents étaient dans la régie ou dans la pièce où ils rangent les instruments. Enfin bref." Le collègue que Lenowe reconnut comme celui prenant sa relève le lundi et le jeudi les emmena tous les deux vers la scène en passant par les coulisses. Jana et Blackie parlaient avec leur manager et à l'autre bout du couloir, quatre autres hommes quasi identiques habillés en noir de la tête aux pieds et les bras couverts de tatouages, des vestes en jean râpées et sans manches sur le dos, écoutaient un officier en uniforme qui les maintenait à distance de la porte menant à la scène. "C'est l'autre groupe, pour lequel la victime travaillait" indiqua le collègue lorsqu'ils passèrent devant eux et se faufilèrent derrière la porte. Une partie de la salle était allumée, mais la scène était plongée dans le noir. "Désolé pour l'inconvenance, apparemment il y a eu un problème électrique et il n'y a plus de lumière ici." leur dit un policier en costume-cravate mal taillé. Ziva reconnut Adrian qui attendait, une mallette en gros plastique dans chaque main. Elle le débarrassa et se baissa pour analyser la situation. Quelqu'un avait déjà dissimulé le corps sous un drap, mais elle sentait l'odeur pesante de chair calcinée et de fumée. Éparpillés juste à côté se trouvaient une petite sacoche en toile noire et une télécommande à moitié fondue dont les piles avaient roulé à deux mètres de là suite à la chute. L'homme devait la tenir dans sa main. "John Moore, trente-quatre ans, pyrotechnicien pour le groupe Brainfreeze depuis cinq ans. Est originaire de l'Ohio." Lenowe la surprit en surgissant derrière elle, avant de repartir s'intéresser aux personnes présentes dans la salle au moment de la mort du technicien, notamment au backliner qui avait vidé un extincteur sur John Moore lorsqu'il l'avait vu se débattre, en flammes. Ziva enfila une blouse, un masque et des gants et entama la procédure habituelle, avec des gestes purement mécaniques. Jeu 10 Nov 2016 - 17:57 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 18- Spoiler:
Jana, assise sur l'un des sièges en plastique blancs de la salle, héla Lenowe qui passa devant elle sans prêter attention à son amie, ni même prendre conscience de sa présence. "Je suis désolé, Jana. -Je suis surtout désolée pour Brainfreeze. On est un peu de la même famille, ce genre de trucs aurait très bien pu nous arriver. Ils vont continuer la tournée avec nous, on leur prêtera un des gars de notre équipe... -… si ce n'est pas un des mecs de Brainfreeze ou un de vos techniciens qui a fait le coup. C'est sans doute un bête et malencontreux accident, mais on ne sait jamais, Jana." Elle acquiesça. "C'est peut-être le mauvais moment, mais je voudrais juste passer un peu de temps avec toi, sans aucune pression, ni rien. Que dirais-tu de revenir demain, même heure, même restaurant, avec Ziva? Juste pour prendre un verre, discuter, comme on l'a pas fait depuis trop longtemps." Il se dit que Jana devait certainement lire dans ses pensées, et accepta. Il lui donna une tape amicale sur l'épaule et retourna au travail. Le samedi matin, Ziva était seule à la morgue. Le docteur Barrows était en week-end, rendant la journée légèrement plus supportable, et les deux autres employés étaient partis faire des radios de leur nouvel invité, John Moore. Elle resta assise de longues heures à examiner méticuleusement les yeux récupérés dans le box; le numéro de série sur l'œil en verre n'avait rien donné, et tout semblait indiquer que son propriétaire avait été d'origine étrangère. Elle remarqua après avoir fixé un peu trop longtemps les globes oculaires visqueux qu'il y avait de petites particules sur certains d'entre eux, mais déterminer ce dont il s'agissait n'était pas de son ressort. Ziva prit un échantillon et le laissa bien en évidence, là où elle le verrait et se rappellerait de l'apporter au laboratoire, qui l'avait appelée en début de matinée pour lui apprendre que le liquide qui contenait les yeux n'avait rien d'intéressant, à part qu'il avait pu détériorer des éléments essentiels à l'identification des yeux et de leurs propriétaires. Quand le corps de John Moore revint à la morgue, elle laissa les bocaux de côté et se pencha sur la nouvelle affaire. Tout indiquait qu'il s'agissait d'un accident, résultant d'une mauvaise manipulation; cependant, le corps était dans un très mauvais état, et s'il se trouvait qu'il avait été assassiné, ce serait presque impossible à démontrer. Certaines fractures bien évidentes sur les radios auraient pu être provoquées par le feu comme par les coups d'un meurtrier. A six heures moins dix de l'après-midi, elle avait envoyé tous les prélèvements au laboratoire et terminé un bilan préliminaire. Elle rangea tout à sa place, salua la collègue qu'elle croisa dans le couloir en partant, monta récupérer sa voiture au parking et partit directement en direction du Old Spice Burger & Tex Mex Restaurant sur Birch Avenue. Lenowe l'avait prévenue qu'il serait en retard, mais qu'il avait prévenu Jana et ferait tout son possible pour ne pas arriver trop tard. En d'autres termes: il allait arriver très en retard. Le restaurant était bizarrement moins rempli que la veille, et Ziva n'eut aucun mal à repérer Jana, assise à deux tables de là où elle se trouvait le soir d'avant, une boisson d'un vert presque fluorescent devant elle. Elle faisait tourner la feuille de menthe qui flottait avec une rondelle de citron vert, mais autrement, elle ne l'avait pas encore entamé. Jana ne sembla pas remarquer Ziva qui tira le lourd siège en cuir et s'assit. "Tu m'as fait peur! Sursauta-t-elle." Malgré ses airs de dure à cuire, Jana il n'en fallait apparemment pas beaucoup pour l'effrayer. "Comment ça va? Je t'offre quelque chose, ou tu préfères attendre Lenowe? -On ne va pas rester à se tourner les pouces et à lorgner sur ce verre en l'attendant. Qu'est-ce qu'il y a dedans? Demanda Ziva, intriguée. -Je ne sais pas trop. Du cactus, je crois. -Va pour le cactus alors." Jana en commanda un autre, ainsi qu'une assiette de frites et d'un hamburger avec petit pain au sésame, oignons rouges, cornichons aigre-doux et sauce au piment. Ziva ne prit rien. "J'ai assez parlé de moi hier, dit Jana après avoir pioché deux frites dans l'assiette. Alors je te laisse parler un peu. Tout va comme tu veux?" Jana avait l'avantage de n'être qu'une bonne connaissance qu'elle ne reverrait sûrement pas de sitôt, et Ziva se dit que peu lui importait ce qu'elle pourrait lui dire; Jana écouterait, commenterait, puis passerait à autre chose, et si elle émettait un quelconque jugement, elle ne resterait pas dans son entourage pour le lui communiquer. Mais Ziva se refusait de montrer ses faiblesses ou ses préoccupations les plus personnelles. "Deux trois choses que je préfèrerais qu'elles soient autrement. Mais sinon, je n'ai pas vraiment de quoi me plaindre -Comment se porte Lenowe ? Je pourrais lui poser la question moi-même, mais il ne me répondrait pas, marmonna Jana -Tu sais comme moi qu'il est toujours dans le même état d'indifférence, et que ce soit lui arracher un sourire ou le mettre en rogne à un tel point qu'il explose, c'est particulièrement difficile." Jana se mit à rire, parfaitement d'accord. Elle était très étonnée de voir son ami rester avec la même femme pendant si longtemps. D'habitude, l'un ou l'autre, généralement lui, finissait par en avoir plus que marre et foutre l'autre à la porte. Jana en déduisit que soit Ziva était extrêmement patiente, soit elle avait réussi à un moment à lui tenir tête. "J'ai eu très envie de le frapper la première fois que je l'ai vu, avoua Jana. -Oh, moi aussi." Jana ne put s'empêcher de rire et reposa son verre avant de le renverser. "Tu dois vraiment lui trouver quelque chose de spécial" observa Jana. Ziva ne put la contredire. Il n'était pas spécialement attentionné, ni amène, mais plutôt distant et renfrogné, à l'inverse de la plupart des gens qu'elle connaissait ici, qu'elle trouvait carrément trop enjoués et bruyants. Lenowe n'excellait pas dans son travail, qu'il ne faisait vraisemblablement pas par vocation contrairement à la plupart de ses collègues qui avaient pour ambition de protéger et servir leurs concitoyens; en ce qui le concernait, il était parfois compliqué de savoir s'il en avait toujours quelque chose à faire. Il était incontestablement doté d'une grande intelligence, mais avait l'humilité de ne pas nier son ignorance quand il ne savait simplement pas. Derrière son ton parfois involontairement cassant et hautain se cachait un homme sans haute estime de lui-même. Il n'y avait pas grand-chose à trouver chez lui qu'un chercherait habituellement, et il n'était même pas la peine d'espérer le faire changer pour le meilleur. Il était par-dessus tout têtu comme une mule. "Je t'en prie, pique-moi des frites si tu veux, je te vois bien loucher sur mon assiette" lui chuchota Jana. Ziva ne refusa pas l'offre si gentiment faite. Lenowe finit par arriver une vingtaine de minutes après l'heure prévue et s'installa sur la chaise libre sans plus attendre. "Je vois que vous en avez profité en mon absence. -Fallait être à l'heure" plaisanta Jana. Lorsqu'ils sortirent du restaurant, il faisait presque nuit noire, mais les rues étaient encore illuminées et agitées par un tumulte de passants euphoriques qui allaient le cœur léger, défilant sur les trottoirs encombrés par les tables des terrasses. La soirée ne faisait que commencer, mais alors que Lenowe et Ziva souhaitaient un bon voyage à Jana, ils décidèrent de rentrer chacun de leur côté et d'aller directement se coucher. Le lendemain matin, en arrivant à son bureau, l'air las et exténué, Lenowe trouva Elin discutant énergiquement avec Thinlay, assis sur le rebord de son bureau. Ils levèrent tous les deux la tête lorsqu'il passa la porte. "J'ai trouvé quelque chose hier soir, annonça Thinlay. La société qui loue les box n'a pas de caméras. Enfin elle en avait, mais elles sont hors-service. Par contre, j'ai réussi à récupérer les images d'une caméra provenant de l'entreprise de réparation de bateaux juste derrière. On y voit un homme qui essaie de... -Ce serait plus simple si tu nous les montrais, ces images, dit Lenowe -Tu permets?" Demanda Thinlay en désignant l'ordinateur allumé sur le bureau d'Elin et en se tournant vers ce dernier. Il fouilla dans des dossiers et leur montra la vidéo en question. On n'y voyait qu'un morceau de trottoir, un grillage rouillé et le pied d'un lampadaire. La seule animation provint d'un sac en papier qui s'envola et atterrit un peu plus loin. Thinlay appuya sur une touche du clavier et passa le film en avance rapide, puis l'arrêta d'un coup. "Là. Tu vois, ce type qui court et essaie d'escalader le grillage? Il à l'air d'avoir quelque chose à se reprocher, et il ne me semble pas avoir lu quelque chose à propos d'un autre incident dans ce coin-là et ce jour-là précisément." Le technicien pointa du doigt un homme de stature moyenne, les cheveux noirs et en bataille, vêtu d'un jean et d'un t-shirt. Cela aurait pu être à peu près n'importe qui. Lenowe regretta le manque de précision. "Je n'ai absolument rien d'autre, protesta Thinlay. -Merci quand même" sourit Elin. Aussi surprenant et inattendu que cela aurait pu paraître étant donné son habituelle lenteur à se mettre au travail, Elin trouva dans la journée le signalement d'un homme qui aurait vaguement pu correspondre à celui qu'ils recherchaient, bien qu'il y ait une certaine probabilité que celui-ci n'ait rien à voir avec leur enquête, ni avec leur arracheur d'yeux. Il avait notamment trouvé une adresse, correspondant à une vieille baraque en périphérie de la ville, et un compte sur les réseaux sociaux mentionnant une fête le soir même. Lenowe venait tout juste de partir lorsqu'il fit la découverte, alors il l'appela immédiatement. Il était aux alentours de dix-neuf heures, et Lenowe avait décidé de passer par chez Ziva avant de rentrer pour lui rendre un de ses bracelets qu'elle avait oublié. Il promit à Elin de faire au plus vite sur un ton peu enthousiaste, et raccrocha. "Elin vient de trouver quelque chose. Il veut que j'y retourne pour voir avec les autres ce qu'on peut faire. Ça peut pas attendre demain, apparemment, souffla Lenowe -Fais ce que tu as à faire" lui lança Ziva depuis le canapé, les yeux rivés sur l'écran de son ordinateur portable qui n'affichait rien d'autre que son fond d'écran. Elle avait en main la dernière lettre de la pile de courrier du jour, mais appréhendait de l'ouvrir. Elle avait une vague idée de ce qu'elle contenait, visualisa la feuille à en-tête pliée à l'intérieur, et même si elle brûlait d'impatience de retirer le morceau de scotch qui maintenait la grosse enveloppe blanche fermée, elle ne savait pas si elle voulait réellement savoir. Ziva jeta un œil à Lenowe qui rangeait quelque chose dans un placard. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il cherchait, mais au moins, il était occupé à quelque chose et ne la voyait pas paniquer à cause d'un maudit morceau de papier. Elle prit une profonde inspiration et retira le ruban adhésif d'un coup sec. Puis Lenowe se retourna et lui dit qu'il devait filer. Il lui souhaita une bonne soirée et partit en coup de vent. Elle soupira de soulagement après qu'il ait fermé la porte et se décida à sortir la feuille de l'enveloppe. Elle passa les formules d'introduction d'usage et lit en diagonale le petit paragraphe qui remplissait à peine un tiers de la feuille, puis relit le tout plus attentivement pour en être bien sûre. Elle s'y attendait plus ou moins, savait que l'éventualité était plus que probable, que c'était mûrement réfléchi, mais soudain, elle ne sut plus si c'était ce qu'elle voulait réellement. Elle ne pouvait plus esquiver, maintenant. Ziva reposa d'une main tremblante la lettre sur le clavier de son ordinateur et reprit son téléphone qui avait glissé entre les oreillers du canapé. Salomée répondit presque immédiatement. "Tu veux venir chez moi ce soir? C'est moi qui fait à manger. -Si c'est toi qui cuisine, je ne viens pas. -Salomée. -Non, je déconne. J'arrive dans une demi-heure." Ziva oublia temporairement la lettre et mit une casserole d'eau à bouillir. Elle jeta une escalope de dinde coupée en dés dans une poêle avec des poivrons, des oignons et une dose monstrueuse de flocons de piment, puis versa le riz dans l'eau bouillante sans vérifier la quantité exacte. Elle s'éloigna de la cuisine un moment et revint seulement pour mettre la viande sur des piques à brochette et mélanger le riz trop cuit et les légumes dans la poêle. Elle rajouta une couche d'épices, mélangea et remit un couvercle en attendant Salomée, qui se faisait attendre. Celle-ci se présenta à la porte alors que Ziva sortait des assiettes du placard. La grande femme aux cheveux violets eut l'air réjouie en humant dans l'air l'odeur douce des épices. "Si c'est aussi bon que ça en à l'air, j'ai peut-être été un peu mauvaise langue" fit Salomée en posant son sac dans l'entrée. "C'est une occasion particulière pour que tu m'invites subitement à manger? -Oui" avoua Ziva d'une voix molle. Elle saisit la lettre sur la table basse et l'agita devant son amie, qui la déplia et la lut. "C'est génial! S'écria Salomée en la prenant dans ses bras. -Oui, génial. -C'est pas ce que tu veux? -Je croyais, mais j'hésite maintenant, murmura Ziva -Assieds-toi, ça passera mieux avec..." Salomée pointa du doigt la casserole "Qu'est-ce que tu as préparé? -Des brochettes de dinde au piment et du riz aux poivrons. -Oh! Ça tombe bien, j'avais faim." Salomée se laissa tomber sur la chaise et laissa Ziva les servir toutes les deux. Elles passaient directement aux choses sérieuses. L'hôte laissa son invitée goûter en approuver. "Qu'est-ce qui te gêne, en fait? C'est ce que tu veux, je le sais. Pourquoi tu te débinerais alors que c'est la seule chose que tu attendais? -Parce que c'est loin d'être facile, que tout va radicalement changer pour moi, et que même si je ne supporte plus l'état actuel des choses, je ne sais pas si ça sera mieux." Ziva prit une brochette et dépouilla le bâton en bois de sa garniture d'une seule bouchée. La viande était trop sèche et les poivrons avaient un léger arrière-goût de brûlé. "Je suis dos au mur. Je n'ai pas le choix. Mais j'ai peur de le regretter quoi que je fasse. -Non, tu ne le regretteras pas." Salomée voyait dans le regard de son ami que là n'était pas le principal problème. "Lenowe est au courant? -Non, répondit-elle de manière incisive. Je viens juste de la recevoir et je cherche comment faire pour éviter de lui balancer à la figure." Elle ne se rappelait même pas déjà avoir abordé sérieusement le sujet. Cela tenait trop de la spéculation que d'une réelle possibilité, alors elle s'était tue. "Je ne peux pas t'aider pour ça, Ziva." lui dit Salomée, la bouche pleine. "Mais il va bien falloir que tu te décides". Mer 23 Nov 2016 - 21:15 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 19- Spoiler:
Le dimanche, il s'était mis à pleuvoir dru dès le matin, mais la moiteur ambiante et tenace qui collait à la peau, étouffante, et aspirant toute forme d'énergie ou de motivation ne s'était pas envolée avec la pluie, mais la faisait plutôt s'abattre au sol. Peu importe la météo, Lenowe et Elin, accompagnées d'une équipe d'intervention qui n'aurait qu'à rester sagement à l'écart et se manifester seulement si leur suspect refusait d'obtempérer, prirent la route en direction de chez Guiren Li, l'homme aperçu par Thinlay sur les vidéos de surveillance. Comme prévu, il occupait un taudis décrépi et dans un sale état général un peu à l'écart de la ville, à l'entrée d'un petit bois. La voiture garée devant la maison ne semblait pas vraiment en état de rouler, et seules les poubelles pleines indiquaient que le lieu était habité. En s'avançant sous le porche, Elin remarqua que la baraque était divisée en deux habitations distinctes. L'une des deux portes était condamnée, alors il n'eut pas de mal à en déduire que c'était l'autre qui les intéressait. "Guiren Li?" Brailla Lenowe de derrière la porte. Le dossier de leur suspect les avait informés qu'il avait déjà été interpellé pour diverses raisons par le passé, et que pas grand-chose indiquait qu'il serait forcément enclin à négocier, ni à s'exécuter aux ordres de la police. Il n'obtint comme réponse qu'un bruit lourd, comme si quelqu'un se relevait précipitamment d'une chaise et se remettait debout, prêt à filer. Elin tenta de baisser le bras de Lenowe lorsque ce dernier sortit son arme de son étui et la pointa vers la porte. "Guiren Li, police, ouvrez cette porte immédiatement!". Toujours pas de réponse, ni de nouveau mouvement à l'intérieur. Les regards de Lenowe et Elin se croisèrent, et ils décidèrent d'une solution. Maison occupée ou non, ils allaient entrer, et Guiren Li n'avait de toute manière aucune chance de leur filer entre les pattes: Lenowe avait observé qu'il n'y avait qu'une porte et que toutes les fenêtres étaient barrées. Rien n'indiquait qu'il y avait un sous-sol avec une ouverture sur l'extérieur. Ils firent signe leur collègues de venir forcer la porte, et se précipitèrent à l'intérieur, toutes armes dehors. Leur suspect cherchait désespérément quelque chose dans le tiroir d'une commode branlante au fond de la pièce qui servait également de salon, de salle à manger et de cuisine. Peut-être même de chambre. Des emballages de nourriture à emporter vides traînaient par terre, sur un tapis seulement bon à brûler, et quelques frites avaient été oubliées sur la table, à côté du cendrier dont le contenu avait été renversé et que Guiren Li n'avait pas pris la peine de nettoyer, comme à peu près tout le reste du logement. Celui-ci se retourna, l'air hagard, et se tourna vers la fenêtre, espérant peut-être pouvoir l'ouvrir. Lenowe s'approcha de lui à grandes enjambées et l'attrapa par l'épaule, et avant qu'il ait eu le temps de réaliser ce qui lui arrivait, le suspect se retrouva assis par terre. "Guiren Li, vous êtes en état d'arrestation et... -Quoi? Pourquoi? Qu'est-ce que j'ai encore fait? Protesta-t-il -Par quoi je commence ? Lui demanda Lenowe en le remettant debout et en lui passant les menottes aux poignets. On aura tout le temps de s'expliquer plus tard, si c'est ce qui vous inquiète." Mr Li monta docilement en voiture et ne dit pas un mot de tout le trajet. Il ne cessa pas de pétrir littéralement son épaule endolorie par laquelle Lenowe l'avait empoigné avant de le mettre par terre. Puis ce dernier l'avait laissé poireauter un moment seul en salle d'interrogatoire pendant qu'il se mettait au courant des avancées de l'enquête concernant la mort du pyrotechnicien, dont il n'avait pas la charge. Lenowe fut surpris de croiser Salomée au détour d'un couloir un dimanche après-midi, qui lui demanda s'il avait vu Ziva aujourd'hui. Non, il ne lui avait pas parlé depuis un jour ou deux, et non, il ne savait pas si elle était supposée travailler aujourd'hui non plus. L'officier Hayes l'attendait patiemment devant la porte de la salle d'interrogatoire en jouant avec les boutons de sa manche. Son regard s'attarda un peu sur le côté gauche du visage de Lenowe qui était passé de violet cramoisi à une teinte de vert bleuâtre indescriptible. Leur suspect ne tourna même pas la tête lorsqu'ils rentrèrent tous les deux dans la pièce. "L'avocat de Mr Li n'arrivera pas avant un moment" dit l'officier Hayes à voix basse. Lenowe ne répondit pas et se plaça debout face à Guiren Li. Il ouvrit la bouche pour commencer son discours habituel, mais le suspect parla avant lui. "Je vois à peu près pourquoi je suis là, on m'a expliqué en cours de route. Mais je vous jure, j'ai rien à voir avec ce box de mes deux. -On recommence depuis le début. Vendredi matin, on vous a vu près de l'entrepôt tentant de vous enfuir. Comment vous l'expliquez? -Je faisais un petit jogging, comme tous les matins." Cela expliquait peut-être son immonde jogging parsemé de tâches non identifiées. Lenowe baissa la tête et soupira. "Oui, bien sûr, marmonna-t-il. Vous faites votre jogging dans une zone industrielle, à plusieurs kilomètres de chez vous, alors qu'il y a un parc derrière votre... maison". L'homme n'avait pas l'air d'avoir la condition physique d'un marathonien. "J'ai oublié de vous le demander, et je n'ai pas réussi à trouver l'information: où travaillez-vous... Vous avez un boulot au moins? -Ouais. Je bosse dans un restau. -Donnez-moi l'adresse, que je me souvienne de ne surtout pas y mettre les pieds" ironisa Lenowe. Finalement, l'information n'était pas franchement utile. Il se tourna vers Jimmy qui le regarda en hochant légèrement la tête en signe de dépit. Le lieutenant continua à lui poser question sur question, n'obtenant que des réponses douteuses et particulièrement imprécises. "J'ai rien à voir avec cette histoire de fausses plaques" bêla Guiren Li. -Quelqu'un a parlé de ça?" Sourit Lenowe. Il adorait quand les suspects pas bien futés se vendaient tous seuls. Une partie du travail était déjà faite. Le suspect se rendit immédiatement compte qu'il venait de faire une erreur monumentale. "Je repose ma question à nouveau. Étiez-vous dans l'entrepôt de stockage vers neuf heures vendredi matin? -Ça se peut." Maintenant qu'il avait fait un faux-pas, et qu'il en avait conscience, il allait essayer de rectifier le tir et jouer à celui qui en savait plus qu'il ne voulait bien le dire, et qui le faisait explicitement comprendre. Il étira ses jambes sous la table et essaya de détendre ses bras menottés au dossier de la chaise. Il ne semblait pas déstabilisé le moins du monde. -Il se peut aussi que je n'aie pas de temps pour tes conneries." Le changement de ton était clair et net. Lenowe avait cru pendant un moment que le type en face de lui était un abruti de première qui lâcherait tout en cinq minutes. Au bout d'une heure d'interrogatoire, il avait l'impression de ne pas avoir avancé et de voir les aiguilles de l'horloge reculer. Jimmy, qui était jusque là resté adossé à la vitre derrière lui, avait fini par s'asseoir et regardait les bulles dans la fontaine à eau juste à côté de lui. "T'étais où alors, vendredi matin? -Sais pas." La lumière artificielle des néons au plafond, dont la moitié, arrivée en fin de vie, clignotait dans un bruit désagréable et particulièrement agaçant, avaient filé un sale mal de crâne à Lenowe, et il commençait à avoir méchamment faim. "Jusque là, j'ai été relativement poli et correct avec toi. Mais s'il y a une chose, une seule, que je déteste, c'est qu'on me prenne pour un con. Alors tu vas arrêter de me faire chier ou ça va mal, très mal finir pour toi.". Avec lui, il n'y avait pas de tactique du méchant et du gentil flic. De toute façon, il était tout seul, et il jouait toujours le rôle du méchant. Il jouait avec le feu – et il aimait ça - mais ne dépassait jamais les limites. Excédé, il frappa la table de son poing, faisant bondir Jimmy sur sa chaise, qui s'était lassé du spectacle, et quitta la pièce en claquant la porte derrière lui, laissant l'officier Hayes hébété et leur suspect gigotant sur sa chaise. Il était seul dans son bureau, avachi au fond de son siège, toutes les lumières éteintes, lorsque sa sonnerie braillarde de son téléphone le sortit de son demi-sommeil. La migraine lub vrillait toujours le crâne. Lenowe allait rejeter l'appel et passer son téléphone en mode silencieux avant de voir la photo de sa sœur apparaître à l'écran. Elle avait insisté pour poser avec son frère sur la photo en question; alors qu'elle arborait un grand sourire, lui avait son habituel air renfrogné et détournait le regard de l'objectif. "Je te dérange? Demanda-t-elle. La première question qu'elle lui posait en l'appelant. -Non." Un mensonge de plus ou de moins, elle ne verrait pas la différence. "Super. Dis, je pensais à quelque chose..." Il n'aimait pas quand Elisha commençait une discussion de cette manière, traînant en longueur sans annoncer la couleur immédiatement. "Comme c'est bientôt mon anniversaire, notre chère tante a insisté pour que j'organise une super fête en famille. -Oui. Une fête d'anniversaire." Le seul côté plus ou moins positif qu'il voyait aux anniversaires était de se dire qu'il avait réussi à survivre une année de plus. "Je vous invite donc, Ziva et toi, à venir passer une semaine à la maison et... -Merci Elisha, c'est une super idée. Mais je ne pense pas qu'on puisse se libérer de nos responsabilités comme ça. -C'est dans un mois, tu as le temps de trouver une solution. Si vous ne pouvez pas, je ne vous en voudrai pas, enfin..." Lenowe devait admettre que sa sœur avait un certain pouvoir de persuasion. Elisha aimait bien faire culpabiliser les gens pour arriver à ses fins; cependant, ça n'avait jamais marché sur Lenowe. -Je te rappellerai, dit-il. Bonne nuit, Elisha.". La phrase s'adressait à elle comme a lui. Il mit cette fois son téléphone en silencieux et se cala au fond de son siège, les bras croisés sur la poitrine. Ven 9 Déc 2016 - 18:30 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Pour changer un peu, je vous propose de la musique pour accompagner la lecture, cliquez juste sur le lien un peu plus bas dans le texte Chapitre 20- Spoiler:
La femme aux cheveux frisés assise au fond de la terrasse, pas encore accaparée par ceux qui s'offraient une petite pause à la sortie du travail en ce lundi de septembre ensoleillé, tourna la tête en entendant des pas arriver sur le carrelage en ciment par pur réflexe. Elle fronça les sourcils et n'eut pas de mal à reconnaitre son ancienne camarade de classe, et accessoirement amie. Elle se leva pour la serrer dans ses bras. "Ziva, ça fait tellement longtemps!" S'exclama-t-elle en insistant sur la première syllabe de "tellement". "Dire qu'on habite à une demi-heure l'une de l'autre, mais qu'on ne se voit jamais. Assieds-toi, je t'attendais". Ziva se doutait bien que Nuria l'attendait; depuis longtemps, elle ne l'espérait pas. Elle scruta son amie de haut en bas et nota son ventre arrondi, quoique à l'air un peu mou. Puis elle comprit en voyant Nuria reculer la poussette qu'elle avait prise pour celle du couple assis à la table d'à côté. "C'est ma fille, Saffron" dit Nuria avec un sourire comblé. "Elle va bientôt avoir deux mois". Ziva lui sourit en retour par politesse et espéra que Nuria n'allait pas passer tout leur rendez-vous à s'attendrir devant ce merveilleux petit être qui la remplissait de bonheur et à raconter d'autres niaiseries les plus insupportables les unes que les autres. "Alors, tout va bien pour toi? Je regrette de ne pas avoir plus de nouvelles de toi." Par là, elle voulait sûrement dire "Je regrette que tu n'alimente pas plus tes réseaux sociaux qui ne sont que des pages totalement vides". Ziva ne le regrettait pas, elle. "A part quelques bricoles que j'aimerais voir changer, tout va bien, dit-elle sur un ton entendu. Je n'ai jamais réussi à m'habituer à cet endroit, mais j'arrive à survivre. -Tu vois toujours ce prof de droit ou de je sais plus quoi... ? Il était mignon en tout cas." Ziva sentit son visage entier virer au rouge grenat et se rappela la fumeuse histoire dont il était question. "Non. Ça n'a pas duré longtemps, et je préfèrerais oublier ça, d'accord? rit elle timidement. Je suis plus ou moins avec quelqu'un d'autre. Depuis... un moment. -Laisse-moi deviner... Un beau brun ténébreux comme celui sur lequel on avait flashé et... et comment ça "plus ou moins"? s'emballa Nuria -C'est à peu près tout le contraire, dit-elle. Et en fait, on peut passer trois semaines sans se parler ni se croiser autre part qu'au travail et... -Au travail, hmmm ? Demanda Nuria en levant les sourcils -Il est lieutenant de police." "Pitié, Nuria, arrête de me poser des questions" pensa-t-elle "Comment vous avez su que..." Ziva se montrait modérément patiente avec ses amis, répondait à leurs questions plus5 ou moins honnêtement alors qu'elle voulait à tout prix parler d'autre chose que d'elle, mais elle refusait à chaque fois de répondre à cette question-là. "Au fait, j'ai quelque chose pour toi" fit semblant de se rappeler Ziva en sortant une chemise en carton de son sac. Elle la tendit à Nuria, qui défit l'élastique et sortit les deux radios d'un crâne humain qu'elle contenait. "Je sais que tu as fait des recherches sur les dégâts causés par le feu dans le cas d'immolations, et j'ai besoin de ton aide." Ziva avait rencontré Nuria, fille d'un éthiopien et d'une marocaine installés aux États-Unis avant sa naissance, lors de sa quatrième année à l'université. Bien qu'elles étaient assez différentes, avec des personnalités et des goûts quasi opposés, elles s'étaient bien entendues dès le départ et passaient toutes les heures de cours en commun ensemble. "Oh. Intéressant. -J'ai aussi ajouté une fiche avec mes notes. Cet homme aurait eu un accident mettant en cause des engins pyrotechniques. Jettes-y juste un œil, et dis-moi ce que tu en penses. -Je ferai ça, au moins, ça m'occupera". Ziva savait que Nuria avait temporairement et pour l'instant indéfiniment laissé de côté son travail à l'hôpital de la ville voisine pour s'occuper de Saffron. Mais elle ne savait pas si l'absence de bague à son annulaire gauche ou le fait qu'elle n'ait mentionné aucun partenaire indiquait qu'elle élevait seule sa fille. "Je peux aussi me débrouiller pour que tu puisses m'aider à la morgue sur cette affaire-là. -Ça peut se faire. Bon, alors, il s'appelle comment ce mec?" (Un peu de musique?)Lenowe ne l'avait pas vue de la journée - comme la veille, ni l'avant-veille, ni l'avant-avant-veille - et elle ne répondait pas au téléphone. Elle devait l'avoir oublié pour la énième fois sur sa table basse, rendant l'objet totalement inutile. Il n'avait pas non plus réussi à voir le Dr Barrows, parti en séminaire de l'autre côté du pays, et Salomée était restée très évasive lorsqu'il lui avait à nouveau demandé où elle était passée. Il avait refusé de lâcher le morceau, alors elle avait fini par lui dire qu'elle était rentrée chez elle plus tôt, sans expliquer pourquoi. Vers cinq heures et demie, il partit plus tôt et en profita pour faire un détour et s'arrêter chez Ziva. Il frappa à la porte, sachant que la sonnette ne marchait pas. Il n'y eut aucun bruit. Alors que Lenowe s'apprêtait à faire demi-tour, la porte s'ouvrit. "Entre." Ziva s'assit sur le rebord du comptoir de la cuisine, les bras ballants. Elle ne portait qu'une robe de chambre en coton taupe et ses cheveux étaient complètement en vrac; en soi, rien de très étonnant venant d'elle. Un bol de céréales à moitié entamé traînait sur la table à côté de son ordinateur et d'une pile de papiers. Lenowe la regarda d'un air à la fois soupçonneux et soucieux. Depuis plusieurs jours, il lui avait semblé qu'elle l'évitait ou l'ignorait. Et visiblement, elle n'avait pas été au travail aujourd'hui. "Tout va bien? -Ouais." C'était la plus honnête des menteuses. "J'allais faire du thé. Tu en veux?" Il accepta l'invitation et prit le paquet de biscuits qu'elle lui tendit. Quelques minutes plus tard, elle apporta nonchalamment les deux tasses fumantes et s'assit à côté de lui. Soufflant sur son thé à la noix de coco brûlant, elle veillait à ne pas croiser le regard de Lenowe. "Je repose ma question. Est-ce que tout va bien?" Ziva posa sa tasse et tirailla les manches de sa robe de chambre. Elle tourna la tête vers lui et se mordit l'intérieur de la joue. "Non". Elle avait longuement réfléchi à la manière dont elle tournerait sa phrase, mais elle finirait par tout débiter le plus vite possible pour s'en débarrasser comme on arrache un pansement d'un coup sec; c'est exactement ce qu'elle fit. Mais même si Lenowe avait l'habitude de l'entendre parler plus vite que la normale, il ne comprit rien et dût la faire répéter, ce qui lui donna l'impression de rajouter du sel sur la plaie. Elle ne parvint pas à déterminer à son expression s'il n'avait simplement rien compris ou s'il voulait une confirmation. Ziva souffla et le regarda droit dans les yeux. "Je m'en vais à Londres. Définitivement." Il posa doucement sa tasse déjà à moitié vide devant lui, confus. "Une université m'a proposé un poste. Je ne veux pas louper cette opportunité. -C'est super, où est le problème?" Sous ses faux airs sincères, il était perplexe. Il savait parfaitement bien que tout comme lui, elle avait une peur maladive de l'engagement et des décisions qui changeraient radicalement tout. Mais les regrets et les remords étaient à peu près la même chose. "Je sais ce que je veux. Je n'en peux plus de vivre ici, je veux me barrer. C'est... C'est ta réaction qui m'inquiète. -Ce que tu m'as dit l'autre jour est réciproque: " tu ne m’appartiens pas, tu es libre de faire ce que tu veux". C'est toi qui décides." Il semblait prendre la nouvelle assez bien. "Je suis convaincue que les relations à distance sont toutes vouées à l'échec" lança-t-elle. Lenowe en était convaincu aussi, et c'est pour cela qu'il ne répondit pas. "On verra bien" dit-il sans trop de conviction, seulement parce qu'il voulait trouver quelque chose à lui répondre. Il y eut un blanc particulièrement gênant dans la conversation. "A partir de quand... demanda Lenowe -Fin novembre, je crois. J'ai deux semaines pour leur donner une réponse." Lenowe secoua la tête pour lui signifier qu'il avait entendu, mais ne dit rien. Il posa sa main sur la sienne, qu'elle retira brusquement comme si elle l'avait passée sous l'eau brûlante, fixant la vapeur blanche qui tourbillonnait au-dessus de sa tasse. Il comprit à son attitude désemparée son comportement de ces derniers jours, plus distant que d'habitude. Lenowe se leva sans un bruit de sa chaise pour se placer derrière sa chaise et la serrer contre lui. "Eh. Ça va aller" lui murmura-t-il en replaçant une mèche de ses cheveux égarée derrière son oreille. Il n'avait jamais été doué pour les mots de réconfort, mais avait suffisamment en commun avec elle pour comprendre parfaitement son appréhension: son incapacité à admettre que tout n'était pas à portée de contrôle, celle de communiquer clairement ses émotions, comme son cruel manque d'attaches aussi bien physiques qu'affectif. L'un comme l'autre ne se sentaient jamais vraiment chez eux, ni à leur place, où qu'ils se trouvent. Ils étaient tous les deux étiquetés à tort comme particulièrement réservés, voire prudes, ce qui n'était même pas une marque d'hypocrisie de leur part. Témoigner du moindre signe d'affection en public les mettait mal à l'aise; évoquer même le plus indistinctement ce qui avait trait à l'aspect le plus intime de leur vie privée était inimaginable quand bien même ils pouvaient se montrer particulièrement impudiques et désinvoltes entre eux. "Est-ce que tu veux que je reste ici?" Lui demanda-t-il. Lenowe traduisit son absence de réponse par un "Fais ce que tu veux". Il déposa les tasses vides dans l'évier et s'installa dans le canapé qui paraissait soudain plutôt inconfortable. Ziva, toujours assise dos à lui, hésita et finit par le rejoindre. Ça n'était pas à cause de lui si elle ne savait pas quoi décider pour elle. Lenowe avait bien un rôle à jouer dans l'équation, mais il n'était pas la variable la plus importante à ses yeux. "Les affaires Martino et Moore ont bien avancé? Lui demanda-t-elle. -On est à deux doigts de boucler notre suspect principal, je suis à peu près sûr qu'il n'est pas innocent dans l'histoire, mais il manque un maillon de la chaine. Le mec a déjà trempé dans des affaires de contrebande et de trafics divers, ce qui n'arrange pas son cas pour moi. Pour l'autre affaire, la piste principale reste celle de l'accident. Je ne peux rien contester, vu que ce n'est pas moi qui m'en occupe. -J'ai demandé à une amie à moi de me rendre un petit service et de nous aider pour cette affaire-là. -Toute aide est la bienvenue." Le petit service que Ziva avait demandé à Nuria allait cependant bien plus loin que ça. Deux heures plus tard, Ziva et Lenowe étaient toujours assis, discutant des deux affaires en cours. Certaines évitaient de ramener leur travail à la maison pour conserver une vie bien séparée à l'extérieur, tandis qu'eux préféraient évoquer leur travail plutôt que se concentrer sur leur vague semblant de vie commune. Et deux têtes pensantes valaient toujours mieux qu'une. Elisha avait envoyé une flopée de message à son frère, qui ne les avait même pas ouverts, devinant leur contenu. "S'il te plaît, pense à ce que je t'ai proposé", ou quelque chose du même genre. Il jugea le moment peu opportun pour en parler à Ziva. "J'ai faim. Tu veux manger quelque chose? Demanda Ziva. Elle n'avait pas envie de se lever et traverser la pièce pour atteindre la cuisine, mais pour de la nourriture, elle ferait toujours l'effort. -Ouais, pourquoi pas, marmonna Lenowe, posant son téléphone sur la table, hors de portée de son bras pour ne pas être tenté de répondre à sa sœur. -J'ai des tteokbokki au frigo. -Je n'ai aucune idée de ce que c'est, mais vas-y." Ils préparèrent ensemble le ragoût aux gâteaux de riz qu'elle avait prévu de faire plusieurs jours plus tôt, mais par manque de courage, elle s'était contentée de manger ce qui ne nécessitait pas de préparation poussée. Elle était pourtant du genre à se venger sur la nourriture lorsqu'elle était contrariée, même si elle mangeait sans appétit ni envie. Ziva et Lenowe mangèrent en silence, sur la table basse. Le plat n'avait aucun goût, mais les deux n'en avaient strictement rien à faire. Ziva remarqua rapidement l'air irrité de Lenowe à chaque fois que son téléphone signalait un nouveau message. Elle ne put se retenir de l'interroger. "Ma sœur organise une fête pour son anniversaire. Elle veut nous inviter tous les deux. A passer une semaine chez elle. En Finlande." Ziva ne trouva pas la proposition inintéressante, mais restait bloquée sur le fait de s'accorder une semaine complète de vacances qu'elle ne pensait pas possible. "Et comment va-t-on justifier le fait de partir comme ça en prévenant trois semaines à l'avance?" Il approuva sa remarque. "Je vais essayer de voir ce que je peux faire" dit-il en repoussant son assiette vide devant lui. Ziva acquiesça sans un bruit. Il resta encore un peu avec elle avant de s'en aller sans demander son reste. Ce qu'elle lui avait annoncé le perturbait plus qu'elle-même; il avait beaucoup de mal à admettre qu'elle était beaucoup plus importante pour lui qu'il ne voulait bien le croire. Jeu 29 Déc 2016 - 14:56 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 21- Spoiler:
Le lendemain, après une courte nuit de sommeil, Lenowe fut surpris d'apercevoir Ziva s'entretenir avec l'occupante du bureau d'en face, lieutenant de la criminelle aussi, avec qui Lenowe ne s'entendant pas particulièrement bien; les deux premiers mots qui lui venaient à l'esprit pour la décrire étaient "connasse prétentieuse". Et l'antipathie était réciproque. Il intercepta discrètement l'assistante du médecin légiste lorsqu'elle quitta le bureau qui empestait le parfum d'ambiance du lieutenant Hannah Skinner, et il visualisa parfaitement son bureau ordonné, avec un paquet de bonbons toujours entamé dans un coin et des photos de ses magnifiques enfants devant une magnifique plage de sable fin. Exaspérant. Ziva fit semblant d'être surprise. "Il faut qu'on parle. J'en ai pour cinq minutes" dit-il en posant sa main sur son épaule gauche. "Disons deux. -Tu vas répondre à cette université anglaise, et tu vas leur dire oui. J'ai obtenu du chef six jours de congé. Et je m'apprêtais à aller voir si notre collectionneur d'yeux est assez mûr pour être cueilli." Elle ne répondit rien, médusée, essayant de remettre tout en ordre. Son entêtement et son obsession à régler tous les problèmes d'un coup et le plus vite possible était parfois agaçants. "Si tu le veux bien, on en reparlera plus tard, quand tu veux, mais pas maintenant. Ta très charmante collègue qui s'occupe de l'enquête sur le pyrotechnicien m'a gentiment ordonné de lui rapporter des preuves tout de suite. J'ai demandé à une vieille amie à moi de venir, et je l'ai laissée toute seule sur une chaise dans le hall d'entrée." Nuria attendait impatiemment le retour de Ziva en tentant de rassembler ses cheveux crépus en un gros chignon vite-fait. Elle lui sourit pour masquer son exaspération après avoir passé près d'une demi-heure à écouter la vieille peau assise à côté d'elle qui tenait à lui expliquer pourquoi elle venait porter plainte contre son voisin; Nuria s'était dit que c'était plutôt à elle qu'on devrait faire comprendre qu'elle était tout bonnement chiante. "Tu peux venir, Nuria" dit Ziva en invitant son amie à la suivre d'un signe de la main. Elle la fit passer par l'accueil, où on lui donna un badge de visiteur, puis l'emmena au sous-sol et lui tendit une blouse et des gants. Le docteur Barrows n'était pas là. "C'est lui, l'homme dont on ne sait pas s'il a été victime d'un accident ou d'un meurtre" dit Ziva en tirant un des tiroirs du réfrigérateur. -J'ai lu attentivement le dossier que tu m'as filé. Je n'ai rien trouvé qui me fasse penser à un meurtre. -C'est bien pour ça que je t'ai demandé de l'aide." Ziva comptait surtout sur le fait que Nuria prenne sa place ici alors qu'elle s'en irait. Elle n'avait strictement aucune idée de comment parvenir à négocier tout ça, cependant. "A ton avis, la fissure sur le haut de l'os frontal a été causée par quoi? Demanda Nuria -Peut-être la chute sur le ciment. Il n'y a rien qui indique un coup qu'on lui aurait porté volontairement ni quoi que ce soit. -Et la fracture du poignet gauche? Il se l'est forcément faite en tombant en avant et en essayant de se rattraper. Même s'il a pris feu, il n'a pas, logiquement, pu tomber comme ça d'un coup par terre. -Ouais, je sais, je sais. Je n'arrive pas à distinguer les blessures qu'on lui aurait infligées des dommages du feu. Il a bien dû se passer trois minutes avant que quelqu'un arrive avec l'extincteur – trop tard certes." Le téléphone de Ziva se mit à sonner sur le bureau. Elle invita Nuria à examiner la victime pendant qu'elle répondait. "Oui Lenowe." Moment de silence. "Oui. Tu pourrais attendre un peu? Non, pas juste cinq minutes. Non, je suis occupée avec Nuria. Qu'est-ce... Non, tu ne peux pas passer me voir là, maintenant. Je viendrai à ton bureau dès que j'aurai fini." Elle râla et raccrocha. Nuria se retourna vers elle, l'interrogeant du regard. "Ça concerne une autre enquête sur laquelle je travaille." Deux minutes plus tard, le téléphone sonna à nouveau. Ziva décrocha sans même vérifier le nom qui s'affichait. "Je t'ai dit tout à l'heure Lenowe, tu es con ou tu le fais exprès? Aboya-t-elle -Je crois que tu fais erreur sur la personne. J'ai... J'ai les résultats que tu m'a demandés je ne sais plus quand. -Salomée, est-ce que tu peux venir me les apporter? Nuria Eyasu est là, si tu veux lui dire bonjour. -J'arrive tout de suite." Nuria, qui avait entendu son prénom, releva la tête. "Salomée? Ta copine flippante avec un accent incompréhensible? Elle est ici, aussi?" Ziva hocha la tête et se retint de rire. "Ouais, c'est elle. Elle s'est calmée niveau vestimentaire, mais elle a toujours l'accent incompréhensible." La conversation avait fait place au cliquetis des touches de leurs claviers respectifs. Ziva et Lenowe, assis sur le bord du lit de cette première, étaient l’un comme l’autre trop las pour parler. "Guiren Li fait bien partie du trafic de fausses plaques, mais ce n'est pas lui qui a tué Martino, dit machinalement Lenowe." Ziva retira son casque de ses oreilles. "Qui c'est, alors? -J'en sais rien. -Ça tombe bien, même avec Nuria, je n'ai rien trouvé de nouveau non plus sur le pyrotechnicien." Leurs discussions du genre "quoi de nouveau aujourd'hui" étaient rarement aussi stériles. L’un ou l’autre avait toujours une hypothèse à proposer, ou une anecdote sur l’affaire à raconter. Cette fois, rien. "J'ai parlé à Barrows aujourd'hui. Ce con m'a donné une semaine de vacances sans sourciller. S’il change d’avis, ça sera trop tard. -C'est vrai? -Ouais. -Je vais appeler ma sœur pour lui dire qu'elle peut prendre les billets d'avion." La perspective de passer une semaine entière à un endroit qu'il ne portait pas spécialement dans son cœur et celle d'être entouré par sa famille pendant tout ce temps ne l'enthousiasmait pas plus qu'une semaine au boulot à bosser avec des collègues détestables sur une enquête qui allait à reculons. "J'ai aussi envoyé un mail à l'université. J'ai accepté leur proposition, et je m'en vais dans un mois." Lenowe faillit s'étouffer en avalant sa salive de travers et se tourna face à elle. "Ok. Très bien. -Je suis désolée. Vraiment." Elle se sentit obligée de s'excuser de le laisser tout seul ici alors que lui aussi ne souhaitait qu'une chose: partir. Il avait passé de longues heures à trouver un moyen de la suivre, en vain. Les forces de l'ordre de Twinbrook étaient en sérieux sous-effectif et ils ne le laisseraient pas s'en aller comme ça. D'autant qu'après avoir disparu de la surface terrestre pendant deux mois et quémandé des vacances supplémentaires, Lenowe savait qu'ils ne seraient pas indulgents avec lui. Mais il songeait sérieusement à présenter sa démission. "Non, t'excuse pas. Je vais rentrer chez moi, ok? Je suis claqué." Ziva posa son ordinateur sur le lit et l'accompagna jusqu'à la porte. Les deux semaines qui suivirent furent navrantes. La veuve Martino s'impatientait et déplorait l'incompétence de la police à trouver l'assassin de son mari; les piètres avancements qui avaient été faits s'étaient tous soldés par des impasses et Lenowe bouillait de rage de ne pas réussir à mettre un terme à cette histoire. Les statistiques de résolution des affaires était généralement mauvais, mais le lieutenant Letnara ne comprenait pas ce qu'ils avaient manqué pour être perdus à ce point. Quand à l'affaire John Moore, elle fut classée, sur la conclusion certes un peu hypothétique qu'il s'agissait d'un bête et malheureux accident. Pour une fois, Lenowe se réjouissait de pouvoir s'en aller en laissant tout le bordel aux autres, alors que d'habitude, il aurait été le premier à tout prendre en main. Ziva avait insisté pour qu'il ne vienne pas l'aider à vider son appartement et à tout emballer; elle avait aussi fini par céder quand elle s'était rendue compte qu'elle ne parviendrai pas à sortir un canapé plus grand qu'elle de l’immeuble. Ils n'avaient pas reparlé de son départ pour l'Angleterre. Cette affaire-là aussi était classée. Maintenant, ils attendaient le jour où Ils s'envoleraient pour la Finlande, Lenowe avec une appréhension cuisante, et Ziva avec l'indifférence la plus totale. Sam 14 Jan 2017 - 9:47 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 22- Spoiler:
Le jour se levait à peine lorsque le commandant de bord les informa que l'avion allait bientôt atterrir à l'heure prévue. Ziva n'avait pas fermé l'œil de tout le vol, et n'avait rien trouvé d'autre à faire que relire le pavé de sept-cent pages qu'elle avait à peine entamé avant de partir. Lenowe, lui, n'avait fait que dormir, et à plusieurs reprises, elle avait dû repousser sa tête et son épaule qui se penchaient dangereusement vers elle et empiétaient peu à peu sur son siège. "Elisha habite loin d'ici? Demanda-t-elle sans détourner les yeux de son livre. Plus que cinquante pages. Elle ne réussirait pas à les finir avant qu'ils ne descendent. De toute façon, elle connaissait déjà la fin du roman qui n'était qu'un soufflé raté. -Non. C'est à une heure et demie d'ici, quand il n'y a pas de neige ni de verglas. -Son anniversaire est cette semaine? -C'était il y a un mois." Ziva ne savait pas si le cliché selon lequel les hommes oubliaient immanquablement les dates d’anniversaire était vrai. Lenowe n’oubliait jamais les dates. Par contre, ce qui était sûr, c’est qu’il n’en avait rien à faire. Une fois à terre, ils récupérèrent leurs valises et filèrent louer une voiture. Ziva laissa Lenowe s'occuper de tout, ne comprenant pas un traître mot de ce qu'il racontait à l'employé de l'agence en cherchant son portefeuille. Il était tout juste huit heures quand ils sortirent du parking avec la voiture, et il faisait à peine sept degrés dehors. Lenowe se fraya un chemin à travers le nord d'Helsinki et rejoint l'autoroute. Il n'avait pas besoin de GPS; il lui suffisait d'emprunter un chemin une seule fois pour s'en souvenir. Avec une marge d'erreur non négligeable. "Au fait, tu as acheté un cadeau à Elisha? Demanda Ziva à lenowe à peu près au milieu du trajet. -Non." Sa réponse était tout à fait naturelle. Il ne lui offrait jamais rien non plus, mais seulement parce qu'il savait qu'elle s'offrait elle-même ses propres cadeaux. La voiture prit la bretelle de sortie et ils quittèrent l'autoroute. Ziva se souvint juste d'avoir traversé une ville de taille relativement moyenne, puis un pont, et d'avoir longé un lac. Lenowe s'était aventuré sur un chemin en terre boueux et s'était arrêté en soupirant devant une maison en lambris vert, qui se fondait au milieu des sapins. "Bienvenue chez... Moi." Il n'avait pas le ton réjoui ni un tant soit peu fier que n'importe qui d'autre aurait probablement utilisé. Lenowe traîna un peu et s'avança vers la porte. Tout était extrêmement silencieux. Il n'y avait que le bruissement du vent dans les feuilles et sur le petit lac qui s'étendait de l'autre côté de la route qu'ils avaient empruntée. Ziva n'aperçut que quelques maisons disséminées ça et là, et n'avait relevé aucune présence humaine non plus jusque là. Un rideau s'agita, et Elisha vint accueillir son frère et sa compagne. Elle était toujours en pyjama, mais n'avait pas l'air de s'être tout juste réveillée. Elle laissa à peine le temps à Lenowe de rentrer et se jeta dans ses bras, et étant donné leur différence de taille, la situation était plutôt comique. Il resta complètement stoïque; en contrepartie, Elisha se montra moins expansive avec Ziva, et lui tapota amicalement l'épaule. "Il y a à manger sur la table, servez-vous. Donne-moi les clés de ta voiture, je vais monter vos valises dans la chambre. Non Lenowe, ne bouge pas, je m'en occupe" le prévint-elle lorsqu'elle le vit éloigner les clés des mains de sa sœur et se retourner vers la porte. Elisha ne partageait pas avec Lenowe son goût pour la décoration d'intérieur. La maison était tout à fait charmante et ordonnée. Dans un poêle près de la table en pin massif brûlait doucement une bûche, et Ziva reconnut l'odeur de pin brouillée à une autre senteur plus qu'agréable qui lui évoquait peut-être une bougie que Lenowe portait sur ses vêtements quand il était rentré après sa longue absence. La faim lui tiraillait l'estomac, mais elle hésita à piocher dans le panier de petites viennoiseries qui n'attendait qu'à être mangées, par politesse. Lenowe ne se posa pas la question et attrapa une sorte de petit pain à la myrtille en haut de la pile de gâteaux. Il se tourna vers elle. "Elisha sera très peinée si elle ne te voit pas manger ces foutues pâtisseries qu'elle fait tout le temps. C'est étonnant qu'elle ne soit pas obèse. Mange. Je sais très bien que tu en meurs d'envie." Il lui adressa un sourire enjôleur et agita devant elle une autre viennoiserie. Elisha fila à l'étage déposer les bagages, et réapparut un bon quart d’heure plus tard, habillée et coiffée. "Lenowe, j'ai un rendez-vous en ville, et je ne reviendrai que ce soir. Il y a suffisamment à manger pour nourrir une équipe de hockey dans le frigo. Pas besoin de faire une visite des lieux, je vous laisse. Je suis désolée de m'en aller si rapidement, passez une bonne journée". Elle prit son sac à main sur une chaise, enfila une veste légère et retourna dehors. Sa voiture démarra, passa devant les fenêtres et s'éloigna sur la route longeant le lac. "Fais comme chez toi" dit Lenowe en s'installant dans un des gros canapés moelleux couleur chocolat du salon, une autre pâtisserie à la main, cette fois avec de la crème à la vanille au milieu. Ziva, toujours plantée derrière la porte, retira ses chaussures et se joint à lui. Elle devina à son attitude qu'il n'avait pas l'air décidé à bouger dudit canapé avant un bout de temps: il avait sorti un plaid en polaire d'une caisse et l'avait étalé sur lui. Après avoir passé plus de dix heures assis, elle se demanda comment il pouvait encore vouloir ne pas bouger et aller faire un tour. Ziva sortit un journal soigneusement plié de sous la table basse et tenta d'y comprendre quelque chose. Elle abandonna et le reposa avant de secouer Lenowe qu'elle voyait piquer du nez. https://4.bp.blogspot.com/-1KmUYsofV-k/WIyiKb2n3aI/AAAAAAAAJnI/1Ntxy4upntM51S7daaeE6ftr-AcNDLX4QCLcB/s1600/Screenshot-1742.png"Réveille-toi. J'ai pas l'intention de rester ici à rien faire. Lève ton cul de ce canapé." Lenowe grogna et finit par céder. Elle l'aurait tirée par le bras jusqu'en dehors de la maison si elle l'avait voulu. "Bon, d'accord, on va aller faire un tour." Le choc entre l'atmosphère feutrée et la chaleur de la maison et le froid sec de l'extérieur fut brutal, et il l'était encore plus pour eux qui venaient de là où l'hiver était un mot pour dire inconnu et un concept abstrait. La neige et les températures négatives n'étaient que fantaisie. Ici, ils étaient immanquablement présents une grande partie de l'année. Lenowe fut rassuré d'enfin retrouver la température idéale, suffisamment fraîche pour sentir l'air vivifiant remplir ses poumons, mais pas assez basse pour engourdir son visage et brûler ses mains. Tant qu'il ne restait pas immobile et au vent, il aurait pu rester des heures durant errant entre les sapins et les arbres au feuillage mordoré, le silence de la forêt à peine dérangé par le léger crépitement des feuilles mortes et de la mousse sous ses pas et le piaillement des oiseaux. Puis il s'assiérait sur le ponton branlant qui s'avançait sur le lac et laisserait le vent cinglant lui balayer les cheveux devant ses yeux, sans que personne ne vienne jamais l'importuner en croisant son chemin. Il était souvent resté assis au bord de l'eau, attendant que le soleil décline lentement à l'horizon, reflétant les dernières lueurs du jour à la surface du lac immobile, avant qu'il ne disparaisse derrière les cimes pour laisser place à la singulière clarté de la nuit boréale, sans se soucier du froid qui lui mordait les joues. Personne ne serait jamais venu le chercher pour le ramener à la maison. Lenowe se retourna pour vérifier que Ziva, rendue admirative par la solennité du paysage, le suivait toujours. Ils n'avaient pas échangé un mot depuis le début de la promenade et n'avaient croisé une femme engoncée dans sa doudoune, la tête enfoncée dans un bonnet de laine, accompagnée de son chien. Celle-ci avait à peine détourné les yeux vers eux et avait continué son chemin. "J'aime beaucoup cet endroit, dit Ziva -Oui, moi aussi" avoua Lenowe. "Mais il me rappelle trop de souvenirs âpres". Il frissonna en apercevant la maison peinte en jaune avec à l'arrière une terrasse et un escalier donnant sur le lac. "C'est la maison de ma mère". Il ne précisa pas qu'elle avait aussi été la sienne pendant de trop longues années, même si Ziva le comprit très bien. "Elisha habite la maison d'un oncle qui est parti passer sa retraite au soleil. La maison gris foncé, avec les fenêtres noires, juste à côté de la jaune, c'était la maison de notre tante paternelle" continua-t-il en pointant du doigt la baraque qui aurait mérité un bon rafraîchissement. Son regard resta fixé sur la grande baie vitrée de la maison jaune. Sa mère était peut-être assise derrière la fenêtre, à l'affut du moindre mouvement dans le voisinage. Il s'était dit que si sa vue était toujours assez bonne pour voir son fils dont la silhouette sombre se découpait nettement devant les arbres, elle tomberait peut-être à la renverse de son fauteuil à bascule et se fracasserait le crâne par terre. Rapide et efficace. Sans s'en rendre compte, ils eurent bientôt atteint l'opposé du point d'où ils étaient partis. Le devant de leur voiture de location dépassait de derrière un arbre, et la maison d'Elisha était juste derrière, à peine visible. Lenowe sortit son portable de sa poche. Il était plus de midi. "Tu veux rentrer?" Demanda-t-il à Ziva. Elle lui répondit par un haussement des épaules indifférent et décida pour elle en revenant sur leurs pas. Le soleil était camouflé par les nuages écumeux insensiblement poussés par le vent. Une fois rentrés au chaud, ils se satisfirent d'une miche de pain de seigle rassis et d'un reste de pommes de terre sautées et de boulettes de viande laissées par Elisha. Ziva commençait à sentir les effets du décalage horaire et du manque de sommeil et n'avait pas vraiment faim. Lenowe ne paraissait absolument pas dérouté ni par le voyage, ni par le changement de température. Même si elle avait grandi sous un climat tempéré, Ziva avait passé de nombreuses années dans le désert et n'avait pas mis une écharpe et un épais manteau depuis un bout de temps. Lenowe lui fit rapidement faire le tour de la maison. Trois chambres, dont une servant de bureau à Elisha, et une autre, à l'étage, la chambre d'amis. Deux salles de bain. Un jardin sans clôture à l'arrière qui était seulement délimité par un chemin au fond et un énorme rocher sur un coté. Leur chambre, même si elle était située sous le toit, était la pièce la plus froide de la maison, mais certainement la mieux décorée. Les murs comme le sols étaient en bois clair, en accord avec le reste du mobilier, avec quelques accents turquoise, noir et beige ça et là. Le tapis à poils couleur crème et l'avalanche d'oreillers moelleux sur le lit rendaient le tout particulièrement douillet, faisant presque oublier la température insuffisante. "Il fait froid ici" avait dit Lenowe. Ziva n'avait pas besoin de confirmation pour s'en rendre compte. Elisha avait laissé un panier sur le lit, contenant une boîte de biscuits, du chocolat et divers produits de bain. Lenowe se vautra dans le lit et ne bougea plus. "Je vais prendre un bain. C'est plus que mérité" l'informa Ziva en dépliant une des serviettes de toilette déposées par Elisha au pied du lit "Ouais ouais". Lenowe était plus intéressé par l'idée de s'enrouler dans la couette rembourrée, de se caler au milieu des coussins et d'y rester. Il faisait encore plus froid dans la salle de bain voisine que dans la chambre. Ziva se dépêcha de remplir la baignoire à pieds en émail jaune et y jeta une des bombes de bain pailletées qu'Elisha avait laissées dans le panier que Ziva trouvait complètement futiles. Elle se dépêcha de retirer ses vêtements et se glissa dans l'eau brûlante. N’ayant eu qu’une douche chez elle, elle avait presque oublié à quel point prendre un véritable bain était plaisant. Ziva ferma les yeux un instant et se laissa submerger par la douce vapeur. Sam 28 Jan 2017 - 14:56 |
| | | ZivaIrréductible Sim Messages : 146 Remerciements : 64 Date d'inscription : 02/06/2015 Age : 25 | Re: When Ice Burns | | Chapitre 23- Spoiler:
Lorsqu'elle rouvrit les yeux, l'eau était glaciale, et ce depuis longtemps. Ses pieds et ses mains étaient gelés et elle avait l'impression d'avoir plongé nue dans la neige. A part cela, elle se sentait agréablement bien. La balade dans la forêt et sa sieste avaient été bénéfiques. Elle se sécha et renfila ses vêtements en moins d'une minute, sauf son jean qu'elle avait laissé quelque part dans le couloir. A son retour dans la chambre, Lenowe était sorti de sous la couette et avait sorti l'ordinateur de la valise. Elle fut horrifiée de le voir seulement en t-shirt pour une raison inconnue. A la lumière qui décroissait dans la pièce, elle jugea qu'il devait être presque quatre heures de l'après-midi. "Putain, il fait vraiment, vraiment froid dans cette salle de bain". Elle était frigorifiée, et ses cheveux étaient trempés; elle n'avait pas trouvé de sèche-cheveux. Lenowe leva les yeux de l'écran et lui adressa un regard confus qui voulait dire "Qu'est-ce que j'y peux?" Ziva s'assit sur le bord du lit en grelottant et tenta en vain de tirer un bout de la couette sur laquelle Lenowe était assis pour couvrir ses jambes nues. Les clés de sa valise dans laquelle devait bien se trouver un pull étaient dans son sac à main. En bas. Elle allait demander à Lenowe de lui prêter le sweat qu'il avait posé sur la chaise en face du lit, mais, pris d'un élan de bonne volonté, il posa le Macbook sur la table de chevet et l'entoura de ses bras pour la réchauffer. Elle aurait peut-être finalement préféré un sweat trop grand. Il resta figé, le menton posé contre son épaule. "Tu as toujours froid?" Lui susurra-t-il. Elle ne répondit pas, et ne bougea pas, indiquant une réponse positive. "Allez, donne-moi cette couette" réclama-t-elle. Il inclina légèrement la tête et elle sentit l'arête de son nez frôler son oreille. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre ce qu'il essayait subtilement de lui dire, devinant son sourire en coin qui faisait ressortir sa canine tordue. Ziva ricana intérieurement en se demandant si elle parviendrait un jour à le calculer alors qu’il passait de l’impassibilité à un excès de spontanéité, voire d’impulsivité, en une fraction de seconde. Elle tenta de se dégager de ses bras. Elle se retourna, se dressant face à lui, et le nargua du regard. S’étant rendue compte très rapidement qu'elle n'avait pas besoin de faire d'effort particulier pour attiser la concupiscence de Lenowe, Elle mima un "non" de la tête et croisa les bras, l'air contrarié, pour l'asticoter un peu. Il n'était pas dupe et connaissait bien son jeu. Ziva profita d'un moment d'inattention de sa part pour le renverser sur le dos. Elle allait lui demander ce qu'il voulait, mais changea d'avis. La question était stupide. Elle monta sur le lit et s'assit à califourchon au-dessus de lui – elle n'avait pas envie de jouer avec lui, de le faire espérer. Pas besoin. Elle allait toujours droit au but avec lui. Ziva saisit ses poignets et les rabattit en arrière. Ses cheveux de cinabre encore moites lui tombaient sur le visage, laissant seulement leur longueur entre eux deux, et il ne voyait plus rien. Elle resserra son emprise sur ses poignets dont elle ne pouvait pas faire le tour avec ses mains et plaqua sa bouche contre la sienne. Lenowe aurait aisément pu se libérer et la maîtriser, mais il se laissa faire. C'est elle qui avait la situation en mains. Il ne put retenir un râle de stupeur qui s'évanouit au fond de sa gorge lorsqu'elle lui mordit intentionnellement le bout de la langue et commença à le tirailler avec impertinence. Il finit par dégager ses poignets et la prit par les épaules pour la redresser. Il eut l'air sonné et ses yeux aux pupilles dilatées étaient désarçonnants. Ziva secoua la tête en arrière pour remettre ses cheveux en place. "Tu n'en veux plus, de cette couette, je suppose?" Lui demanda-t-il, hébété. Ses phrases sorties de nulle part la feraient toujours rire. Ils en vinrent à balancer un par un leurs vêtements par terre et se retrouvèrent rapidement en sous-vêtements. Elle allait glisser sa main à l'arrière de sa nuque qu'il ne supportait même pas qu'on effleure lorsqu'il la saisit tout à coup par les crêtes iliaques, appuyant son pouce dans le creux de l'os, la stoppant net, envoyant un éclair fulgurant depuis le bas de son dos jusqu'en haut de sa colonne vertébrale. Lenowe sourit et fit monter ses mains effilées et sèches le long de ses côtes qui se dessinaient nettement sous sa peau tiède. Il s'évertua à détacher soutien-gorge fatigué d'un noir délavé et à la dentelle effilochée qui avait vu trop de passages à la machine, sans succès. Ziva éclata de rire. "Tu te crois malin, hein?" Hoqueta-t-elle. Elle dut s'y prendre à deux mains pour défaire l'agrafe tordue et envoya le soutien-gorge valser à l'autre bout de la pièce. Elle appréciait le contact de ses mains adroites et soignées, certes toujours froides, mais fermes, qui n'étaient pas des mains malhabiles et rugueuses. Les mains calleuses aux doigts boudinés qu'elle voyait chez beaucoup d'hommes la répugnaient. Il se montrait particulièrement attentif avec elle, alors qu'il avait été le pire égoïste avec toutes celles avant elle. Retenant du regard ses yeux d'un bleu marmoréen, elle se hasarda à lui faire quitter le dernier vêtement qu'il lui restait encore. Il lâcha un mot qu'elle ne comprit pas mais dont elle n'eut pas de mal à deviner le sens, et la laissa docilement poursuivre. Il faisait désormais nuit noire dehors, et ils étaient toujours paisiblement ensevelis sous la couette, après avoir cédé au sommeil en plein milieu de leurs ébats, alanguis par la douce chaleur de leurs corps l'un contre l'autre, et ils n'avaient pas la moindre intention d'en sortir. Un rayon lumineux provenant des phrases d'une voiture se projeta sur le mur mansardé et disparut, suivi quelques minutes plus tard du bruit de la porte d'entrée qu'on ouvre et des talons sur le parquet. "Il y a quelqu'un ici?" C'était Elisha qui était rentrée. Lenowe tendit le bras et chercha son téléphone sur la table de nuit. Il était dix-neuf heures passées et il commençait à avoir faim. Il s'étira et ramassa ses vêtements étalés par terre. "Je vais aider Elisha à faire à manger" Par là, il voulait plutôt dire qu'il allait éviter à sa sœur une catastrophe culinaire dont elle avait le secret – et il allait éviter par la même occasion de la subir. "Ouais... J'arrive" répondit Ziva en sortant sa tête de sous la couverture. Elle se retourna vers le mur et entendit les pas lourds de Lenowe dans l'escalier. Elle aurait payé cher pour qu'il rapporte juste à manger et qu'il ne revienne auprès d'elle. L'avoir à côté d'elle suffisait, même sentir un pied glacé contre sa jambe. Ils faisaient assez rarement l'amour, souvent par désintérêt sous-jacent et ambigu pour la chose, plus rarement par manque d'envie. Ils s'amusaient bien, mais c'est un jeu dont ils se lasseraient vite à force de trop y jouer. Ils n'avaient jamais vu cela comme un problème. "Vous avez passé une bonne journée?" Lui demanda Elisha en sortant une pile d'assiettes du lave-vaisselle. Elle avait l'air épuisée, en déduisit son frère à voir ses cheveux habituellement soigneusement coiffés attachés en un chignon bancal. "Ouais. On est allés faire un tour dehors." Il rabattit du plat de la main une mèche de ses cheveux qui partait en vrac, assortis à ceux de sa sœur. -Dis, j'avais pensé essayer cette nouvelle recette que j'ai... -Non, Elisha, ricana-t-il. Juste...non." Lenowe ouvrit le réfrigérateur et pria sa sœur de ne pas tenter quoi que ce soit, la gardant à distance; Ziva redescendit pile à temps pour la distraire cinq minutes. Elisha attrapa deux bouteilles de bière sur la table de la cuisine et partit avec elle dans le salon. Le dîner fut morose. Ils mangèrent sans un mot le poulet et les légumes jetés dans une poêle préparés avec tant d'attention par Lenowe qu'il avait accidentellement renversé un peu trop de persil dans ladite poêle. De temps à autre, Elisha posait une question aussi banale que quelconque à Ziva pour espérer apprendre quelque chose sur elle. De toute manière, voir son frère avec une femme aussi taciturne que lui – on ne pouvait pas faire pire que lui - ne l'étonnait pas le moins du monde. Ils attaquèrent le dessert acheté tout prêt par Elisha, un gâteau dégoulinant de crème et de confiture de groseille. "Ça doit être agréable pour toi de prendre un peu de vacances, non?" Demanda Elisha à sa voisine de table. Elle ne poserait pas la question à son frère, débordant d'enthousiasme, comme toujours. "Plus ou moins. On va dire que oui. Je suis dans une situation assez délicate en ce moment, je... -Elle part travailler à Londres, dit Lenowe, toujours un peu amer. Sa fourchette cliqueta contre son assiette vide. Les groseilles du gâteau d'Elisha avaient un arrière-goût un peu trop acide. -Oups" glapit Elisha. A voir Ziva qui fusillait Lenowe du regard, elle regretta d'avoir loupé une occasion de se taire et se resservit une part de gâteau. "Excuse-moi, je peux entrer?" Demanda Elisha en frappant doucement sur le montant de la porte entrouverte de la chambre. "Oui, bien sûr." Ziva était assise sur le bord du lit, son ordinateur portable sur les genoux, emmitouflée dans un sweat trois fois trop grand piqué à Lenowe, à l'effigie d'un groupe dont elle avait du l'entendre parler une ou deux fois. Elisha se rapprocha à petits pas d'elle et lui tendit une tasse de thé bouillant, qu’elle accepta volontiers. "Où est passé Lenowe? Demanda Ziva en refermant son portable. -Il est parti faire un tour avec Lakritsi. Le chien des voisins" s'empressa d'ajouter Elisha, constatant l'incompréhension de Ziva. "Je suis vraiment désolée d'avoir fait une erreur tout à l'heure. Je me sens mal d'avoir... -Non, Elisha, ne t'excuse pas. Ton frère a disons un peu de mal à l'accepter, mais il s'en remettra. -Tu en es sûre? -Il n'aura pas le choix, soutint-elle en remuant le thé trop chaud dans la tasse. Elisha éloigna la sienne de ses lunettes recouvertes de buée et soupira. "Je vais te laisser. Tu dois être vraiment crevée, après ce voyage. Demain, Lenowe m'a dit qu'il avait prévu de passer chez un de ses amis. Je serais toi, je n'irais pas avec lui. Enfin je dis ça, je dis rien. A demain" sourit Elisha en tapotant amicalement le genou droit de Ziva. Une fois Elisha partie, elle éteint son ordinateur et se glissa sous la couette. Lenowe rentra à la maison une demi-heure plus tard, et tenta gauchement de faire le moins de bruit possible. Il donna accidentellement un coup de pied dans sa valise et sa tapa la tête contre la mansarde du toit. "Arrête de faire comme si tu étais discret, Lenowe". Ziva ne dormait toujours pas, le décalage horaire n'aidant pas. Les lattes du sommier craquèrent sous son poids lorsqu'il se jeta sur le matelas. "Je vais aller voir un ami à moi qui habite à cinquante kilomètres d'ici, demain. T'es pas obligée de venir si tu..." Une main froide se posa sur son épaule. -On verra ça demain" marmonna-t-elle en se tournant dos à lui. Sam 25 Fév 2017 - 19:09 |
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